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SXSW: Histoires et choix, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

Lundi 10 Mars 2025

SXSW: Histoires et choix, par Danny Devriendt (IPG Dynamics)

SXSW 2025 a débarqué à Austin cette année avec son habituelle effervescence, mais au milieu des camions à tacos, des techno bros bruyants, des voyageurs décalés par le jetlag et des foules arborant des badges, quelque chose d'assez extraordinaire s'est produit : une sensation palpable d’urgence et de nouveauté. Les informations affluent avec une intensité et une pertinence implacables.

MIT

Rien de mieux pour commencer la journée qu’une bonne vieille conférence du MIT un vendredi matin. Niall Firth, rédacteur en chef exécutif au MIT Technology Review, a animé une session phare sur le futur immédiat : "10 technologies révolutionnaires pour 2025". J’admets que ce titre aurait pu être un peu plus sexy, mais cette conférence a efficacement tracé la feuille de route de notre vie à très court terme.

Le télescope Rubin est en tête. Observer l’intégralité du ciel tous les trois jours peut sembler excessif, mais c’est exactement ce qu'il faut pour enfin percer les mystères cosmiques qu’on effleure à peine. L’astronomie ne consiste plus simplement à lever les yeux, mais à binge-watcher l'univers en temps réel, et le télescope Rubin, aidé par l’IA et l’informatique quantique, est notre meilleur espoir pour percer ces mystères.

Évidemment, l’IA envahit notre quotidien. La recherche hyper-personnalisée remplacera bientôt la traditionnelle page Google par des réponses précises et adaptées à chacun. L’IA ne saura pas seulement ce que vous cherchez, mais pourquoi, répondant à votre façon préférée. Une bénédiction pour étudiants, chercheurs et tous ceux qui détestent les liens inutiles ? Ou bien une terrifiante chambre d’écho à échelle planétaire ?

À côté de cette immense vague d’IA émergent aussi des modèles de langage compacts, spécialisés : les Small Language Models (SLM). Plus légers, plus rapides, idéaux pour les secteurs comme la finance, le droit, l’audit ou la santé, ils traitent les données sensibles sans les exposer partout sur Internet.

En parlant de régimes, même les vaches figurent sur la liste des tendances du SXSW. Des suppléments réduisant le méthane et des régimes adaptés permettent désormais de réduire significativement leurs émissions de gaz à effet de serre. En clair : grâce à l’IA, les vaches deviennent écologiques.

Même les taxis deviennent autonomes. Fini les conversations gênantes ou les pourboires : bienvenue dans le futur. À Austin, ces taxis sont déjà disponibles ; je les ai testés d’ailleurs, et c’est étrangement fascinant de voir ce tsar robotique naviguer dans la circulation.

Le transport aérien, très polluant, trouve enfin une réelle alternative avec les carburants renouvelables. Les vols vont enfin devenir moins néfastes pour le climat grâce aux carburants durables, réduisant enfin leur empreinte carbone.

Les usines adoptent quant à elles des robots polyvalents capables d’apprendre de nouvelles tâches en temps réel. La flexibilité industrielle n’est plus un choix, mais une nécessité de survie dans une économie en accélération constante. Spoiler : ces robots vont évoluer bien au-delà des tâches répétitives, transformant l’emploi industriel à grande échelle.

Côté santé, les avancées sont impressionnantes. Les thérapies longue durée remplacent les pilules quotidiennes pour le VIH, et des thérapies cellulaires promettent des avancées décisives contre des maladies comme l’épilepsie. Des thérapies cellulaires expérimentales ouvrent la voie à une meilleure longévité, nous permettant de préserver plus longtemps notre santé.

Enfin, l’acier vert, produit grâce à l’hydrogène renouvelable, déconstruit discrètement l’héritage polluant de l’industrie, poutre par poutre. Jadis grand pollueur, l’acier pourrait désormais arborer une image écologique.

Signal 

Tout excité par ces innovations prometteuses, j’ai rejoint une autre salle pleine d’enthousiastes de la tech, attendant avec impatience une annonce révolutionnaire de plus.
Mais c’est Meredith Whittaker, présidente de Signal, qui est entrée sur scène pour refroidir brutalement l’enthousiasme ambiant.

