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Invitez l'IA à la table, vous ne le regretterez pas !, par Diederick Legrain

Jeudi 5 Septembre 2024

Invitez l'IA à la table, vous ne le regretterez pas !, par Diederick Legrain

Comment tirer vraiment profit de l’IA dans son métier ? « En invitant l’IA à la table dès que possible », répond l’expert Ethan Mollick, professeur à Warthon, la fameuse école de commerce américaine. J'ai appliqué ce conseil à la lettre dans mon métier de communicant, et j’ai plus que doublé ma productivité en deux mois. Voici comment.

Auteur de "Co-intelligence. Living and working with AI", Ethan Mollick est connu pour ses longues conversations avec diverses IA, qu’il partage volontiers sur son blog.

J’ai suivi son conseil d’inviter l’IA à la table, le plus tôt possible dans n’importe quelle tâche ou projet.

Un exemple : un parti politique me sollicite pour concevoir une stratégie de communication pour une province en particulier.

Étape 1 : Lors de la visio-conférence, j’invite une IA (Leexi) à enregistrer et résumer la conversation. Je fais donc intervenir l’IA avant même le début de la mission, avant même de l’accepter, avant même de formuler une offre.

Étape 2 : Je crée un nouveau "projet" sur Claude.ai, l’IA d’Anthropic au coude à coude avec ChatGPT pour les performances.

Je lui glisse la transcription de la réunion, j’ajoute un peu de contexte, et je lui attribue un rôle, celui d’expert en campagne électorale.
Intervient ici ma deuxième "révolution mentale" : au lieu de solliciter l’IA avec des instructions contraignantes, je lui demande de m’aider et de me conseiller.
Cette démarche fait l’objet de nombreuses études qui évaluent la manière dont les professionnels travaillent avec l’IA.

En gros, ceux qui connaissent le résultat auquel ils veulent parvenir se contentent de demander à l’IA des "délivrables" : rapport, plan marketing, segmentation de marché, recherche de sources, présentation visuelle, analyse de stats… Et, on le sait, ces délivrables sont souvent d’excellente qualité et font gagner un temps précieux.

En revanche, les professionnels qui sollicitent l’IA pour ses conseils et sa guidance arrivent à des résultats jugés de meilleure qualité, à la fois par eux-mêmes, par leurs pairs… ou par l’IA !

« Bonjour ChatGPT, j’ai besoin d’aide »

L’étude la plus récente sur la question concernait une cohorte d’enseignants. Ceux qui utilisent l’IA pour obtenir un délivrable ne constatent que peu d’amélioration, tandis que ceux qui utilisent l’IA pour obtenir un input de sa part arrivent à de biens meilleurs résultats.

C’est ce que je constate aussi dans mon activité de formateur en IA : je repère quasi immédiatement les participants qui arriveront à un bon résultat dès leurs premières interactions avec l’IA. « Bonjour ChatGPT, j’ai besoin d’aide » est encore le meilleur moyen de commencer une conversation avec une IA.

C’est là que l’IA donne vraiment sa pleine mesure. Attention : cela nécessite de ne plus considérer comme l’IA comme une sorte d’assistant très docile, mais comme une co-intelligence moins maligne que nous, humains, mais infiniment mieux documentée et organisée. Bref, il faut l’inviter à la table.
Étape 3 : Après 20 minutes de "conversation", l’IA m’a fourni une analyse SWOT, une liste de priorités et j’y vois plus clair sur la manière de fournir un service de qualité hyper personnalisé sur le profil d’un candidat.

J’accepte donc de remettre une offre, et je travaille une heure de plus avec l’IA. Lorsque je remets mon offre, j’ai travaillé 2 heures en tenant compte de la première visio. A ce moment, 50% de la mission est déjà réalisée. Si mon client refuse, j’ai perdu peu de temps. S’il accepte, j’ai gagné un temps énorme, l’équivalent de plusieurs jours de travail. Mon client a accepté.

Étape 4 : Le bonus, c’est que mon client peut repartir avec quelques outils de simulation IA interactifs, et un "style" rédactionnel réplicable à l’infini grâce à la fonctionnalité Artefacts de Claude.ai.
J’ai répliqué ce modèle à trois reprises cet été pour des sollicitations intéressantes de dernière minute. Et à trois reprises avec succès : un gain de temps énorme et un service de qualité. Et désormais c’est ce workflow que je m’impose pour tous les projets.

Je pourrais détailler les variations d’un projet à l’autre ainsi que les IA utilisées, mais je trouve plus intéressants de partager quelques réflexions avec vous :
  • L’IA est rarement optimale lors des premiers échanges. L’aspect conversationnel et redondant entre l’IA et l’humain permet d’en tirer le meilleur. C’est la raison pour laquelle j’ai l’impression que le rôle purement exécutif attribué à Copilot par ses usagers ne permettra pas à ces derniers de vivre "l’expérience IA" à fond. 
  • Si on prend 5 minutes pour faire faire à l’IA ce qui nous aurait pris 4 heures, songez au résultat si on prenait 30 minutes plutôt que 5 ! Donc ne vous contentez pas de la première réponse et alimentez la conversation. 
  • En matière de communication, l’apport de l’IA n’est plus à démontrer : elle est très forte pour définir les persona, le tone of voice, le message, le copywriting, mais si elle devient votre collègue, et que vous continuez à l’alimenter pendant tout un projet avec les feedbacks de votre client, les reportings de vos campagnes, les réunions d’équipes ultérieures, l’IA devient surpuissante. 

Je voudrais conclure par une autre remarque d’Ethan Mollick : considérez que l’IA avec laquelle vous travaillez aujourd’hui est la plus mauvaise IA avec laquelle vous travaillerez demain. Dans une semaine, dans un mois, elle aura encore progressé.

Mais n’attendez pas l’IA parfaite pour commencer la "conversation" : si vous cherchez un gain de productivité similaire au mien, cela implique de bien connaître les points faibles de l’IA, pour éviter de perdre du temps avec des tâches qu'elle remplit mal ou en tout cas moins bien que vous.

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