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Pense contre ton cerveau, par Fred Bouchar (MM)

Dimanche 7 Juillet 2024

Pense contre ton cerveau, par Fred Bouchar (MM)

Tu te réveilles un samedi matin, tranquille. En prenant ton petit-déjeuner, tu écoutes en replay "Sacré Français". Tu lis ton journal. Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent, chante Eicher. Les émissions de carbone de Google ont augmenté de 48% en cinq ans à cause de l’IA, titre Le Soir.

Tu penses : une info que tu n’as pas traitée, ni dans Blue ni dans Tech. Tu allumes ton Mac, et tu surfes. Le Google Environmental Report 2024 s’ouvre sur Gstatic.com - un .pdf de 80 pages. Confirmation du chiffre cité partout : 14,3 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2023. Bien. Tu n’as aucune idée de ce que ça représente.

« Pour référence, c’est l’équivalent des émissions annuelles de plus de 10 millions de voitures à moteur thermique standard (avec une base d’environ 10 000 km par an) », t’apprend Le Journal du Geek. Statbel t’éclaire un peu plus : c’est deux fois le parc automobile belge - essence et diesel - en 2023. 
 
Retour sur le rapport Google : « À mesure que nous intégrons l’IA dans nos produits, la réduction des émissions pourrait s’avérer difficile. » Tu te souviens que Google s’est engagé à parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2030. 
 
Tu surfes. Pêle-mêle les articles s’enchaînent : « Selon le Financial Times, la consommation d’électricité des data centers de Google a dépassé la capacité de l’entreprise à accéder à des projets d’énergie propre aux États-Unis et dans la région Asie-Pacifique » ; « du point de vue de Google et consorts, il devient urgent de trouver un nouvel angle de communication, et celui pour lequel ils ont opté est assez lunaire : pour compenser l’impact de l’IA, Google compte désormais sur l’IA »… 
 
Sur LinkedIn, tu souris à un post d’Annick Vandermissen sur le sujet : « Et si on demandait à l’A.I. de résoudre l’équation de la consommation électrique des data centers, proposerait-elle de se lobotomiser ? » Le Journal du Geek en rajoute une couche : « On peut difficilement s’empêcher de déceler une forme de greenwashing opportuniste dans cet argumentaire, de la part d’entreprises qui ne reculent devant rien pour légitimer leur ruée vers l’IA auprès du grand public ». 
 
Tu t’accroches. Tu songes à interroger ton IA préférée pour espérer une synthèse, les plus et les moins, après tout tu as souscrit à un compte entreprise sur OpenAI. « Avant de demander à ChatGPT une énième anecdote, il serait judicieux de prendre en compte son empreinte carbone », te prévient un article de HEC Montréal. « Une conversation moyenne avec ChatGPT consomme approximativement 500 ml d’eau, des impacts considérables si l’on compte les 1,5 milliard d’utilisateurs mensuels… Une bombe climatique ! »
 
Tu veux passer à autre chose, mais l’auteur insiste : « Quant à l’industrie du numérique, elle représente environ 4% des émissions de gaz à effet de serre, équivalent à l’impact de l’industrie aéronautique, et la forte augmentation des usages laisse présager un doublement de cette empreinte carbone d’ici 2025. Alors que nous exploitons l’IA pour transformer le marketing numérique, il est crucial de se demander à quel prix. Est-il possible d’embrasser ces innovations tout en préservant notre planète ? »
 
Tu questionnes ton framework, et tu conclus à un grand écart impossible entre Blue et Tech. Mais dans L’Écho, Luc De Brabandere t’incite à plutôt penser contre ton cerveau : « Prenez l’intelligence humaine. Et enlevez-lui la capacité de discerner le bien du mal, le sens de l’humour, le doute, l’intuition, la conscience de ce qu’elle fait, l’intention, les oublis, les états d’âme, le souci esthétique, la volonté, la joie de trouver et la tristesse d’échouer, la capacité à écouter l’autre, à lâcher prise, à surmonter les paradoxes ou à trouver des analogies inédites. Si vous retirez tout cela à l’intelligence humaine, il ne restera pas grand-chose. C’est pour ce "pas grand-chose" qu’une intelligence artificielle est utile. »
 
Tu refermes ton Mac. Le podcast d’Alexandra Vassen passe un morceau de Gainsbourg. L’aquoiboniste. « Un aquoiboniste, qui se fout de tout et persiste à dire je veux bien mais au fond à quoi bon », susurre Jane. 

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