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Alain Mayné : "Il faut envisager la marque comme un outil de transition"

Jeudi 31 Octobre 2024

Alain Mayné :

Après 17 ans chez Hoet&Hoet, Alain Mayné s'apprête à voler de ses propres ailes pour se lancer comme consultant indépendant en capitalisant sur sa large expérience en design et stratégie de marque. 
 
Ceux qui le connaissent et le côtoient régulièrement ne seront pas surpris d'apprendre qu'il place sa "reconversion" sous le signe de la durabilité et de l'opérationnel, en se basant sur la théorie de la valeur partagée et en envisageant la marque comme un outil de transition.
 
Ce positionnement de consultant en "repositionnement dans les transitions" - complètement légitime compte tenu de son tropisme personnel -, Alain Mayné l'a construit sur base d’un constat global et quasi quotidien : « Nous quittons un modèle-système qui ne fonctionne plus mais nous n’avons pas encore pleinement conscience de notre transition vers un système qui fonctionne. » 
 
Vous dites aussi que ce constat d’échec du modèle actuel ne fait que s'accentuer au regard des multiples crises que nous vivons… Vous adhérez donc à cette notion de "permacrise" qu'évoque par exemple Fons Van Dyck ou la dernière livraison de l'étude Meaningful Brands de Havas ?
 

Au contraire, je nuance :  cette notion de permacrise sous-entend qu'il n'y aurait pas de solutions à ces crises, et cela ne suscite rien d'autre que de l'attentisme. Pas de but, pas d'espoir. Il faut plutôt être conscient que les crises sont des points de rupture. Elles préfigurent un monde nouveau, qui reste à nommer mais qui sera à n'en pas douter plus "positif". 
 
J'ai récemment découvert une chronique d'Edgar Morin, "Éloge de la métamorphose", qui date de 2010 et qui explique qu'il y a un tas d'initiatives dans un tas de domaines - politiques, économiques, scientifiques, etc. - qui sont en train de faire bouger les lignes. Des initiatives qui ne sont pas structurées, mais qui existent un peu partout sur le globe. 
 
"Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés, écrivait-il. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d'initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie." Il disait que ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, que nulle administration ne les dénombre, nul parti n'en prend connaissance, mais qu'elles sont le vivier du futur. "Il s'agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs", ajoutait-il. 
 
C'est encore le cas aujourd'hui : même s'il n'y a toujours pas de nom qui englobe ces initiatives, nous devons tous les embrasser. 
 
Jean-Marc Jancovici parle de "faire sa part" : à propos de la décarbonation, il estime que 25% à 45% de cette métamorphose peut venir des changements de comportement des citoyens. Le reste étant du ressort du politique et des marques. 
 
En ce qui concerne ces dernières, plusieurs études, dont celle de Havas que vous avez mentionnée, indiquent que les citoyens attendent des marques qu'elles agissent pour le bien de la société et de la planète. 
 
Le rôle de la marque est donc essentiel, et pour en revenir au branding, une marque ne se limite pas à un logo. C'est une entreprise, une manière d'agir… 74% des citoyens pensent que les marques devraient améliorer leur santé et leur bien-être personnel ; 68% pensent qu'elles ont le pouvoir et la responsabilité d'aider à résoudre certains problèmes mondiaux… Il y a à la fois des attentes tournées vers l'individu et des attentes sociétales, mais quoi qu'il en soit, on demande aux marques de jouer un rôle majeur dans les transitions.
 
Il y a des milliers de niches qui peuvent être investies - et cela doit commencer par la décarbonisation, c'est essentiel -, Nicolas Lambert et le Think Tank Sustainability de BAM dont je fais partie, ne disent pas autre chose : la manière de faire changer l'offre en tant que marketer aura un impact essentiel sur ce nouveau monde à nommer que l'on ne voit pas encore. 
 