Avec une rapidité d’esprit digne d’Hamilton sous Red Bull, Whittaker a énergiquement démoli les fantasmes autour de l’IA lors d’un entretien avec Guy Kawasaki, livrant une série de réalités tranchantes : « L’IA agentique, c’est comme placer votre cerveau dans un bocal et confier votre vie à un génie numérique, qui se trouve être aussi un espion. »
Whittaker a décrit comment ces IA autonomes collectent vos données personnelles sans hésitation : historique web, calendrier, cartes bancaires et messages privés. « Ne vous inquiétez pas, toutes ces données personnelles flottent en toute tranquillité dans un cloud non crypté. »

Elle a critiqué l’obsession de l’industrie pour le modèle « toujours plus de données ». « Nourrir l’IA avec toujours plus de données, c’est comme nourrir un dragon insatiable, mais ce dragon collectionne vos moments intimes et vos achats compulsifs nocturnes. »

Elle a aussi prévenu que l’intégration d’IA dans les messageries chiffrées comme Signal risquait de compromettre leur confidentialité : « Imaginez vos textos privés devenus des snacks pour IA, mâchés et régurgités en résumés pratiques. » Whittaker a lancé un appel urgent à l’industrie pour innover sans se rendre complice d’un État de surveillance, rappelant que cette commodité apparente se paye en autonomie et vie privée. « Évitez donc de mettre votre cerveau en bocal », surtout avec Oncle Trump et frère Musk dans les parages.

Disney 

Il y a quelque chose d’étrangement satisfaisant - presque un plaisir coupable - à regarder une conférence Disney. Je dois l’avouer, je ne résiste pas à l’envie de suivre leurs présentations. Après tout, raconter des histoires, c’est aussi mon métier, non ? Transmettre des informations, éveiller l'enthousiasme, créer une culture commune… Où mieux perfectionner ces compétences qu'auprès des meilleurs ?

D'un côté, on sait pertinemment qu’on assiste à un spectacle parfaitement orchestré par un mastodonte du divertissement ; une entreprise qui, honnêtement, tient un peu trop fermement dans sa poigne corporate l’ensemble de nos franchises préférées. Mais très vite, la nostalgie prend le dessus. Des souvenirs de petits moments doux, beaux, intimes reviennent : de l’innocence délicate de "Bambi" à la magie intemporelle de "Blanche-Neige", jusqu’au charme brut du "Mandalorian". Disney est inscrit dans notre ADN émotionnel.
Cette dualité a été particulièrement visible lors de la dernière présentation de Disney au SXSW, audacieusement intitulée "Le futur de la création de mondes chez Disney". Oui, rien que le titre peut provoquer quelques haussements de sourcils. Mais lorsque Josh D’Amaro, président de Disney Experiences, et Alan Bergman, co-président de Disney Entertainment, sont montés sur scène, difficile de rester indifférent à leur hommage sincère à l'héritage narratif de l’entreprise. Disney, nous ont-ils rappelé, vit dans cet espace rare entre la pointe de la technologie et la créativité authentique, exactement comme l’avait imaginé l’oncle Walt.
Puis, avec une délicieuse ironie, Robert Downey Jr. - oui, Iron Man lui-même - a fait son apparition sur scène. Pas une pâle copie de notre magnat de la tech local devenu super-vilain auto-proclamé (oui, Musk, je parle de toi), mais bien l’acteur original indissociable de Tony Stark. Il était là pour présenter la nouvelle attraction Disney : le "Stark Flight Lab", une expérience immersive bourrée d'adrénaline qui ouvrira prochainement ses portes au Avengers Campus du parc Disney California Adventure. 
Avec son charme habituel, Downey Jr. a expliqué que les visiteurs pourraient réaliser leurs rêves d’Iron Man à bord de capsules gyrocynétiques reproduisant les mouvements emblématiques du héros.

En prime, de petits drones adorables bourdonnaient dans la salle, capturant en temps réel les réactions spontanées du public, déclenchant des sourires ravis. Ces minuscules caméras-pixies ressemblaient à un clin d’œil nostalgique de Disney à son passé fantaisiste, un mélange réussi d’innocence et d’innovation.

L’ironie de la situation était loin d’être subtile : Disney venait d’amener le vrai Iron Man à Austin, Texas, territoire habituellement associé à Musk, notre Stark du réel un peu trop parti en vrille. L’humour du moment était savoureusement complexe, Disney jouant habilement avec nos perceptions, mêlant ambitions corporatives et authentique plaisir.

Voilà sans doute ce qui fait tout le paradoxe de Disney : aussi gigantesque soit-il devenu, aussi envahissante puisse être sa domination, il n’a jamais totalement perdu cette capacité unique à nous faire sourire, rêver, ou simplement croire - même si ce n’est que pour un bref moment magique.

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