Pour rappel, l'étude Belgian Publishing Survey du CIM, deuxième du nom, mesure l'audience des marques de presse, qu'elles soient consultées en version papier ou numérique. Ses données couvrent la période de juin 2023 à mai 2024, avec un total de 8.030 interviews réalisées, et portent sur les 16+.
En très bref, le CIM note que la BPS 2024 permet de constater que 94% des Belges consultent au moins une marque de presse chaque mois. Ils sont aussi plus de 56% à consulter une marque de presse quotidienne chaque jour, et plus de 72% à consulter chaque semaine une marque de presse hebdo ou chaque mois, une marque de presse mensuelle.
Autre constat, à l'évidence, la lecture multicanale s'impose aujourd'hui : c'est le cas pour 53% des lecteurs qui consultent les marques de presse via différents supports, papier et/ou digital. A ce niveau, le smartphone est le premier device utilisé (52%), loin devant le laptop (21%), la tablette (14%) et les desktop (13%).
Plus dans le détail, sur la variable Paper + Digital, on notera les principaux "gagnants et perdants" de cette cuvée BPS. A commencer par la presse quotidienne où l'on pointera les progressions à deux chiffres du Soir (553.200 LDP, 10%), de Gazet van Antwerpen (366.500 LDP, +15%) et de L'Écho (148.100 LDP, +25%) ; De Morgen (256.700 LDP, +8%) n'est pas en reste, et Belang van Limburg (328.700 LDP, -15%) broie du noir. Côté suppléments PQ, là aussi, on note plusieurs belles progressions - So Soir (+14%), Deuzio (+36%) et les deux éditions de Sabato (+13%) - mais aussi quelques reculs plus ou moins conséquents - MAX (-11%), Nina (-12%), Billie (-8%) et De Morgen Magazine (-6%). Quoi qu'il en soit, on peut dire que la PQ dans son ensemble réalise un bon CIM.
Au rayon magazines, outre la décision des éditeurs ProduPress et Ventures de faire l'impasse sur les mesures CIM, on constate davantage de baisses que de hausses. Ainsi parmi les poids lourds, les cousines Libelle (-11%) et Femmes d'Aujourd'hui (-14%) font grise mine ; Top Santé (-12%), Le Vif (-20%) et Moustique (-12%) aussi. Dans ce contexte, les légères hausses de 4% de Paris Match, Soir Magazine et Flair sont à signaler pour les titres francophones ; idem pour le couplage Trends/ Trends Tendances (+7%). La stabilité "à la hausse" des leaders Dag Allemaal (817.800 LDP) et Ciné Télé Revue (675.400 LDP) est aussi à signaler. De stabilité, il en est aussi question pour les ténors de la presse gratuite, De Zondag (1,312 million de LDP) et les deux éditions du magazine Delhaize (3,253 millions).
Vous retrouvez tous les détails de l'évolution de l'ensemble des titres "cimés" dans les analyses de Space ci- après.
Seen from Space Special - Belgian Publishing Survey, année 2 : les heureux, les autres… et les absents !
"Publishing" plutôt que simplement "readership" : aujourd’hui, les données CIM ex-NRS englobent également les résultats de questions sur la consommation de vidéos ou de podcasts sur les sites ou applis des éditeurs de presse. Reprises au niveau de la métrique "total brand", ces données n’interviennent donc pas dans les audiences les plus directement utiles pour le trading média, celles qui portent sur le lectorat "papier+replica".
Cette année 2 de la formule BPS ne sera pas un grand cru pour certains, mais elle diffère sensiblement de l’année 1 qui avait été plutôt négative pour l’ensemble du secteur publishing. Elle se caractérise aussi par un certain nombre d’abandons, ce qui n’est pas une bonne nouvelle. De ce fait, l’enquête CIM est moins représentative du comportement de lecture des Belges dans leur ensemble, mais seulement - et ce n’est pas rien - d’un périmètre plus restreint qu’auparavant.
En très bref :
> La nouvelle version de l’étude d’audience presse se base sur un mix de méthodes de recrutement de ses répondants divers, comme c’est désormais l’usage depuis l’épisode Covid.
> Le questionnaire utilisé est resté stable par rapport à l’année précédente, ce qui permet une comparaison a priori fiable.
> Malheureusement plusieurs titres ont disparu de l’étude d’audience. Certains comme Metro parce qu’ils ne paraissent tout simplement plus, mais d’autres, dans le segment des magazines, suite à des décisions de leurs éditeurs.
