Nl

MEDIA

Thierry Hugot (Rossel) : "La proximité est est un atout de différenciation puissant face à des acteurs mondiaux"

Lundi 19 Juin 2023

Thierry Hugot (Rossel) :

Dans la foulée du rebranding de Rossel Advertising porté par sa nouvelle signature "Tout en proximité", et à la veille de la présentation de son étude sur le comportement des Belges francophones qui sera dévoilée ce 20 juin lors d'un événement à destination du marché publicitaire, nous avons rencontré Thierry Hugot, CCO & CMO du Groupe Rossel, accompagné d’Edouard De Witte, responsable marketing de la régie. 

Ils nous détaillent ces sujets et nous parlent d’un groupe très axé sur le digital, qui gère une trentaine de marques en Belgique et touche quotidiennement 4 millions de francophones ; un groupe présent également en France, actif dans une centaine de sociétés sur ces deux marchés. Une ampleur et une diversité qui n'est pas toujours vraiment perçue à sa juste mesure.

Pourriez-vous tout d’abord nous dire un mot sur ce tropisme autour de la proximité ? 

Thierry Hugot : La proximité est au cœur du rebranding et de la nouvelle signature de Rossel Advertising - "Tout en proximité" - mais elle souligne avant tout l’approche du groupe. Elle évoque nos médias qui touchent 96% des francophones, nos marques de presse, de télévision, de radio, off- et on-line, qui s’ancrent en permanence dans leurs communautés. 30 marques en Belgique qui couvrent tous les types de médias et qui ont leurs publics spécifiques.

Notre objectif est de faire rayonner chacune de nos entités sur son marché de proximité, tant au niveau du contenu que de la publicité. La proximité se traduit aussi dans notre structure décentralisée, qui nous permet d’avoir une audience forte sur les bassins de population où nous sommes présents. C’est un atout de différenciation puissant face à des acteurs mondiaux. 

C'est aussi la notion de "circuit court" qu'évoquait récemment Bernard Marchand lors d'une récente présentation NP… 

C’est une formule que nous employons depuis longtemps, parce que dans un média local, tout est fait localement : distribution, impression, contenu, publicité… C’est par définition une industrie de circuit court. Un média dans une région est extrêmement important, ce n’est pas qu’un média, c’est une entreprise locale, qui participe à la vie et à la dynamique locale, qui parle avec les autres entrepreneurs, Nous faisons partie du paysage entrepreneurial, politique, social, sportif et associatif. 

Nous effectuons aussi tout un travail en profondeur avec les équipes de Guillaume Collard chez RTL pour mettre beaucoup plus en avant l’actualité locale, revenir vers une proximité affective, produire des émissions belgo-belges… En ce sens, RTL et Rossel sont parfaitement alignés. 

Vous avez confié à Wide et Listen la réalisation d’une étude destinée à décrypter les tendances qui influencent les comportements des francophones. Pouvez-vous déjà nous en dire un mot ?

C’est une étude importante. Elle décrypte en effet ces tendances, les signaux faibles et les signaux forts des audiences qui nous suivent chaque jour. Elle sera réalisée tous les deux ans pour coller au plus près de l'évolution des comportements des Belges francophones. Cela nous permet aussi d'offrir à nos clients une expertise toujours plus fine des publics cibles auxquels ils s'adressent au travers de nos supports. 

Nous avons aussi mené cette étude parce que nous sommes convaincus qu’il y aura bientôt une forte montée des campagnes de communication sur les valeurs et la responsabilité sociale des entreprises. Cela suppose deux exigences : communiquer dans des médias de contexte, porteurs de valeurs, et ne pas se tromper de message. 

