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Quand nos chers disparus prennent la parole, par Fred Bouchar (MM)

Samedi 2 Mars 2024

Quand nos chers disparus prennent la parole, par Fred Bouchar (MM)

On se souvient de cette vidéo de 2021 dans laquelle l'Union belge de foot et DVLR DDB (De Vloer à l'époque) mettaient en scène Raymond Goethals et Guy Thys aux côtés de Roberto Martinez… En pub, l'utilisation des "deadbots" prête le plus souvent à sourire, mais il en va tout autrement lorsque l'IA se mêle de politique.
 
Il y a quelques semaines, dans une séquence surréaliste digne d'un épisode de "Black Mirror", le Lincoln Project invoquait l'esprit de Fred Trump, critiquant son fils dans une vidéo qui flirte avec l'éthique comme un fantôme avec les vivants. 
Le Lincoln Project est un comité d'action fondé fin 2019 par d'anciens membres du Parti républicain opposés à Trump. Il s'est fait connaître par des campagnes cinglantes qui utilisaient ses propres paroles pour promouvoir des valeurs opposées au trumpisme… Alors que l'homme aux cheveux jaunes revient en force, le Lincoln Project remonte sur le ring, et assume totalement son deepfake, renvoyant dans les cordes ce même Trump qui accuse régulièrement ses opposants d'utiliser l'IA pour le diffamer. 
 
C'est amusant, de fait, mais aussi assez terrifiant. Alors que la moitié de la population de la planète s'apprête à voter, la question se pose : l'IA générative va-t-elle remplacer les spin doctors… en pire ?
 
Leur utilisation dans la communication politique élargit encore la boîte de Pandore de la désinformation. Pendant que nous rions de ces avatars, leur apparition sur l'échiquier nous rappelle en creux l'URSS de Staline où les opposants et d'autres figures "inadéquates" étaient littéralement effacés des photographies officielles. A cette forme de réécriture de l'histoire s'ajoute désormais le danger de la distorsion de la vérité. 
 
Le deadbot de Fred Trump n'est que la pointe de l'iceberg. À mesure que la technologie progresse, la distinction entre le réel et le généré par IA devient de plus en plus floue, nous mettant tous - à commencer par les journalistes - à bord d'un TGV dont on ignore qui en est le conducteur.
 
Si l'humour peut alléger les débats politiques (et autres), quoi qu'en disent les cyniques que tacle la nouvelle campagne du Standaard, la démocratie mérite un peu de sérieux. Même dans un monde où les morts peuvent tweeter. A fortiori quand les extrémistes et les populistes irradient dans les sondages.

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