Un nouveau monde qu'on pressent malgré tout
 
En tout cas, les principes conceptuels du nouveau modèle existent : il y a les 17 ODD, les critères ESG, la CSRD, etc. On ne déploie pas assez le storytelling autour de la création de ce modèle de société, autour de toutes les transitions en cours : la transition écologique, numérique, démographique, énergétique, économique, sociale, politique, éducative, mais aussi la transition du sens et l’intergénérationnelle. La base d’une transition est d’aller vers un but. L’ampleur des risques géopolitiques, la peur de revivre un passé pourtant fort différent du présent nous aveuglent un peu quant à ces nouvelles perspectives. A tort ou à raison.
 
En résumé, mon objectif est d'aider les entreprises à se positionner par rapport à ces transitions, conscientiser au changement pour générer de l'espoir et du sens plutôt que d'attiser les peurs. 
 
Sur quelles bases méthodologiques ? 
 
Les principes d'action que je propose se basent sur la théorie de la valeur partagée - entre le profit financier et le profit sociétal - pour développer son activité en utilisant la grille de lecture et d’action des ODD, ESG, CSRD, pour s’inscrire et se positionner dans les transitions.
 
Et par ce positionnement, contribuer à agir et raconter la création du nouveau système. Il s'agit de viser la robustesse, qui n'est pas une simple résistance rigide face aux changements, mais qui repose au contraire sur la capacité d'un système à s'adapter et à évoluer tout en maintenant certaines fonctions clés intactes. Il s'agit encore de développer le but et le sens : vers où va-t-on ? Il faut une part d’utopie pour atterrir sur du concret viable à long terme. 
 
Cette méthodologie sera évidemment ad hoc, mais dans tous les cas, elle consistera à établir ce lien entre les ODD et les ESG, choisir les transitions et les frameworks sur lesquels l'entreprise peut se placer. Et idéalement, en embarquant tous les niveaux décisionnels. C'est une méthodologie somme toute assez classique mais avec une exigence : permettre de délivrer des actions opérationnelles. 
 
Cela va donc au-delà du branding tel que vous l'avez pratiqué jusqu'ici ?
 

Dans la plupart des exercices de branding, audit ou évolution de stratégie de marque auxquels j’ai participé, et dans nos métiers en général, le concept de marque est utilisé de manière très étroite : il flirte avec la surface de manière superficielle ; il ne s’engage pas assez dans l’opérationnel. La marque est considérée comme un habillage, alors qu'il s'agit d'un vecteur de culture, de transition, de valeur partagée... C’est la formalisation, le développement, l’accélération d’une culture business tournée vers un équilibre entre la robustesse, la performance et l’équilibre sociétal. Un outil de mise en relation et un levier d’action et d’authenticité. Ce qui ne diminue en rien la valeur du design mais élargit le rayon d’action d’une marque en général… 
 
Un consultant extérieur peut agir sur tous ces leviers et à tous ces niveaux de décision ?
 

Seul parfois oui, parfois pas. Je vais évidemment activer mon réseau. 
 
La base de l’activité de consultance que je propose aux organisations et entreprises repose sur la stratégie de marque, d'entreprise ou de positionnement, le coaching de dirigeants, la guidance et le mentoring ; elle inclut des formations sur mesure, ainsi que des études de perception et d'assessment sociétal. Le tout, je le répète, pour les aider à développer un meilleur positionnement, une robustesse et une efficacité accrues, en s’inscrivant dans les transitions avec des KPI financiers et sociétaux adéquats, une vision à plus long terme, une mobilisation interne et/ou des stakeholders externes. Je propose aussi une  mise en action de "purpose" en mode storydoing. 
 
Tout cela sera évidemment fonction du stade d'éveil et de motivation des entreprises et de leurs dirigeants par rapport aux enjeux que j'ai décrits. Mais quoi qu'il en soit, mon souhait est de collaborer avec d'autres personnes qui partagent ces valeurs et envies. 

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