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Hé Elon Musk, tu prends les mauvais champignons, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

Dimanche 9 Février 2025

Hé Elon Musk, tu prends les mauvais champignons, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

J’aimais bien Elon Musk. Point final. J’étais de ceux qui l’admiraient dès les premiers jours, applaudissant comme un phoque dressé chaque fois qu’une fusée SpaceX atterrissait, chaque fois qu’une Tesla surpassait ses ancêtres à essence. J’ai cru en ses promesses audacieuses de tunnels Hyperloop et de colonies martiennes, imaginant un avenir qu’il semblait déterminé à bâtir pour nous tous. À l’époque, il ressemblait au plus proche équivalent de Tony Stark dans la vraie vie : un playboy milliardaire concevant une porte de sortie pour l’humanité face à ses propres catastrophes. Je voulais croire que Musk était une force du bien, notre propre Avenger, que son obsession pour l’innovation était fondamentalement altruiste.
 
Après une multitude de crises sur Twitter, de violations des règles de la SEC et de caprices publics, l’image lisse du héros s’est fissurée. L’homme que je défendais autrefois lors des dîners mondains, se comporte désormais comme un méchant de bande dessinée, sans le charme ni la moindre once de conscience de soi. Il ne lui manque plus qu’un chat blanc sur les genoux. Le voir aujourd’hui, c’est comme regarder une saison de "Succession" où Logan Roy serait aussi le directeur de la NASA, le propriétaire de tous les réseaux sociaux et un seigneur du mème à temps partiel. C’est le genre de dystopie que même "Black Mirror" n’oserait pas écrire - trop évident.
 
Considérez ceci comme ma lettre ouverte de désillusion, mon éloge admiratif transformé en post-mortem cynique. Ce n’est pas la louange de fanboy que Musk adorerait, mais une plongée en profondeur dans ce qui arrive quand on célèbre un idole de la tech (ou un idiot de la tech) sans jamais se demander : "Hé, est-ce qu’on devrait vraiment lui donner un pouvoir illimité ?"
 
La fabrication d’un messie (et d’un monstre) de la tech
 

L’ascension précoce d’Elon avait tout du mythe du messie moderne de la tech. Un type qui a cofondé PayPal, puis s’est dit que les paiements en ligne étaient trop ennuyeux pour lui, et s’est tourné vers les voitures électriques et les fusées. Il a injecté intelligence, ambition et une certaine idéalisation sincère dans des projets qui ont réellement fait avancer les industries. 
 
Tesla a rendu les véhicules électriques sexy, SpaceX a redonné un coup de jeune à la science des fusées, et SolarCity (vous vous en souvenez ?) a tenté de mettre des panneaux solaires sur chaque toit. Il parlait avec sérieux de sauver l’humanité, que ce soit en réduisant les émissions de carbone ou en colonisant Mars en plan B.
 
On a ignoré son comportement maladroit et ses faux pas sociaux parce que, eh, le génie a ses excentricités, non ? On voulait tellement y croire.
 
Mais voici le rebondissement : quand on traite un gars comme lui comme un être infaillible, un "Iron Man" sans manager en fer pour le contenir, son ego peut gonfler façon Bibendum Michelin. La société (c’est nous, au passage) l’a placé sur un piédestal si haut qu’il devait bien finir en orbite. Et il y est allé, accompagné de cette ridicule Tesla Roadster rouge qu’il a envoyée dans l’espace. Le plus absurde, c’est que nous sommes collectivement coupables d’avoir allumé la mèche de son délire mégalomane.
 
On voulait un héros tellement fort qu’on a ignoré tous les signaux d’alarme : on lui a donné une adoration sans limites, on a ri de ses mèmes gênants, on a célébré chacun de ses mouvements comme visionnaire. À Silicon Valley, il était le golden boy : on aurait dit qu’il guérissait le cancer avec du code et stoppait le changement climatique à lui tout seul, à voir la dévotion des fans et des investisseurs. Mais comme tout bon psy vous le dira, une flatterie sans borne est une drogue puissante. Et Musk en a sniffé jusqu’à l’overdose.
 
