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Et si on boycottait (aussi) Tesla ?, par Fred Bouchar (MM)

Dimanche 18 Août 2024

Et si on boycottait (aussi) Tesla ?, par Fred Bouchar (MM)

L’affaire n’a semble-t-il pas trop intéressé nos lecteurs - du moins si l’on se base sur le nombre de views de nos news consacrées à la plainte de X vs WFA qui a abouti à la mise en veilleuse du GARM. Pourtant, cette actu m’a tout l’air d’un dangereux précédent pour le marché publicitaire.  
 
Cette nième sortie de Musk s’apparente en effet à une instrumentalisation de la loi, une "procédure-bâillon" - ce que les anglo-saxons appellent SLAPP pour Strategic Lawsuit Against Public Participation -, parlant d'une action en justice visant à faire taire les critiques dans le cadre d’un débat public. Wikepedia nous explique que le succès d'une telle opération n'est pas tant une victoire devant les tribunaux qu'une intimidation de la partie défenderesse (celle attaquée) ou un épuisement financier la réduisant au silence… C'est exactement ce qui s'est passé au niveau de la WFA et du GARM : l'Alliance a laissé entendre qu'elle se sabordait car elle n'aurait pas les moyens de faire face aux frais de justice liés à l'action en justice de X.
 
On le sait, dans notre secteur où la concurrence est féroce, les associations fédératrices de type UBA, ACC, UMA & co sont souvent à la pointe des avancées en matière de bonnes pratiques professionnelles voire sociétales, comme en témoigne par exemple la plateforme CommToZero. Tout le monde sait aussi que la plupart sont financièrement fragiles, et il est clair que leur fonctionnement pourrait être vite affecté de manière significative par un SLAPP émanant d’un BigTech bardé d'une cohorte d'avocats.
 
La Belgique ne risque pas grand chose à ce niveau, me direz-vous… A voir. Notre ami Bruno Van Boucq pourrait vous en parler. 
 
Quoi qu'il en soit, pour en revenir au GARM, cette décision malheureuse de rayer de la carte une asbl qui s'est efforcée d'améliorer la transparence et la brand safety sur les médias sociaux, est symptomatique de notre triste époque : auriez-vous imaginé qu'on puisse en arriver là ? Que des annonceurs désireux d'éviter de se retrouver à côté de fake news, de contenus haineux et d'insultes raciales, puissent être taxés de "conspirateurs illégaux" par une plateforme qui décide explicitement de s'asseoir sur la modération de ses contenus sous couvert de liberté d'expression. C'est la rhétorique à la sauce Musk : les annonceurs peuvent aller se faire foutre, et on leur déclare la guerre. 
 
Malheureusement, son pouvoir de nuisance ne se limite pas à la sphère publicitaire. Loin de là. A propos de discours belliqueux, on rappellera que cet homme qui a déjà relayé une cinquantaine de fake news auprès de ses millions d’abonnés depuis le début de l'année selon l'ONG Center for Countering Digital Hate, s'est récemment permis de tweeter que la guerre civile était inévitable au Royaume-Uni, prenant fait et causes pour des émeutiers d'extrême-droite. Ce qui a provoqué un nouveau rappel au sens des responsabilités des réseaux sociaux de la part du nouveau gouvernement travailliste. 
 
Pensez-vous que ce terme - sens des responsabilités - en ait un pour ce milliardaire qui aime brandir le drapeau du « freedom of speech » pour se donner une sorte d’immunité numérique et dire tout et n’importe quoi ? Musk n’a pas besoin de son IA Grok pour halluciner, et on n’ose imaginer l’attelage délirant qu’il va former avec Trump. 
 
Au passage, pour conclure sur les investissements sur X et les raisons de boycotter ce réseau social - et pourquoi pas, d'autres "assets" de Musk -, on notera ce conseil prodigué par David Wilding, Chief Strategy Officer d'EssenceMediacom : les annonceurs devraient profiter de cette affaire pour reconsidérer leurs pratiques en matière de brand safety et envisager de déplacer leurs investissements vers des marques d'information plus dignes de confiance. 
 
 « Si votre politique de brand safety vous permet d'investir allègrement dans des plateformes où la désinformation est monnaie courante, mais pas dans le journalisme qui cherche à disséquer cette désinformation (et à rendre compte des troubles qu'elle engendre dans nos rues), "parce que nous devons éviter les informations", alors votre politique de brand safety a probablement besoin d'être révisée », écrit-il. 

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