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Christian de la Villehuchet (EACA) : "Notre industrie a besoin d'une voix forte pour défendre sa valeur auprès de tous les acteurs"

Dimanche 3 Novembre 2024

Christian de la Villehuchet (EACA) :

Nommé à la présidence de l’EACA en 2022 pour un mandat de deux ans, Christian de la Villehuchet a embrassé cette fonction au sein de l’association européenne des agences avec toute la passion et l’opérationnel qu’on lui connait. Et ce, en parallèle à ses (nombreuses) responsabilités qu’implique sa double casquette de Global Chief Integration Officer et Global Chief Client Officer du groupe Havas - de l’intégration des clients et des acquisitions à la direction des affiliés, en passant par la gestion du Global Creative Council de la filiale de Vivendi. 

Aujourd’hui, lorsque nous lui posons la question, Christian de la Villehuchet laisse entendre qu’il n’est pas contre l’idée de briguer un second mandat : « Nous sommes en plein processus de transformation du rôle et de la visibilité de l’EACA, en collaboration avec la direction et le conseil d'administration. Et il est clair que nous n’en avons pas encore terminé, mais je réserve la décision à nos membres. »

D’ici là, il revient sur les principaux chantiers de l’EACA, ses missions clés et aussi sa raison d’être : tout part de là évidemment. 

Défendre les intérêts du secteur au plus haut niveau

A l’entame de son mandat, Christian de la Villehuchet nous expliquait sa volonté de faire en sorte que l'industrie de la communication soit perçue comme « un symbole de toutes les valeurs qui rendent l'Europe si forte ». Il pointait la diversité, l'inclusion, la durabilité… Il insistait sur le rôle crucial que joue l’EACA dans la structuration du secteur. 

« J'estime aussi que ma mission consiste à créer une véritable communauté de leaders talentueux, compétiteurs dans leur quotidien mais également passionnés par l’industrie de la communication, qui peuvent partager, apprendre les uns des autres, et se mobiliser ensemble quand cela s’impose », ajoute-t-il. 

« Après tout, vous me connaissez depuis plus de 20 ans, je n’ai jamais changé :  ensemble, nous sommes bien plus forts ! », insiste celui qui a longtemps dirigé le groupe Havas en Belgique.

C’est une évidence :  « Dialoguer avec les décideurs européens est une compétence clé de l’EACA. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a été créée à l’origine », rappelle son président. 

« L’EACA s'engage avec l'Union européenne en défendant les intérêts de l’industrie de la communication, en influençant la législation pertinente et en collaborant avec les décideurs et institutions dans le cadre de consultations réglementaires essentielles. Elle veille à ce que ses membres soient informés et conformes aux réglementations grâce à une communication active sur les politiques, tandis que des groupes de travail traitent des enjeux majeurs tels que la durabilité, la diversité et l’IA, afin de définir les normes du secteur et de favoriser la collaboration transfrontalière. »

Pour renforcer ces liens qu’entretient l’association avec l’UE, il nous annonce le lancement prochain des « Petits-déjeuners politiques » avec des décideurs européens et un grand événement, également prévu pour le début 2025, sur la valeur de la publicité avec des députés européens et d’autres associations professionnelles du secteur. Nous y reviendrons, forcément. 

DEI et durabilité : au-delà des symboles

Dès l’entame de son mandant, Christian de la Villehuchet a veillé à ce que les initiatives de diversité et de durabilité de l’EACA aillent au-delà de simples gestes symboliques pour se traduire en véritables changements au sein des agences : « Au travers de notre groupe de travail DEI, nous élaborons des guides pratiques avec des étapes concrètes et applicables que les agences, grandes ou petites, peuvent adapter pour promouvoir l'inclusivité dans leur travail et leur environnement professionnel. » 

Parmi ces initiatives, on peut citer les guides "She is a Keeper" pour la rétention des talents féminins dans le secteur, et "Removing Barriers" pour des lieux de travail accessibles à tous. « Ces guides fournissent des stratégies concrètes pour intégrer les principes DEI dans les pratiques quotidiennes. Nous avons aussi un groupe de travail qui développe des ressources visant à inclure l’accessibilité dès les premières étapes des projets clients, et nous participons à l’Ad Access Alliance, afin que les agences puissent participer à ces discussions essentielles, assurant ainsi que la diversité dépasse le simple symbolisme. »

De la même façon, en matière de durabilité, les agences membres de l’EACA veulent encourager une plus grande prise de conscience environnementale chez leurs clients « sans tomber dans des récits superficiels », souligne Christian de la Villehuchet.

