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MM Mood Indicator: une année 2025 toute en contraste

Mardi 11 Février 2025

MM Mood Indicator: une année 2025 toute en contraste

Présentée en avant-première par Deniz Sariyildiz (Kantar) et Francis Lippens (AKQA Brussels) lors du BAM Marketing Congress, notre étude MM Mood Indicator avait pour but de prendre le pouls du secteur. À l'entame d’une année qui s’annonce une fois encore assez… imprévisible, que ce soit sur le plan géopolitique, économique et climatique, nous voulions évaluer l'état d'esprit, les priorités et la dynamique de notre écosystème (*).

À l'arrivée, cet indicateur accouche de plusieurs points d’attention forcément attendus, mais aussi d'autres insights parfois plus surprenants.
Sans surprise, mot-clé en 2024, l'IA le restera en 2025 pour 79% des professionnels. Derrière, on retrouve les first party data (37%) - ils éclipsent les 3th party data et le cookieless -, mais aussi la durabilité pointée par près d’un tiers des répondants, le retail media (29%) et les médias locaux (29%). 
 
A cet égard, on relèvera que 40% des sondés estiment que la résilience du marché média local est une opportunité. Parallèlement, plus d'un tiers craint la perte de considération des centres de décision locaux, autant que la montée en puissance des fake news. 
Si 61% des répondants ont évalué positivement 2024compte tenu des menaces identifiées comme telles au niveau géopolitique et économique, 2025 risque de s’avérer un peu plus compliquée. A tout le moins pour les agences créatives et les agences médias : 20% des répondants affichent un mindset négatif ; globalement, 32% des répondants se montrent aussi négatifs en ce qui concerne l’évolution des investissements médias. Mais pas de panique pour autant : 57% de tous les répondants restent positifs, voire très positifs pour 2025.
« En examinant les différents segments, on constate que les acteurs locaux du secteur martech sont indubitablement les plus optimistes », observe Deniz Sariylidiz, Senior Director & Marketplace Lead chez Kantar Belgium. « Ils sont en cela probablement encouragés par la perception positive qu’ont les annonceurs et les agences média de la dynamique de ce secteur et des outils développés en Belgique, mais aussi, bien sûr, par l’actuelle popularité de l’IA », ajoute son collègue Bernard Scheray.
Les agences MarTech sur un petit nuage
A l’évidence, le petit monde du MarTech affiche un optimisme largement plus prononcé que les autres acteurs du marketing, et ce sur la plupart des critères analysés.

Une première explication repose plus que probablement sur la progression du marché des MarTech qui devrait plus que doubler d'ici 2033 selon Business Research Insights.

Nous avons rencontré quelques représentants de ce secteur pour savoir s’ils partagent cet optimisme et mieux en comprendre les ressorts.
François-Xavier Le Ray, General Manager France & BeLux de The Trade Desk, confirme d’emblée cet état d’esprit positif qu’il explique notamment par la fragmentation des audiences et la digitalisation des médias.

Le panel de canaux digitaux s’enrichit avec la poussée des Connected TV, le développement de la publicité sur les grandes plateformes vidéo, la progression de l’audio digital ou encore le DOOH.
Cela implique d’une part une progression mécanique des budgets publicitaires digitaux et, d'autre part, cela favorise les solutions d’achat, notamment programmatiques, qui permettent d’adresser ces canaux. 

François-Xavier Le Ray note également que la multiplication des médias digitaux et leur popularité montrent les limites des grandes plateformes et leurs "Walled garden". Acteur de l’Open Web, The Trade Desk mise depuis longtemps sur cet Internet ouvert en favorisant l’omnicanalité sur sa plateforme et en mettant à disposition l’EUID, une alternative aux cookies tiers qui d’une manière ou une autre finiront par disparaître malgré les atermoiements de Google.

Autant de raisons d’être optimiste pour l’avenir même avec un contexte économique et géopolitique agité. « Les annonceurs sont toujours plus soucieux d’optimiser leurs investissements et nos solutions vont dans ce sens en permettant des achats plus rationnels alimentés par de la data », note-t-il.

La suite ici.
Les annonceurs et les agences vivent-ils dans des mondes différents ?
Lors de la présentation de ce Mood Indicator au Congrès BAM, Francis Lippens, CEO d'AKQA Brussels, partenaire de MM dans ce projet, a aussi relevé plusieurs points liés à son secteur. 
 
De manière assez étonnante, on constate par exemple que les annonceurs ont tendance à mieux noter la créativité made in Belgium que les collaborateurs des agences - ce qui, somme toute, est plutôt positif pour elles. 
En revanche, et c'est plus inquiétant, 57% des annonceurs reconnaissent qu'ils n'ont pas une vision très claire du marché agences : du grain à moudre pour l’ACC ?

Bernard Scheray : « Il y a de nombreux types de nouvelles agences et il se peut que leurs différences ne ressortent pas toujours clairement, notamment parce que les nouveautés se sont multipliées au cours des cinq dernières années et que les choses évoluent extrêmement rapidement. »
On se souvient qu’avec l’UMA et l'UBA, l'ACC a récemment tiré la sonnette d'alarme quant au coût que représente la gestion des pitches. Tant pour les agences que pour les annonceurs… Or à l’aune de notre étude, il s'avère que ces derniers ne s’en soucient guère, davantage préoccupés par l'efficacité à tous les étages, à l'inverse des agences et surtout des agences médias. 
« À cet égard, il pourrait être utile de se pencher sur la nécessité de mener autant de pitches et de se demander s’il n’existe pas des façons plus durables de collaborer », note Deniz Sariylidiz.