> Le résultat de la comparaison avec l’année dernière montre une certaine diversité de situations. La presse quotidienne est plutôt stable globalement, voire en léger mieux. Du côté de la presse magazine, les évolutions peuvent être assez diverses, mais la tendance globale n’est pas positive.
> On est donc dans un scénario un peu plus usuel des études d’audience presse : des gagnants et des perdants, du moins si on raisonne à court terme d’une année à l’autre. Il est parfois utile de regarder plus loin.
> Attention : dans certains cas, les évolutions à un an peuvent donner lieu à plusieurs interprétations : correction d’une évolution précédente, dans le sens d’un retour à la "normale", accident de parcours ou effet d’échantillon. Dans ce dernier cas, il faut rappeler que les enquêtes sont menées sur moins de répondants qu’auparavant (8.030 ou 8.200 l’année dernière contre quelque 10.000 jusqu’il y a peu).
STABILITE METHODOLOGIQUE
A la différence de l’enquête précédente, qui avait été ramassée sur 9 mois, celle-ci s’est déroulée sur une année entière, dans la ligne des mesures faites le plus souvent jusqu’ici.
Comme dans le passé récent, la liste des méthodes de recrutement est un peu longue. A côté de la procédure traditionnelle en face-à-face (19% du volume total d’interviews), le recrutement postal, initié en avril 2022, a été maintenu, et représente 21% du total des enquêtes réalisées. Le recrutement téléphonique ("online CATI", pour Computer Assisted Telephone Interview, qui donne lieu ensuite à un remplissage du questionnaire en ligne) pèse 19% du total. Les deux autres canaux de recrutement ont été digitaux : access panels (19%) et panel CIM Mediawatch (22%) complètent le tableau. Avec ce patchwork d’approches, une tendance générale : plus de 80% des interviews ont été réalisées en auto-complété, sans l’aide d’un enquêteur, une rupture fondamentale par rapport au passé d’avant Covid.
Tout comme l’année dernière, on a rempli majoritairement en ligne les enquêtes BPS, comme le montre le schéma ci-dessous où le CAWI (Computer Assisted Web Interview) est la modalité la plus fréquente. C’est dire si le passage du questionnaire en mode "mobile friendly", effectué en 2021, était indispensable.
Comme lors des précédentes éditions, l’étude d’audience presse publie deux indicateurs d’audience principaux :
Papier+versions digitales "replica" (le CIM intitule cette modalité "paper+digital", mais nous lui préférons le terme "replica" qui traduit mieux la ressemblance des versions digitales concernées - essentiellement PDF - avec les versions papier) : selon les éditeurs de presse, c’est là le standard de commercialisation de la publicité dans leurs titres.
Total brand : le lectorat net de l’ensemble des plateformes, qui résultent d’une fusion entre les données déclaratives papier+replica telles que collectées dans le terrain d’enquête et les audiences en ligne mesurées par le CIM Internet, comme le montre le schéma ci-dessous :
Conséquence de la fusion : les données déclaratives relatives à la lecture sur site ou sur application ainsi qu’à la consommation vidéo sont remplacées par les chiffres issus du CIM Internet. En revanche, l’information relative aux podcasts est maintenue, car elle ne peut pas être remplacée par les outputs actuels du CIM Internet.
Le lectorat web, exclusif ou non, peut venir de différentes plateformes et se décliner sous différentes modalités, mais le CIM insiste - c’est normal - sur le CIM Internet comme source préférée des audiences online.
Ci-après une illustration des différentes modalités de lecture, selon la BPS :
TOUJOURS SANS LIEN AVEC LA DIFFUSION
Précédemment avec les publications d’études d’audience, les données de diffusion (vente et autres modes de distribution) permettaient une mise en perspective utile des données réunies par sondage sur le lectorat des titres. Réunies dans des périodes parallèles à celles des enquêtes de terrain NRS, ces données de diffusion donnaient un autre éclairage, parallèle ou non, sur la santé des titres de presse.
Aujourd’hui malheureusement, la relation entre audience et diffusion est moins claire que jamais :
> Les audits de diffusion du CIM ne portent que sur les éditions papier et les éditions digitales payantes : aucune comparaison possible avec les données d’audience agrégées différemment. Nous n’avons en effet pas accès aux audiences papier, et celles du digital portent sur l’ensemble de la lecture, que le contenu soit payant ou non.
> Les "Brand Reports" publiés en même temps que l’étude actuelle ne communiquent de données de diffusion que sur l’année calendrier 2023, alors que les audiences portent sur une période de 12 mois, dont 7 sur 2023 et 5 sur l’année calendrier 2024. Bref, il y a un décalage temporel (trop) important entre les deux types de données.
