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Pourquoi Google Discover pourrait annoncer le futur des médias, par Olivier De Doncker (Mediafin)

Jeudi 17 Avril 2025

Pourquoi Google Discover pourrait annoncer le futur des médias, par Olivier De Doncker (Mediafin)

Entre Google et les médias, c’est un rapport d’amour-haine depuis le départ. Cela continue encore aujourd’hui. D’un côté, il y a le Google qui affirme que la valeur des contenus d’actualité est largement surestimée pour son activité publicitaire. De l’autre, il y a le Google qui vient au secours des sites d’actualité à travers une drôle de bête nommée Discover. Alors que le trafic en provenance des médias sociaux se tarit et que le taux d’ouverture des newsletters baisse chaque année (sans parler du GDPR qui freine les taux de conversion), les médias ont trouvé dans Discover une manne providentielle de visiteurs qui, souvent, grandit mois après mois sur les tableaux de bord des équipes marketing.

Si vous ne savez pas ce qu’est Discover, il s’agit du flux de contenu logé principalement dans l’application Google de votre smartphone. Cette curieuse créature a ceci de particulier d’être à la fois un medium de masse (car implanté par défaut dans tous les téléphones Android ) et un tamis basé sur l’ultra-personnalisation : les algorithmes de Moutain View surveillent l’ensemble de votre activité en ligne (centres d’intérêts, sites visités, localisation, voire les événements de votre calendrier Google…) pour vous suggérer des liens taillés sur mesure selon vos goûts et préférences. Attention, c’est très addictif !

Si les sites d’infos y ont trouvé naturellement un terreau fertile, les marques commerciales peuvent également en profiter pour capter du trafic, à condition d’avoir une stratégie de contenu bien huilée qui couvre, avec une certaine intensité, les intérêts et besoins du consommateur. En effet, bien plus qu’un simple fil d’actualité, le flux de Discover ne se limite pas aux nouvelles du jour et brasse de multiples catégories de contenu : vidéos YouTube, résultats sportifs, sites de marques, etc.

Aujourd’hui, Discover a franchi le stade de l’expérimentation chez Google avec l’annonce, la semaine dernière, de son arrivée officielle dans les navigateurs en "desktop". Une extension qu’apprécieront les annonceurs qui cherchent de plus gros volumes d’impressions publicitaires dans l’écosystème Google, mais aussi les éditeurs qui bénéficieront d’une nouvelle opportunité pour attirer de nouveaux visiteurs. Et ce n’est probablement qu’une étape : certaines rumeurs parlent de podcasts 100% personnalisés (merci l’IA) sur base du flux Discover propre à chaque utilisateur…

Si votre média n’a pas encore embrassé Discover dans sa stratégie, il n’est pas trop tard mais il est néanmoins temps d’explorer ce nouveau canal d’acquisition, car l’optimisation pour Discover repose sur des règles du jeu assez différentes de la SEO traditionnelle : ici, il ne s’agit pas de donner la meilleure réponse à un mot-clé et l’intention qui se cache derrière, mais d’améliorer la visibilité de vos articles dans un flux infini de liens personnalisés. Dès lors, voici quelques questions à se poser :

- Quels sont les sujets qui fonctionnent le mieux pour vous dans Discover ?
- À quelle heure voyez-vous des pics de trafic en provenance de Discover ?
- Quels sont les types de titres et d’images avec le meilleur CTR ?
- La rédaction peut-elle créer des titres et fournir des images spécifiquement pour ce canal ?

Last but not least, quelle est votre stratégie de conversion et de rétention des visiteurs venus de Discover ? En France et en Grande-Bretagne, de nombreux sites d’info ont développé une véritable dépendance au trafic de Discover, qui peut représenter jusqu’à 70% de l’ensemble de l’audience SEO, avec tous les dangers que cette addiction croissante signifie en termes de maîtrise des données et de modèle économique.

Or, le visiteur issu de Discover découvre parfois votre média pour la première fois et arrive chez vous alors qu’il avait probablement ouvert son application Google dans un tout autre objectif. Dès lors, comment le convaincre sinon de prendre un abonnement, du moins de rester sur votre site pour que vous puissiez éventuellement capter ses données par d’autres voies ?

Et si on élargissait la perspective, Discover et son ultra-personnalisation ne sont probablement que le premier avatar d’une révolution bien plus profonde qui va déferler sur les médias (et les annonceurs) dans les prochaines années à venir et qui sera riche d’enjeux inédits : si Discover envoie gentiment du trafic vers les sites web, ce n’est pas forcément le cas des acteurs émergents de l’Intelligence Artificielle qui, eux, peuvent extraire et remodeler du contenu sur un même écran. Dès lors, dans un monde où des agents IA collecteront, remixeront et nous apporteront l’information selon nos souhaits et désirs, comment arriver à fédérer encore des audiences autour d’une marque ? Comment demeurer un point de passage pertinent dans la vie des utilisateurs si les agents IA deviennent l’alpha et l’oméga de tout parcours client ? Avec une pointe de provocation, on serait même tenté de dire : à quoi serviront encore les sites web ?

Vous êtes en droit de vous dire : "Ce type nous raconte de la science-fiction". Peut-être… Néanmoins, quand j’observe les ados de mon entourage, je ne peux m’empêcher de déceler des signaux faibles qui vont dans ce sens et qui augure des bouleversements à venir. ChatGPT est déjà intégré à l’usage quotidien du numérique chez les jeunes. Interagir avec ce nouvel oracle leur semble aussi normal que poster des photos sur leur compte Instagram. Pour eux, Google.be est "un truc de vieux", fourni par une société déjà ancienne, alors qu’Open AI, Perplexity, Mistral et consorts semblent au contraire incarner à leurs yeux le leadership technologique.

Comme d’habitude dans l’histoire du digital, cette mutation prendra sans doute plus de temps à se produire qu’on ne pourrait le penser, la courbe d’adoption d’un nouvel usage technologique pouvant prendre quelques détours sur le chemin. Mais comme l’a fort justement dit Bill Gates : « Ne surestimez pas les changements qui se produiront dans deux ans, mais ne sous-estimez pas ceux qui arriveront dans cinq ans. » Un adage qui mérite plus que jamais d’être médité...

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