« Tout le monde bénéficierait ainsi d’une plus grande transparence et d’une meilleure communication. Cette réflexion incombe clairement à toutes les parties concernées. »
Autre point d'attention : les collaborateurs des agences créatives déplorent le manque d’attractivité de la profession pour les jeunes. Un point assurément à travailler… tout comme l'expérience des employés : le fait qu'ils aient l'impression que leur travail n'offre pas (plus) cet attrait, ne traduit-il pas aussi un ressenti négatif vis-à-vis de leur métier ? 
 
« Les annonceurs et les agences vivent dans des mondes différents », constate Francis Lippens. « Prendre conscience de cette réalité constitue la première étape vers le changement. Il est temps de renforcer notre collaboration ! » 
Comment expliquer cette variation de perception sur un même sujet ? Éléments de réponse avec Peter Ampe, Creative Leader chez AKQA Brussels.
Peter Ampe (AKQA Brussels) : "Que les agences et les clients aient des priorités totalement différentes, cela m’a surpris"
Selon le MM Mood Indicator, les agences créatives sont beaucoup plus critiques envers leur propre travail que les annonceurs, qui jugent la créativité belge bonne voire excellente. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
 
Je ne pense pas que ce soit un paradoxe. Au contraire, c’est de la logique pure. Cela signifie que les annonceurs reconnaissent l’importance de la créativité, alors que les agences estiment pour leur part qu’elles ne sont pas encore assez créatives, voire qu’elles ne peuvent pas l’être autant qu’elles le voudraient.
 
C’est une invitation pour toutes les agences à surprendre leurs clients avec un travail créatif, car, manifestement, les annonceurs y sont clairement ouverts.
 
Quel regard portez-vous sur la qualité et la créativité des campagnes belges, et comment l’expliquez-vous ?
 

Dans le même esprit, j’entends beaucoup d’agences dire qu’elles ne sont pas satisfaites du niveau actuel des campagnes.
 
Chez AKQA Brussels, nous pensons que les marques ne progressent pas avec du papier peint, mais qu’elles méritent des idées qui résonnent bien au-delà du plan média d’une campagne. 
 
Il faut oser être créatif pour des marques visibles. C’est ainsi que l'on génère de l’impact.
 
Comment pourrait-on changer cette situation ?
 
En s’appuyant davantage sur des moments quotidiens et reconnaissables. Les annonceurs réfléchissent souvent en termes de "produit", alors que les idées deviennent plus pertinentes lorsqu’on pense d’abord au consommateur.
 
Inversez la logique "outside-in", et vous y êtes.
 
Toujours selon le Mood Indicator, les collaborateurs des agences créatives regrettent que le métier ne soit plus aussi attractif pour les jeunes. Partagez-vous ce constat et comment pourrait-on le rendre plus attractif ?
 

Je pense que l’intérêt est en train de revenir. Mais, pour cela, notre secteur doit continuer à s’adapter aux règles du jeu actuelles. Autrement formulé, nous devons jouer un rôle sociétal à travers notre travail. Tout comme nous ne devons pas seulement réfléchir en termes de budgets marketing, mais également contribuer à l’innovation en matière de produits et de services.
 
Chez AKQA Brussels, nous avons toujours adopté cette approche. Cela nous amène parfois à recevoir des demandes de stage venues d’horizons inattendus. 
 
Pour le reste, notre secteur garde un côté unique : nulle part ailleurs on peut chaque jour travailler pour une marque différente ! Nulle part ailleurs il y a autant d’occasions de faire la fête ! Nulle part ailleurs, enfin, on peut rester à la pointe des nouvelles technologies…
 
Quels autres insights de l’étude vous ont marqué ?
 
Que les agences et les clients aient des priorités totalement différentes... Ce qui me pousse à encore mieux écouter les préoccupations des clients pour faire la différence avec des solutions créatives.
 
Quel est l’état d’esprit de vos équipes en ce début d’année 2025 ?
 

Après les succès de 2024, nous avons entamé la nouvelle année avec un sentiment de fierté. Nous sommes très soudés et nous savons que nous pouvons compter l’un sur l’autre pour chaque projet et chaque changement.
 
Nous ne sommes pas aveugles face aux incertitudes du secteur, mais nous continuons à voir chaque défi comme une opportunité.
 
Pensez-vous que cet état d’esprit est partagé plus largement ?
 

Difficile à dire.
 
Comment expliquez-vous cette mentalité ? Est-ce un phénomène propre au secteur ou davantage lié à la conjoncture économique et sociétale actuelle ?
 
Nous recrutons en fonction de l’ADN et de la culture, et cela porte ses fruits. Nous avons tous des expertises différentes, mais nous partageons la même ambition pour nos clients et la volonté de faire cet effort supplémentaire pour vraiment faire la différence.
 
Depuis nos débuts, nous avons une mentalité entrepreneuriale au sein de l’agence. Les collaborateurs peuvent proposer des idées et les concrétiser. Ces projets contribuent à notre fierté collective.
 
Les nouvelles technologies jouent-elles un rôle dans la motivation des créatifs ? Si oui, comment et à quel niveau ?
 

L’IA est une bénédiction. Tous les concepts impossibles autrefois deviennent soudain réalisables. Mais nous ne devons pas non plus tout miser sur l’IA : c’est un excellent outil, mais il n’est ni vraiment intelligent ni véritablement créatif.
 
J’ai parfois des échanges hilarants avec Gemini, comme quand, par exemple, l’outil admet qu’il invente des choses ou que ses réponses sont remplies de clichés…
(*) l’étude a été menée par Kantar entre septembre et octobre auprès de la communauté Media Marketing. 237 professionnels ont répondu à notre questionnaire, majoritairement des profils seniors avec 60% des participants issus des agences (créatives, médias et martech), 15% de publishers et 13% d’annonceurs. Elle est disponible sur demande pour nos abonnés.

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