BON A SAVOIR
On examinera ci-dessous les résultats des titres individuels, par catégorie, en se basant sur l’audience dernière période (désignée AIR pour Average Issue Readership) sur l’ensemble de la population de référence CIM, soit désormais les 16 ans et plus. Les regroupements de titres correspondent à notre propre vision des "familles" de presse.
On trouvera d’abord une comparaison entre lectorats papier+replica des deux dernières éditions. Puis uniquement lorsqu’il y a une différence entre total brand et papier+replica, nous comparons les lectorats total brand des deux éditions.
Les variables total brand ne sont disponibles que pour les titres pris individuellement, à l’exclusion donc des groupages.
Toutes les combinaisons de titre ne sont pas reprises. Dans la mesure du possible, nous allons toujours vers la plus petite unité publiée.
Les indices d’évolution sont ceux que nous avons établis sur base des données en notre possession. Ils peuvent différer de ceux publiés par IPSOS pour le compte du CIM, sans doute pour de simples questions de décimales dans les chiffres.
TENDANCE GENERALE : LE DIGITAL CONFIRME SON APPORT
En papier+replica, les audiences dernière période sont en régression modérée, de l’ordre de -2,5% en moyenne pondérée pour les deux catégories de presse. Mais la situation apparaît plus favorable pour la presse quotidienne que pour les magazines.
Sur les 75 supports que nous dénombrons, seulement 18 enregistrent un lectorat moyen inférieur d’au moins 10% par rapport à l’édition précédente ; une majorité (46) se situe dans une fourchette de -10 à +10%. 37 titres voient leur audience soit consolidée soit en hausse plus ou moins appuyée depuis l’année dernière.
En moyenne pondérée, les audiences total brand de l’ensemble de la presse incluant donc les lectures en ligne et la consommation "non read" sont en baisse de 3% par rapport à l’édition précédente. Mais ceci cache une situation contrastée entre les deux types de presse : les magazines connaissent un recul sur les audiences total brand quand celles-ci ont une pertinence, alors que la presse quotidienne affiche une stabilité globale, qui ne signifie pas l’absence de mouvements individuels.
Comme on peut le voir ci-dessous, le cas de figure le plus fréquent ici est une baisse modérée, dans une fourchette de 10%.
La variable total brand est généralement plus élevée que le lectorat papier+replica, ce qui est normal puisqu’on ajoute des plateformes. Le tableau ci-dessous synthétise le "boost" que connaissent le lectorat des titres concernés, grâce à l’apport du digital.
Ce "boost" est évidemment dépendant de l’évolution des audiences Internet. On peut constater aujourd’hui qu’il est presque comparable à celui qu’avait suscité la fusion avec les données Internet lors de l’édition 2019-2020. Pour rappel, à ce moment, les audiences Internet des médias d’information avaient été littéralement dopées par la crise Covid. L’édition suivante avait ramené le boost Internet à un niveau plus modeste. L’étude 2023-2024 confirme globalement la situation de la précédente. La presse quotidienne gagne encore en termes de supplément d’audience digitale, quand du côté des magazines, le total brand apporte un peu moins que l’année dernière.
En détail, par type de presse
NEWSPAPERS
Le lectorat des titres de journaux connaît des évolutions annuelles parfois contrastées, comme celles des régionaux de Mediahuis en Flandre, ou chez Rossel dans le Sud. On note des progressions et des régressions, à la différence de l’année dernière où l’évolution était pratiquement partout négative. En lectorat net, l’agrégat de la presse quotidienne est d’ailleurs pratiquement à la stabilité.
La vue total brand est elle aussi assez diversifiée, mais livre des ratios d’évolution beaucoup plus serrés : de -3 à +7% : une belle différence par rapport papier+replica où les évolutions pouvaient être à deux chiffres dans certains cas.
Les suppléments magazines des quotidiens affichent, sur la modalité papier+replica des évolutions contrastées, comme leurs titres de référence. Globalement, le lectorat est ici en baisse de 6%.
La prise en compte de l’ensemble des plateformes livre des ratios d’évolution plus contrastés encore dans certains cas. L’ensemble des lectures digitales peut parfois rehausser fortement certains titres, mais l’orientation générales est malgré tout franchement négative, avec une évolution moyenne de -18%.
MAGAZINES
Place maintenant aux magazines, toutes périodicités confondues.
Pour ce qui est du lectorat papier+replica, les magazines sont orientés majoritairement (12 titres sur 20) vers une diminution par rapport à l’année dernière. 8 titres affichent des ratios positifs dont deux associatifs. Mais pour le bilan global, l’ensemble des audiences des 20 titres affiche une moyenne de l’ordre de -3%.
