Son expérience impressionne. À 22 ans, elle a quitté sa famille et sa ville natale de Rio de Janeiro pour obtenir son diplôme d'ingénieur civil à Gand. Aujourd'hui âgée de 31 ans, Karen De Sousa Pesse est Strategic Account Executive chez Salesforce, en charge de l'innovation et de la technologie dans le secteur public. Elle s'engage également en faveur d'une plus grande égalité et d'une plus grande diversité sur le lieu de travail. Son parcours, malgré son jeune âge, lui a valu une reconnaissance internationale et plusieurs prix, dont une nomination dans la catégorie "Leading ICT Lady of the Year" du prix
She Goes ICT décerné par Datanews. MM l'a interviewée.
L'entreprise pour laquelle vous travaillez reste pour beaucoup une mystérieuse boîte aux compartiments multiples. Que fait un ingénieur civil chez Salesforce ?
Je possède un background technologique, donc je travaille sur la stratégie digitale et les nouvelles technologies disruptives. Chez Salesforce, je fais partie de l’équipe secteur public au service du gouvernement et des services publics. Avec mon équipe, j’analyse leurs défis en matière de digitalisation et nous cherchons ensemble les solutions Salesforce adéquates pour qu’ils puissent tirer le meilleur parti de l’innovation technologique.
Salesforce est actuellement un employeur attrayant pour de nombreux jeunes. Pourquoi vouliez-vous travailler chez eux ?
Cela tient, entre autres, à la culture et aux valeurs de l’entreprise telles que la confiance, l’innovation, l’égalité et la durabilité, je pense. Elles sont ancrées dans son modèle d’entreprise. Il faut générer de la croissance et des bénéfices, bien entendu, mais Salesforce applique le modèle ‘one-one-one’ : vous réservez 1 % de votre temps, 1 % de votre produit et 1 % de votre capital à l’amélioration de la collectivité dans le monde entier. Les jeunes générations – dont je fais partie – se concentrent principalement sur les expériences et les emplois qui ont du sens. C’est ce qu’on trouve chez Salesforce, builtby design. C’est ce qui m’a attirée.
Quel est le plus grand défi pour les autorités publiques concernant la technologie ?
Le monde entier se numérise de plus en plus, ce qui a un impact sur les secteurs et les entreprises, mais aussi sur les gens. Nous devons donc miser pleinement sur la connaissance digitale. Je veux dire par là que nous devons apprendre aux gens à utiliser l’IA et la technologie dans leur vie quotidienne, au-delà de la fracture numérique. Nous devons veiller à inclure tout le monde, sans distinction d’origine sociale ou géographique, d’âge ou de genre.
Cette attention portée à l’égalité est l’un de vos chevaux de bataille.
Si vous naissez dans un pays en développement, vous avez généralement moins de possibilités, selon la famille dont vous êtes issu. Bénéficier d’une bonne éducation est très important : mes parents l’ont parfaitement compris et, même s’ils n’étaient pas très aisés financièrement, ils voulaient absolument que j’aille dans de bonnes écoles. Par conséquent, je ne côtoyais pas souvent des gens de mon entourage et je me suis toujours attachée à trouver les meilleures opportunités. Cela a aiguisé mon ambition et ma croyance dans le pouvoir que l’on peut trouver en soi.
Mon parcours, du reste, montre aussi combien les modèles sont importants. J’avais un ami qui faisait des études d’ingénieur et ses livres m’intéressaient énormément. Mais avant mes 15 ans, je ne savais pas que les femmes pouvaient aussi devenir ingénieures, jusqu’à ce qu’une amie me l’apprenne. Raison pour laquelle les campagnes dans les écoles sont vraiment essentielles pour que davantage de femmes choisissent des formations et des emplois dans le secteur des STEM. Cela vaut d’ailleurs non seulement pour les femmes, mais aussi pour les groupes ethniques : les modèles peuvent contribuer considérablement à leur émancipation.
Une société non diversifiée est non seulement injuste, mais elle est carrément dangereuse. Surtout avec le rôle majeur que jouent la technologie et l’IA dans nos vies quotidiennes, comme vous l’avez expliqué dans votre TedX Talk de juin 2023. De quels dangers s’agit-il ?
Ils sont de deux types. Premièrement, il y a les risques concrets et tangibles. Encore récemment, on ne réalisait pas que la technologie pouvait avoir un impact différent sur les hommes et les femmes. Un exemple bien connu est celui des mannequins de crash test : ce n’est qu’en 2023 que l’industrie automobile s’est rendu compte que l’impact d’une collision est différent sur le corps d’un homme et sur celui d’une femme. Avec pour conséquence la création, pour la première fois, d’un mannequin de forme féminine.
D’autre part, le manque de diversité affecte notre vision du monde et notre perception. J’ai beaucoup lu sur les préjugés inconscients et sur la manière dont ils influencent notre façon de travailler et de considérer les gens. Il est particulièrement important de ne pas introduire ces préjugés dans les modèles d’IA, cruciaux pour notre future vision du monde.
Que faire, dans ce cas ?
Une fois conscient du problème, il faut que quelqu’un décide de se mettre au service de sa résolution. C’est ce que je fais. Cette même motivation a donné naissance à DiversiBe, un groupe qui partageait les ‘best practices’ avec les étudiants brésiliens cherchant un emploi à l’étranger. Elle a également motivé mon engagement à aider les entreprises à instaurer une culture d’égalité des genres, d’équité, de diversité et d’intégration.
J’aborde cette évolution nécessaire comme un projet de gestion du changement. Tout changement commence par une prise de conscience, après quoi il s’agit de déterminer quelles actions doivent être entreprises, quel est le soutien nécessaire et ce qui doit être mesuré, afin de changer la situation.
Qu’attendez-vous de 2024 ?
Tout le monde s’enthousiasme pour l’IA et moi aussi. Dans mon travail, j’accorde une grande importance à ce que Salesforce appelle la ‘Einstein Trust Layer’, qui permet aux clients et aux utilisateurs d’utiliser tous les avantages de l’IA dans le contact client, mais sans compromettre la sécurité et la confidentialité de leurs données. Cette couche protège des issues néfastes et de la toxicité. Elle doit empêcher la technologie de partager quoi que ce soit d’inapproprié ou de nuisible. C’est une priorité absolue aujourd’hui.
Je veux donner aux gens les compétences nécessaires pour utiliser l’IA dans leur vie quotidienne, parce qu’il s’agira demain d’une compétence cruciale, pour tout le monde. La technologie touche tous les domaines de notre société et toutes les activités professionnelles, quel que soit votre secteur.
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