À un moment donné, il est passé d’innovateur excentrique à seigneur du chaos, traitant les institutions mondiales comme ses jouets personnels. Envie d’envoyer une cryptomonnaie blague sur la lune ? Allez, pourquoi pas. Décider unilatéralement si l’Ukraine peut utiliser Starlink en pleine guerre ? Qui va l’arrêter ? Acheter Twitter sur un coup de tête, le cramer au sol et le renommer "X" comme un ado en crise d’identité ? Let's go.
 
Le problème, ce n’est pas qu’il soit juste un milliardaire aux décisions douteuses. Le problème, c’est qu’il a infiltré la gouvernance moderne. Les gouvernements, les agences de sécurité, et même la NASA ont besoin de lui - ses satellites, ses fusées, ses plateformes. Ce n’est plus juste une question d’argent, c’est une question d’influence sans responsabilité. Il conseille les présidents dans l’ombre, il fait et défait des puissants sans jamais avoir été élu. Et si vous pensez que ce pouvoir ne lui est pas monté à la tête, j’ai un pont à vous vendre… sur Mars.
 
L’Étoile de la Mort version Musk ?
 
Se rappeler l’époque où Musk parlait de Mars comme d’une aventure digne de "Star Trek" me remplit désormais d’une angoisse cyberpunk à la William Gibson ou Bruce Sterling.
 
Si Musk réalise son rêve, Mars ne sera pas une terre de liberté, mais une entreprise coloniale où SpaceX jouera le rôle de gouvernement de facto. Les lois ? Il a déjà annoncé qu’il ne reconnaîtrait pas le droit international. Les salaires ? Attendez-vous à du servage sous contrat, où il faudra bosser pour rembourser son billet spatial. La liberté d’expression ? Si Twitter/X est un indicateur, mieux vaut ne pas trop respirer (surtout sur une planète où l’air est à 95% dioxyde de carbone).
 
Et pourquoi pas des lasers géants sur Olympus Mons ? Après tout, chaque empereur maléfique a besoin d’une super-arme. Des expériences trop risquées pour la Terre ? Mars sera le nouveau Far West.
 
Musk ne veut pas être un pionnier. Il veut être le souverain sans contrôle d’une planète entière. Il veut être Dieu.
 
L’évolution d’Elon Musk, de génie admiré à seigneur incontrôlable, est une fable à méditer. 
 
C’est ce qui arrive quand on laisse la richesse et le battage médiatique dicter l’avenir sans se demander qui est aux commandes. Quand un milliardaire non élu contrôle comment nous communiquons (Twitter), comment nous explorons l’espace (SpaceX), et comment nous stockons nos souvenirs (Neuralink, quelqu’un ?), on devrait peut-être se poser la question : "est-ce vraiment une bonne idée ?"
 
Parce que le mythe du sauveur tech est séduisant. On adore les rebelles visionnaires. On veut tous croire à Han Solo et la rébellion. Mais le pouvoir absolu, peu importe combien de fusées cool il construit, est toujours dangereux.
 
Alors non, je refuse la Kool-Aid du culte Muskien. J’admire toujours certaines de ses réalisations. SpaceX me fascine encore. Tesla reste incroyable. Mais je refuse de faire semblant qu’il est un bienfaiteur désintéressé. Ce qui m’écœure, c’est la secte de suprémacistes mâles blancs Messiahnique qui se construit autour de lui, Dark Vador et de son Empereur Galactique Orange.
 
Les milliardaires de la tech n’ont pas besoin de notre adoration aveugle. Ils ont besoin de limites. Et peut-être, juste peut-être, qu’ils ont besoin qu’on leur dise non, avant qu’ils ne commencent à imprimer leur propre monnaie et à se couronner Empereur de Mars à vie.
 
L’avenir appartient à tous. Pas seulement à celui qui a le plus gros compte en banque et la timeline Twitter la plus erratique.

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