Le paysage des magazines francophones est moins uniformément négatif sur le plan des audiences papier+replica. On remarque même de fortes différences , y compris sur certains titres à forte audience, pour lesquels on peut moins facilement argumenter sur de petits échantillons de répondants. Selon les titres, les évolutions peuvent être extrêmement différentes, entre -20% et +14% : une marge appréciable. Mais le bilan global est orienté à la baisse : -4% à travers les 16 titres considérés restant.
Certains titres ne sont accessibles aux analystes qu’en combinaisons bilingues. C’est le cas des 9 supports listés ci-dessous et encore étudiés. Ici aussi, on note une assez grande dispersion de résultats entre le +33% de Trends Style et le -22% de Wonen Landelijke Stijl. Toutefois, concernant ce dernier, notons qu’il a éteint sa version francophone, ce qui a probablement détérioré davantage son lectorat.
Place maintenant aux audiences total brand pour les magazines, lorsque celle-ci s’avère différente de la modalité papier+replica. Ce qui n’est le cas que des 26 titres repris ci-dessous.
En effet, tous les 45 supports magazines inclus dans l’étude BPS ne bénéficient pas d’une déclinaison en ligne, ou alors celle-ci n’apporte aucun lectorat incrémental. C’est probablement ici qu’on trouve la plus grande dispersion en termes d’indices d’évolution : autour d’une moyenne générale à -8%, les ratios annuels oscillent entre -37% et +100% !
Enfin, notre dernier tableau porte sur les quelques titres disponibles gratuitement en mode "push", pour lesquels - sauf l’exception de 7 Dimanche - seule l’audience papier+replica est d’application. Dans ce dernier cas, l’évolution est différente selon la référence d’audience qui a été prise en compte. On est sinon dans un scénario de stabilité ou de légère stagnation.
Total brand : un indicateur essentiellement commercial
Pour rappel, la métrique total brand porte sur le nombre net de lecteurs d’un titre, quelle que soit la plateforme dans un intervalle de temps donné. Avec depuis l’année dernière, un surplus, celui du "non read". Mais pour la partie digitale, il faut lire l’indicateur total brand plutôt comme un potentiel que comme un indicateur de performances réelles.
Rappel nécessaire : l’audience Internet injectée pour obtenir le total brand englobe la totalité des utilisateurs d’un site, quel que soit le volume de consommation de celui-ci et quel qu’ait été le point d’entrée.
Or, en planning digital, on est rarement présent sur toutes les pages et/ou toutes les rubriques d’un site, de façon à couvrir tous ses utilisateurs. On est présent à hauteur d’une "part de voix" (share of voice) qui représente une fraction des contacts disponibles, mais rarement la totalité. Du coup, le nombre net d’utilisateurs varie suivant le share of voice, mais pas de manière linéaire.
L’exemple ci-dessous porte sur le package NP, soit l’ensemble des journaux généralistes du pays, en un jour moyen. Il permet théoriquement de toucher environ 3 millions de Belges âgés d’au moins 16 ans, ou 32%. Mais en fonction du niveau d’investissement choisi - souvent inférieur au share of voice 100% - ce n’est pas ce niveau qui va être atteint, mais un peu moins, sans proportionnalité directe. Ainsi pour une présence SOV à 50%, on peut arriver à 84% du potentiel, et pour un SOV de 60%, on est à 88% de la valeur maximale possible :
L’audience total brand est donc un maximum plausible. Il ne sera généralement pas atteint. Il n’est donc pas un indicateur de media-planning pertinent, mais une référence commerciale utile.
Un contexte pourtant peu favorable
En conclusion, nous dirons que l’année 2 de l’étude d’audience BPS n’est pas aussi négative que l’année 1. Et ce, malgré un contexte peu favorable.
Rappelons en effet que l’étude annuelle Digital News Report du Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxford identifie une baisse quasi constante de la proportion d’individus se disant "extrêmement intéressés" ou "très intéressés" par l’actualité et l’information en Belgique. Ces proportions ont atteint leur minima historiques en 2024.
En définitive, la presse quotidienne s’en sort plutôt bien. Du côté magazines, la décision des éditeurs Produpress, Ventures Media et VAB de ne plus jouer le jeu de la mesure neutre effectuée par le CIM constitue un très regrettable précédent.
Un grand merci à Bernard Cools, Chief Intelligence Officer de Space et président de la Commission Technique Presse du CIM, pour ces analyses.