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Les marques d'info triomphent du déluge, par Bernard Cools (Space)

Dimanche 23 Juin 2024

Les marques d'info triomphent du déluge, par Bernard Cools (Space)

Sous le titre "How newspaper brands build and manage their editorial digital ecosystem?", le 18 juin dernier, les organisateurs des MM Tech Club avaient réuni du beau monde. Jugez plutôt: les rédacteurs en chef du Soir et de Gazet van Antwerpen, Christophe Berti et Frederik De Swaef, ainsi que le CEO de Twipe, Danny Lein. Ce dernier doit être un peu plus introduit, car moins connu (du moins pour l’auteur de ces lignes…). Pourtant sa société basée à Leuven conçoit et commercialise des applications destinées aux newsbrands avec un rayon d’action mondial. Et du coup, une connaissance assez large de la partie digitale du secteur, devenue essentielle aujourd’hui.
 
Au cours de la session, dynamisée par Alain Heureux en "monsieur Loyal", les trois intervenants ont exposé plusieurs motifs de fierté. Et un gros regret.
 
Fierté exprimée par Danny Lein: des visiteurs étrangers s’extasient régulièrement sur le business case des éditeurs belges d’info. Petit pays segmenté, petits moyens et pourtant grande diversité de titres et comptes en équilibre. On peut aussi rappeler que les éditeurs belges se comportent plutôt bien à l’export, aux Pays-Bas ou en France notamment…
 
Fierté exprimée par les deux rédac-chefs: à leur prise de fonction, l’heure était aux condoléances pour la fin prochaine de leurs titres prétendument condamnés par le digital. Aujourd’hui, il leur permet au contraire, selon leurs dires, de n’avoir « jamais eu autant de lecteurs » et de rajeunir cette base de consommateurs. Bémol : on ne parle évidemment pas uniquement de lecteurs payants. Cela étant, les revenus du digital se développent et les journaux perçoivent maintenant une rémunération des plateformes au titre du droit voisin, même si ce ne sont pas des fortunes. Pour perspective, selon le World Press Trends 2023-2024, les revenus autres que ceux de la vente aux lecteurs et de la pub représentent 21% du total au niveau global.
 
Autre fierté des rédac-chefs, le statut de leurs journaux, dont la fréquentation augmente drastiquement en période d’actualité chaude (on sortait de l’une d’entre elles avec les méga-élections du 9 juin en Belgique). Toujours selon leurs dires, cela ne se passe pas trop mal avec les jeunes. Christophe Berti cite un chiffre: 27 ans. L'âge typique pour démarrer un abonnement payant au Soir. L’entrée dans la vie active serait donc synonyme de souci accru pour l’info sérieuse et recoupée. Et de poursuivre en rappelant ceci: les Millennials ne sont qu’une partie de la population. Et ces jeunes ne le seront plus demain…
 
En revanche, où l'on entend nos intervenants du jour râler ferme, c’est sur le rôle des pouvoirs publics. Le dossier de la distribution des journaux est évidemment le premier à être évoqué : la perte d’une grande partie du soutien direct à la presse va se traduire par une augmentation du coût des abonnements. Peut-être aussi par des coûts différenciés selon le caractère urbain ou rural de l’habitation… Bonjour le soutien à la démocratie qui devrait être la boussole de nos gouvernants! 
 
Là où cela grogne aussi, c’est sur l’info disponible gratuitement sur les plateformes des chaînes publiques, vue comme une concurrence franchement déloyale et qui plus est subsidiée. Pas de motif de fierté donc pour les politiques belges, très peu compétents en matière de médias, voire purement et simplement dépassés, selon le panel.
 
Bref, ce MM Tech Club était une session dynamique, parfaitement bilingue, où la langue de bois n’avait pas cours. On n’y a pas parlé pub, mais ce n’était pas dans le sujet. Reste que sur la connaissance des enjeux actuels de nos newsbrands noir-jaune-rouge, ça valait le coup d’affronter le déluge qui ce jour-là tombait à l’extérieur.

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