Nous allons présenter des typologies qui seront en rupture avec les idées reçues sur les comportements de la population belge francophone. L'un des grands intérêts de l’étude est en effet qu'elle s’adresse aussi aux annonceurs néerlandophones. Ce pays a muté, et ce n’est pas toujours évident pour un annonceur présent d'un côté du pays de voir ce qui se passe dans l’autre région. La réflexion vaut aussi pour le regard que portent les annonceurs francophones sur la Flandre. Les idées préconçues circulent des deux côtés, et cette étude nous montre que les choses ne se passent pas nécessairement de la façon dont nos politiques nous les présentent. 
Edouard De Witte : Cette étude est évidemment un formidable outil pour la régie et les annonceurs, mais elle revêt aussi un intérêt énorme pour les rédactions.

Elle va leur permettre d'encore plus finement comprendre leurs audiences, sur des critères différents de ceux habituellement analysés, notamment sous des angles sociétaux.
Vous avez peu communiqué depuis la reprise de RTL. Or il s’est passé beaucoup de choses ces derniers mois…

Thierry Hugot : Nous n’avons pas communiqué, parce que nous ne voulions pas le faire sans raison valable. Là nous allons montrer une réalisation qui apporte une plus-value, un outil qui sera une aide très concrète pour les nouvelles formes de communication.

Depuis juin 2022, effectivement, il y a eu des évolutions importantes. Nous avons restructuré la régie en profondeur et retravaillé toutes les offres. Nous avons construit une grande régie régionale : les équipes Rossel et Vlan, auparavant séparées, ont été réunies et sont venus s’y ajouter les commerciaux de RTL. Nous disposons donc aujourd’hui de forces commerciales importantes localement, capables de proposer du mix produits et du mix média, de conseiller un annonceur sur ce qui convient le mieux pour sa campagne. 

Nous constatons que nous sommes devenus plus forts sur les grands comptes et les comptes moyens locaux et régionaux parce que notre offre est plus large. Par contre, là où nous avons laissé un vide face à Google et Facebook, c’est sur les petits clients, les boutiques... Pour les capter, nous allons devoir passer par des outils de self-service, proposer des technologies d’automatisation pour éviter les coûts de commercialisation. Ce que nous sommes en train de développer.

Nous avons aussi créé Young Active Urban, un réseau média national unique autour de Metro avec les sites Out, Geeko, Belgium iPhone, Kotplanet, Cinenews et Streamnews, commercialisé par Metro Media et Rossel Advertising.

Par ailleurs, voici près d’un an, nous avons lancé Efluenz, spécialiste de l’influence. Au même titre que NewsMaster, dédiée au brand content, cette entité se développe très fort, notamment en France ; Efluenz commence même à remporter des contrats aux Pays-Bas et en Allemagne. Ces nouvelles formes de communication suscitent beaucoup d’intérêt. 

De même, nous avons encore renforcé le digital sur des éléments clés autour de la first party data. Nous testons aussi l’intelligence artificielle au niveau de la création publicitaire et du SEO. Nous développons de plus en plus d'offres mixtes, print et digital. Le lifestyle So Soir fait autant de chiffre d’affaires en digital qu’en print, et Ciné Télé Revue est en train d’exploser son chiffre d’affaires digital. Ce qui n’était pas imaginable voici quelques années. Avec Sud Info, nous avons lancé Max, dédié au lifestyle également, en print et digital. Nous essayons de combiner de telles offres print/digital très souvent pour le brand content. Avec des forces commerciales dédiées. 

Nous avons des approches différentes selon la taille de nos médias et leur spécificité. Dans le digital, nos avons une force commerciale spécifique pour le programmatique, nous en avons une pour la vidéo. Mais plus fondamentalement, je dirais qu’aujourd’hui la structure commerciale évolue tout le temps.

Edouard De Witte : nous avons revu l’ensemble des offres pour assainir le portefeuille et aussi pour créer avec RTL une complémentarité sur certains produits. Aujourd’hui, la radio peut venir appuyer une offre print par exemple. Nous avons créé neuf offres de ce type pour les équipes commerciales régionales. Et il y a toute la partie créative : notre cellule Create, qui s’occupe des offres spéciales, fait du sur mesure avec une approche 360° et travaille sur ces combinaisons qui n’existaient pas hier.

