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Luc Suykens (UBA) : "Nous disposons de médias locaux forts et nous devons faire en sorte de les préserver"

Vendredi 15 Septembre 2023

Luc Suykens (UBA) :

Lors du Media Date du 31 août dernier, l'UBA et Deloitte ont présenté les résultats de leur étude commune sur l'avenir de la publicité et de nos médias locaux. 

Luc Suykens, CEO de l'UBA, et Vincent Fosty, TMT Industry Leader chez Deloitte, nous éclairent sur leur initiative commune. 

Pourquoi cette étude ?

Luc Suykens : Du côté de l’UBA, nous avons souhaité rassembler des données pour et concernant l’ensemble de l'industrie, basées sur des sources reconnues. Le résultat est un panorama des tendances du paysage actuel et des leviers de transformation. Cela intéresse à la fois les annonceurs, les agences et les médias. Deloitte agit en tant qu'observateur, et pour l'UBA, c'est une manière d'affirmer son thought leadership, en fonction de sa mission qui est d'atteindre tous les Belges dans un environnement de qualité à un prix abordable.
Vincent Fosty : Le paysage change, et cette évolution est rapide.

Si la pub digitale et le performance marketing jouent un rôle croissant dans les campagnes, les canaux plus traditionnels tels que la télé linéaire, restent importants, tant pour les annonceurs que les consommateurs. Dans le même temps, l'écosystème local s'est aussi nternationalisé et il devient de plus en plus difficile de mettre en œuvre des stratégies publicitaires équilibrées. 
 
En outre, les changements dans l'utilisation des données et la fragmentation croissante des médias représentent des défis majeurs que le secteur dans son ensemble doit relever. 

Nous avons voulu esquisser ce cadre tout en résumant les principales tendances, les défis et les scénarios futurs.

Comment l’étude a-t-elle été conçue ?

Son contenu est basé sur une combinaison de desk research et un total de 16 entretiens avec des acteurs du secteur. Les sources nombreuses et variées de données qualitatives et quantitatives nous ont permis de brosser un tableau global de notre secteur.

Nous avons divisé le rapport en trois tendances principales et "disruptors" centraux : data-driven advertising, audience touchpoints et content creation. 

Parallèlement, nous abordons trois défis pour le secteur : les talents et le leadership, la structure du marché et l'organisation interne, et enfin, l'élaboration de stratégies publicitaires. 

Nous présentons également quatre scénarios plausibles pour l'avenir, sur l'axe de deux incertitudes critiques : la pertinence future de la créativité et celle du marketing de masse. 

Comment décririez-vous le marché belge par rapport au reste de l'Europe ?

Avec une valeur totale de plus de 3,8 milliards d'euros bruts en 2022, l'écosystème publicitaire belge reste un pilier majeur de l'économie du pays. Et ce bien que le secteur ait reculé de 15% entre 2019 et 2020 en raison de la crise du coronavirus. Entretemps, les dépenses publicitaires annuelles se sont redressées, mais celles de l’an dernier étaient encore inférieures de 5% à celles de 2018. 

En comparant 2019 à 2020, on note que la Belgique a été plus durement touchée (-15%) par la pandémie que la moyenne de l'Europe occidentale (-6%).

Luc Suykens : Dans le même temps, on constate également que notre industrie est très compétitive par rapport à celle d'autres pays : en relatif, nous investissons environ 50% de plus dans les médias audiovisuels ici que dans le reste de l'Europe. La télévision, par exemple, représente encore 36% du total des dépenses médias, soit nettement plus qu'ailleurs (21%). Nous avons donc la chance de disposer d'un solide écosystème média national. 

D’un autre côté, nous avons moins investi dans les médias digitaux que d'autres pays. Mais il s'agit ici d'une période clé : le numérique est en pleine croissance et représente aujourd'hui 35% des dépenses publicitaires. 

Vincent Fosty : C’est également d'un défi pour l'ensemble du secteur, tant pour les annonceurs que les médias ou les agences. Tout le secteur doit s’atteler à le relever pour assurer la transition au cours des trois prochaines années.

Le premier effort de l'industrie - des annonceurs et des agences médias, en l’occurrence - pour soutenir l'écosystème local ne serait-il pas de transférer davantage de budget des Gafam vers les acteurs locaux ?

Luc Suykens : D'après les chiffres du dernier benchmark UBA-UMA, les acteurs internationaux représentent 60% du marché de la publicité digitale. En même temps, 80% de l'argent investis par les membres de l'UMA passe par des acteurs locaux. Ce qui n'est pas si mal… C'est même mieux que dans d'autres pays. 

Par ailleurs, beaucoup de choses changent à l'échelle mondiale dans tous les écosystèmes. Nous devons nous aussi évoluer, sans quoi nous risquons d’éprouver des difficultés. Il faut donc innover, transformer et créer du potentiel. Nous disposons de médias locaux forts et nous devons faire en sorte de les préserver. 

Cette étude veut à nouveau souligner l’importance des efforts conjoints des acteurs du secteur à cet égard : échanger des idées pour mettre sur pied des synergies. Les collaborations entre l'UMA et l'ACC en matière de talents en sont un bon exemple ; l'UBA devrait peut-être y participer également. Beaucoup d'initiatives sont donc possibles. Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais cela n’a guère d’importance.

Vincent Fosty : Pour l'avenir, il est également essentiel que les différents acteurs travaillent ensemble sur de nouveaux types de contenus publicitaires, par exemple. Native advertising, content, brand placement : ce sont eux qui protègent le mieux l'écosystème local, car c'est là que la pertinence des médias locaux se fait le plus sentir. Ils nécessitent une expertise créative et une connaissance des médias au sein des régies, mais aussi des groupes médias et des agences, au service de stratégies à long terme. 

Autre domaine où la mise en commun des ressources fait toute la différence : celui des data, de la formation des talents ou de la création de plateformes de distribution. 

En réalité, il s'agit également d'exploiter de nouveaux terrains de jeu et de créer des opportunités pour les acteurs qui opéraient dans le cadre d'un modèle pourtant très cloisonné.

Ces évolutions ont-elles aussi un impact sur le rôle de l'UBA ? 

Luc Suykens : En ce qui concerne l'UBA elle-même, notre rôle a évolué, passant de la communication à la construction de marques. Il s'agit d'un rôle important sur le plan stratégique.

En outre, en tant qu'association d'annonceurs, nous endossons un rôle représentatif et nous disposons des ressources nécessaires pour collecter des informations, mais également pour les partager et mettre les choses en route, comme dans le cas de cette étude. Nous sommes aussi conscients de là où notre rôle s'arrête... Nous poursuivrons sur cette voie, car si nous ne le faisons pas, la qualité du contexte dans lequel nous pourrons atteindre nos consommateurs sera différente, ce que nous ne le voulons pas.

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