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La bataille de l'IA se gagnera sur le terrain de l'invisible, par Nicolas Bataille

Jeudi 13 Mars 2025

La bataille de l'IA se gagnera sur le terrain de l'invisible, par Nicolas Bataille

La guerre des IA fait rage. À vous en donner le tournis. OpenAI, Google, Meta, Microsoft, Anthropic... Chaque semaine, c'est la même rengaine : annonces fracassantes, modèles surpuissants, fonctionnalités révolutionnaires. Le vacarme médiatique est assourdissant, les promesses déferlent. Qui n'a pas ressenti cette angoisse de passer à côté de la prochaine révolution technologique ? Mais au fond, qui va vraiment remporter cette bataille titanesque ?

Question légitime. Car derrière ce sprint effréné aux performances, aux milliards de paramètres et aux benchmarks impressionnants, se cache une vérité moins spectaculaire mais bien plus profonde : selon moi, l'IA victorieuse ne sera probablement pas la plus brillante sur le papier, mais celle qui saura se fondre dans le décor de nos vies.

Regardez comment ont évolué les technologies qui nous entourent. Celles qui s'imposent durablement ne sont pas celles qui exigent de nous un doctorat pour les comprendre ou une attention de tous les instants. Non, ce sont celles qui s'intègrent si naturellement dans notre quotidien qu'on finit par oublier leur existence. Qui célèbre l'électricité à chaque fois qu'il allume une lampe ? Qui s'émerveille encore devant son GPS ? Ces miracles technologiques sont devenus invisibles, et c'est précisément ce qui fait leur succès.

L'IA prendra le même chemin, croyez-moi.

Et voilà pourquoi le hardware, ce parent pauvre relégué au second plan des discussions sur l'intelligence artificielle, pourrait bien reprendre sa place de choix dans cette guerre technologique et stratégique.
Ne nous leurrons pas. Malgré toute l'excitation médiatique, nous ne choisirons pas notre agent IA comme on choisit un film sur Netflix, en comparant méticuleusement les fonctionnalités et les performances. Non, nous utiliserons celui qui est déjà là, sous nos doigts, dans notre poche, sur notre bureau… Celui qui ne demande aucun effort supplémentaire.

Cette simple réalité rebat complètement les cartes en faveur des géants qui maîtrisent à la fois le logiciel et le matériel. Google pourrait proposer une expérience Gemini parfaitement fluide sur ses Pixel et dans tout l'écosystème Android. Microsoft, avec Windows et son alliance stratégique avec OpenAI, travaille à faire de l'IA un élément aussi naturel que l'était autrefois le traitement de texte.

Et puis il y a Apple. La firme à la pomme, souvent moquée pour son apparent retard dans la course à l'IA, joue en réalité sa partition habituelle : observer le chaos, laisser les autres essuyer les plâtres, puis entrer en scène avec une solution léchée. Pendant que les concurrents s'agitent sous les projecteurs, Apple peaufine en coulisses une vision où l'IA s'intègre parfaitement à son jardin fermé, avec cette fluidité d'utilisation et cette protection des données qui ont fait sa réputation.

Comprenez bien : le gagnant de cette guerre ne sera pas celui qui nous impressionnera avec l'IA la plus spectaculaire, mais celui qui la rendra aussi naturelle que l'eau qui coule du robinet. Imaginez un instant : votre IA personnelle qui vous connaît sur le bout des doigts, anticipe vos besoins d'un appareil à l'autre, jongle avec votre agenda, vos documents, vos habitudes... Le tout sans accroc et avec une sécurité garantie par un écosystème cohérent.

C'est cette intégration transparente qui explique l'avantage considérable des GAFAM. Ils sont déjà omniprésents dans nos vies : nos smartphones, nos ordinateurs, nos enceintes, nos montres, nos voitures... L'IA ne sera qu'une couche supplémentaire, rendue invisible par une intégration si parfaite qu'on oubliera qu'elle existe.

Je vais vous dire quelque chose qui risque de faire bondir certains dans l'écosystème tech : OpenAI, pour tout son génie et la sophistication impressionnante de ses modèles, ne gagnera pas cette guerre en solo. Sans alliance solide avec un acteur maîtrisant le hardware et les écosystèmes d'usage (que ce soit Microsoft, Apple ou Google), même la startup la plus en vue de la planète restera un fournisseur de technologie brillante mais incomplète.

Quant aux acteurs chinois, ne les sous-estimez pas. Leur force réside précisément dans cette intégration verticale entre matériel et logiciel, avec des mastodontes comme Huawei ou Xiaomi capables de propulser leurs IA dans un écosystème complet d'appareils.

La guerre des IA ne se gagnera pas à coups de communiqués de presse ou de démos éblouissantes. Elle se jouera dans l'invisible, dans cette capacité à transformer l'intelligence artificielle d'une nouveauté étonnante en une évidence quotidienne.

Et dans cette bataille-là, ce sont finalement les maîtres des devices qui tiennent les meilleures cartes.

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