 « L’EACA montre l'exemple avec son hub Ad Net Zero Europe, qui encourage un changement significatif dans le secteur grâce à des processus clairs et des cadres permettant de respecter pleinement les exigences. À travers notre groupe de travail sur la durabilité, nous surveillons de près les "green claims" (allégations vertes, ndlr.) et aidons les agences à élaborer des messages authentiques et conformes aux réglementations, évitant ainsi le greenwashing. Là encore, tout cela garantit que les récits environnementaux sont sincères, et en phase avec les normes en constante évolution. »

De quoi également attirer et retenir les talents ? « C’est en effet un sujet clé », convient le président de l’EACA. « Je viens d'une génération où les jeunes étaient enthousiastes à l'idée de travailler dans la publicité. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. C’est aussi assez paradoxal : ces jeunes souhaitent avoir un impact sur le monde. Or la publicité est le seul secteur où l'on peut à la fois influencer les annonceurs à travers le purpose de leurs marques et les citoyens via les messages auxquels ils sont exposés. »

Il rappelle l’étude sur les talents de 2022/2023, qui a identifié des défis importants pour attirer et retenir les talents : « Cette enquête a révélé que les jeunes générations privilégient la flexibilité, le développement personnel et le bien-être mental. Elle a aussi révélé un écart de talents important dans le secteur, les agences ayant du mal à répondre aux attentes changeantes des professionnels de la Génération Z. » 

Pour lui, ces perspectives ont été essentielles pour orienter les initiatives de l’EACA en faveur du développement des talents à travers l’Europe. A cet égard, il cite la compétition Ad Venture, qui permet aux étudiants d’universités européennes de vivre une expérience concrète dans le secteur des communications commerciales en travaillant sur de vrais briefings. « Cela permet non seulement de cultiver de nouveaux talents, mais aussi de renforcer le lien entre le monde universitaire et les agences, offrant aux étudiants une voie d’entrée dans notre industrie. »

Cette année, l’EACA a également lancé le Young Board, une initiative visant à donner une voix aux jeunes au sein de l’association. « Ce conseil offre une plateforme pour échanger des idées, apprendre de figures expérimentées et construire des projets à l’épreuve du temps qui répondent aux aspirations des jeunes générations. C’est un moyen dynamique de s'assurer que leurs besoins et attentes sont pris en compte au plus haut niveau. »

« Ce sont les idées humaines qui changent les comportements, pas l’IA »

Le mandat de Christian de la Villehuchet a également été marqué par le buzz qu’a suscité le développement rapide de l’intelligence artificielle. Une opportunité plus qu’un risque, estime-t-il : « L’IA nous poussera à concevoir des idées plus grandes et plus audacieuses. Ce sont les idées humaines qui changent les comportements, pas l’IA. »

« En lançant l’AI Hub et en suivant de près l’AI Act de l'UE, nous donnons à nos membres les outils nécessaires pour naviguer dans cette transformation. Nous visons à exploiter l’intersection entre la créativité et l’IA, comme en témoigne le Guide pratique sur l’AI Act à venir. Celui-ci fournira aux agences des informations utiles, tout en leur assurant de rester du bon côté de la réglementation. »

Christian de la Villehuchet insiste aussi sur la nécessité de trouver un équilibre entre les données et la créativité, notamment à travers des Effie Europe Awards, qui illustrent l’efficacité de cette combinaison et dont la prochaine remise de prix se tiendra à Bruxelles, le 11 décembre. « Nous avons reçu plus de candidatures que jamais, ce qui montre l’importance que les annonceurs et agences accordent à l’efficacité. »

En réalité, pour lui, ces deux aspects - data et créativité - se complètent parfaitement : « L'étude "The Secret Behind Ideas that Work", produite en partenariat avec Kantar en 2023, a offert des perspectives qui renforcent l’intérêt de s'appuyer sur les données pour éclairer la créativité, tout en préservant le rôle de l’intuition humaine dans le processus créatif et en tenant compte de l’essence humaine intrinsèque à chaque marque. »

L’agence du futur

C’est un sujet qui lui tient à cœur, et que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder, une petite musique que l’on entend de plus en plus : l'idée selon laquelle le modèle des agences serait obsolète… « C’est une question très complexe, et bien sûr, elle nous tient tous éveillés la nuit », sourit-il. 

« Si je devais la concevoir simplement, l'agence du futur devrait se concentrer sur la connexion plutôt que sur la simple communication, en englobant toutes les formes d’interactions entre les entreprises, les marques et leur public, qu’elles soient internes ou externes », analyse-t-il. « Avec une immense flexibilité, car chaque jour apporte des changements, intégrant divers services et cultures, et en privilégiant la collaboration plutôt que la compétition. » 

En résumé et en conclusion, selon lui, l’agence du futur doit marier intelligemment données et créativité et adopter les innovations technologiques pour rester pertinente dans un paysage en constante transformation. 

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