Thierry Hugot : Aujourd’hui, nous pouvons opérer à la fois sur la presse quotidienne et magazine, sur le digital, la radio, la télévision, le sponsoring, le brand content, l’influence… Nous avons une palette extrêmement large. Tout cela nous permet de répondre aux évolutions du marché publicitaire qui se trouve à un gros tournant. 

Qu’entendez-vous par "tournant" ?

On le constate dans tous les pays, il y a une accélération de la chute des audiences et du chiffre d’affaires de la télévision et de la radio. Ces médias vont vivre la révolution numérique que la presse a vécue il y a 20 ans. Aujourd’hui on voit bien que tout le monde est en train de faire de gros investissements sur VTM GO, RTL play, Mytf1, etc. Ces médias n’ont pas intérêt à louper le coche de la mutation vers le digital. 

Par ailleurs, c’est la première année où la progression du digital est aussi faible. C’est une tendance globale et cela peut faire peur, parce nous nous sommes habitués à de grosses croissances. Ce qui m’interroge aussi, c’est que la vidéo short form est en train de souffrir quasiment dans tous les pays, au profit de la video long form. Le display est aussi challengé par le brand content… Toutes ces mutations induisent une évolution des formes de publicité.

Sans parler de l'IA…

Nous y travaillons et nous avons fait appel à beaucoup d’intervenants extérieurs sur l’intelligence artificielle car son accélération sur les trois prochaines années sera considérable. On sous-estime encore les effets que cela aura sur la création publicitaire, la diffusion, la gestion du SEO, le temps, les rédactions, les contenus… Nous sommes devant un monde de l’interaction, et la publicité est au cœur de celle-ci. Tout cela est en train de muter à une vitesse énorme. 

Vous êtes actionnaires de très nombreuses sociétés, notamment dans la tech. Cela part-il d’une volonté d’être indépendant des providers américains et autres ?

Nous sommes présents dans une centaine de sociétés, médias et tech. A ce niveau, ce serait difficile de les passer toutes en revue, mais nous avons par exemple le player vidéo Digiteka, basé à Paris. Voilà une société qui nous permet d’anticiper les mutations, notamment les fusions qui sont en train de s'opérer entre les technologies vidéo et podcasts. On peut aussi citer AppTweak, qui nous permet d'être présents dans l’applicatif et la data. Cette société belge est présente aux Etats-Unis, en Inde, en Corée… Nous avons déjà cité Efluenz, dont les outils technologiques gèrent aujourd'hui des milliers d’influenceurs. 

Pour répondre à votre question, nous ne rachetons pas forcément des technologies pour être indépendants, mais pour les comprendre de l’intérieur. Par exemple, pour en revenir à Digiteka, le fait de pouvoir disposer de cette expertise nous a permis de comprendre la technologie vidéo et de l’implémenter. 

D'un autre côté, nous considérons d’autres technologies dans lesquelles nous investissons comme stratégiques, parce que nous n’avons plus envie de dépendre de groupes dont l’objectif ne correspond pas au nôtre. Je parle des GAFAM évidemment. C’est un enjeu d’indépendance, de souplesse et de marge.

En dépit de vos investissements dans le digital et la tech, on a l'impression que l’image de Rossel est encore souvent perçue simplement comme un groupe de presse écrite. Je me trompe ?

Cette perception n‘est pas facile à modifier. Dans le sud du pays, nous avons pourtant la première audience digitale, les investissements sont réalisés sur cet axe, et nos sociétés sont vraiment orientées digital. Nous construisons tout cela depuis de longues années, mais tout le marché n'est pas toujours forcément conscient de cette réalité. 

D’une manière plus générale, il y a un manque de connaissance sur l’ampleur et la diversité du groupe. C’est l’un des chantiers pour notre communication des prochaines années.

Archive / MEDIA