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Fons Van Dyck : "Nous ne pouvons pas changer le cours des saisons, mais nous pouvons quand même avoir un très bel hiver"

Vendredi 12 Janvier 2024

Fons Van Dyck :

Avant que le Blue Monday ne frappe à nouveau et n’anéantisse impitoyablement les bonnes résolutions et perspectives positives, nous souhaitons vous servir une bonne dose d’espoir et d’optimisme. Car non, le monde ne touche pas encore à sa fin et oui, nous avons encore un avenir.

Même si l’hiver mental est à nos portes, nous décidons en grande partie nous-mêmes de la manière dont il se fera sentir. 

C’est ce qu’affirme le toujours inspirant Fons Van Dyck (MD, Think BBDO) dans son dernier ouvrage : "De toekomst is terug", publié par Pelckmans fin de l’année dernière.

Et si c’est lui qui le dit, on le croit volontiers.

Votre précédent livre expliquait comment les entreprises pouvaient survivre en temps de perturbation, tandis que celui-ci est en quelque sorte un appel à reprendre le contrôle de nos vies. D’où vient ce besoin ?

Les trois dernières décennies, aussi mouvementées qu’elles aient été, ont été caractérisées par une grande résilience des gens et de la société, qui semble fortement ébranlée aujourd'hui. Cela s’explique en grande partie par le fait que, depuis la crise bancaire, nous avons dû faire face à toute une série d’autres crises.

Si l’on considère les quatre dernières années, la pandémie de Covid n’a pas été suivie par ce royaume de liberté insouciante tant attendu, mais bien par une grave crise économique. Nous sommes ensuite entrés dans une ère d’inflation galopante, suivie par la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au conflit explosif à Gaza, avec en toile de fond la question climatique de plus en plus tangible. En d'autres termes, nous vivons une permacrise.

Ses répercussions mentales ne doivent pas être sous-estimées, en particulier - mais pas seulement - chez les jeunes. Cet enchaînement conduit, entre autres, à un mélange de peur de l’avenir - le nôtre sien et de nos enfants - et de colère envers le système et les institutions, ainsi qu’à un pessimisme grandissant. Ajoutez à cela la méfiance croissante et toxique à l’égard de notre environnement immédiat, incarné par les voisins, les collègues et les amis, et vous obtenez un cocktail très dangereux pour le futur.

Contrairement au titre de votre livre, c'est plutôt désespérant… 

Si l’on replace les choses - et donc les périodes de prospérité ou de crise - dans une perspective plus large, on s’aperçoit qu’il existe en tout temps quatre forces qui expliquent et induisent le comportement humain, au niveau personnel, professionnel et sociétal. Dans mon livre, je les ai appelées les quatre V : "verkennen" (explorer), "verbinden" (connecter), "veroveren" (conquérir) et "verdedigen" (défendre). 

On ressent principalement les deux premières au printemps et en été, les deux dernières caractérisant surtout l'hiver mental. Mon hypothèse est qu’aujourd'hui, nous nous dirigeons peu à peu vers l’hiver mental, ce qui engendre une anxiété croissante et une vision pessimiste de l’avenir. 

Pourtant, votre livre se termine par un Manifeste de l’Espoir.

C’est exact. Ces quatre forces sont universelles et intemporelles. Elles définissent en grande partie ce à quoi ressemble le monde, à petite et grande échelle, qui nous entoure aujourd’hui, et jettent les bases du monde de demain. 

Mais la palette de nuances est différente pour chacune de ces quatre forces. Par exemple, le besoin d’exploration représente la pulsion humaine envers l’innovation, mais à l’autre extrémité de son spectre, il peut aussi conduire à de sombres théories du complot. Le désir de connexion peut d’un côté générer une inclusion croissante, mais peut tout aussi bien dégénérer en une pression des pairs étouffante ou discriminatoire. La conquête, quant à elle, conduit à davantage de succès, de connaissances, de richesses, etc., mais peut également entraîner des excès tels que le gaspillage, la surconsommation ou l'exploitation. Enfin, il y a le réflexe de défense, lié à des notions comme l’ADN, les racines ou l’identité, mais qui peut aussi conduire à l’intolérance, aux discours de haine, etc.

Si des forces négatives se renforcent mutuellement et menacent l’avenir que nous souhaitons, nous pouvons mobiliser les forces positives présentes en nous-mêmes et les rassembler, comme je l’écris dans mon livre. En outre, nous pouvons nous inspirer des leçons du passé pour mieux agir demain. C’est à nous de décider de quoi il sera fait. Cette attitude volontariste est heureusement bien vivante, et pas seulement chez moi.

Que voulez-vous dire ?

Que des forces sont aujourd’hui à l’œuvre qui pourraient avoir des conséquences négatives. Voyez par exemple le besoin croissant d’autorité qui caractérise notre société actuelle, y compris chez les jeunes. L’enquête qualitative que j’ai commanditée l’été dernier pour préparer le livre, en collaboration avec le cabinet d’études Bufll, a montré, par exemple, que 56% des Flamands souhaitent un dirigeant autoritaire qui mette le parlement hors-jeu. 

Dans le même temps, 80% des Flamands croient encore que la technologie et la science amélioreront notre vie. Notre besoin de connexion ne se porte pas trop mal, si l’on en croit les nombreuses initiatives à petite échelle lancées par des organisations de la société civile. Les propos de Levinas, qui disait que l’on ne devient humain que lorsqu’on regarde l’autre dans les yeux, sont toujours d’actualité. 

Autrement dit, les quatre forces sont présentes en chacun de nous. C’est pourquoi, dans mon Manifeste, j’ai formulé quatre règles - ou principes, si vous voulez - pour un avenir meilleur. Elles concernent l’importance de la connaissance, du véritable contact humain (visuel), du double besoin de liberté et de sécurité qui ne peuvent exister l’une sans l’autre, et de la beauté nécessaire du ‘less is more’.

Ce que je veux dire, c’est que nous ne pouvons pas changer le cours des saisons, mais que nous pouvons quand même avoir un très bel hiver : regardez les peintures d'Averkamp et de Brueghel. Les plaisirs de l'hiver existent. De plus, nous pouvons essayer de considérer qu’un dégel est imminent.

Admettez-le, cet espoir fait vivre, non ?

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