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Le jeu comme arme de distraction massive

Mardi 15 Décembre 2020

Le jeu comme arme de distraction massive

Adoubés par les experts du béhaviorisme et tous ceux qui s'en inspirent pour infuser de la gamification dans leurs activités, les jeux vidéo sont devenus une industrie colossale. Pratiqués par des millions de personnes, ils constituent désormais un enjeu pour les marketers désireux d'inscrire leur marque dans l'expérience utilisateur qu'ils procurent.  

"Le jeu, c'est tout ce qu'on fait sans y être obligé", écrivait Mark Twain. Portée par l'essor des jeux vidéo, et même si antérieure à cet engouement planétaire, la gamification a considérablement élargi ses champs d'application : on la retrouve dans des situations d'apprentissage, dans le fonctionnement, voire le fondement, de sites web et de réseaux sociaux, où elle permet de créer et fédérer des communautés en stimulant l'engagement, et bien entendu dans de nombreuses campagnes d'activation.

Ce concept de gamification - ou ludification en français - est apparu à la fin des années 2000 (Wikipedia en attribue la paternité à l'Américain Jesse Schell, game designer et professeur à Carnegie-Mellon). Il renvoie à l'intégration de mécanismes de jeu dans des processus qui n'ont pas pour vocation première d'être ludiques, et repose sur ce tropisme que nous développons tous depuis l'enfance : notre prédisposition au jeu. 
« On retrouve dans la gamification certaines notions de base du comportementalisme », explique Florian Linclau, Head of Analytics & Insight chez Wavemaker. « Les jeux parviennent à nous plonger dans ce que l'on appelle un état de "flow", qui est cet état de pure motivation dans lequel vous êtes lorsque vous jouez ; la résultante étant que vous perdez la notion du temps. C'est exactement ce qui se passe lorsque vous analysez le comportement des participants à des jeux immersifs comme World of Warcraft. » 

Il poursuit : « Pour atteindre ce flow, il y a trois variables obligatoires : la motivation, la capacité et le déclencheur - c'est l'équation B=MAP (Behaviour = Motivation x Ability x Prompt) de BJ Fogg, le Monsieur Behaviourial Science de la Silicon Valley. Ce modèle comportemental démontre que ces éléments doivent converger pour qu'un individu passe à l'action, et qu'il faut un équilibre entre la motivation et la capacité pour passer à l'action, et si pas suffisant, un coup de pouce (prompt) va vous réengager dans l'action. Il y a d'autres techniques pour accéder au flow, comme la notion de "contingence" qu'évoque le philosophe Jacques Henriot : quand tout et son contraire sont possibles, suscitant la curiosité d'aller plus loin, ou encore des "nudges" bien connus comme "l'effet Barnum", le recours à des "badges", la notion de "renforcement positif alterné", etc. »  

« Il faut aussi évoquer le framework Octalysis de Yu Kai Chou », ajoute Florian Linclau. « Ce pionnier de la gamification a analysé différents types de jeux et il a remarqué que ceux-ci s'appuient sur huit dynamiques qui motivent le joueur et le poussent à continuer : meaning, empowerment, social influence, unpredictability, avoidance, scarcity, ownership et accomplishment (plus de détails sur yukaichou.com, ndlr.). On constate que ce modèle est aujourd'hui utilisé par de très nombreuses marques et par la plupart des Gafa. »
Qu'il s'agisse de créer du trafic sur un site, personnaliser le rapport d'un individu avec une marque, améliorer sa perception, créer l'engouement autour d'un projet ou autres, les objectifs de la gamification sont nombreux, ils peuvent toutefois se résumer en deux mots : engagement et expérience utilisateur. Quel que soit le domaine dans lequel les mécanismes de la gamification entrent en action l'individu se trouvera impliqué en tant qu'acteur d'un univers donné grâce à une expérience dynamique et sur-mesure. 

Le gaming devient mainstream

Comme le soulignait Chris Van Roey dans un article publié sur le site de l'UBA, si la gamification a longtemps été l'un des instruments de prédilection des marketers, beaucoup passent désormais au gaming au sens propre. « Non seulement pour fidéliser les clients existants, mais aussi pour en attirer des nouveaux. Et si la création d'un nouveau jeu semble complexe, il est toujours possible de revisiter des jeux populaires existants. Sachant aussi que des millions de personnes consacrent plusieurs heures par jour à des jeux mobiles, ceux-ci constituent une plateforme idéale pour créer des expériences captivantes pour les clients », expliquait l'ex CEO de l'UBA. 

A cela s'ajoute le fait que le gaming a désormais une toute autre image que celle véhiculée il y a quelques années encore. Aujourd'hui, le jeu vidéo a quitté sa niche et s'est ouvert au marché grand public, attirant une cible plus familiale, plus féminine aussi, grâce à l'explosion des jeux sur smartphones notamment. 

C'est ce qu'explique "Dans la peau des gamers" (Editions Khartala), le dernier ouvrage d'Olivier Servais, professeur à l'UCL qui mène depuis plusieurs années des travaux ethnographiques sur différents mondes virtuels, dont World of Warcraft : « Il y a évidemment des cas d'addiction, des hard gamers, des gens qui jouent six à 18 heures par jour, mais ce n'est pas représentatif de ceux que l'on croise dans les communautés. En fait, il y a autant de profils que de joueurs », expliquait-il récemment dans La Libre. « Ce que l'on peut voir dans les jeux en ligne, c'est que les gens tissent des liens sociaux réels, se rencontrent virtuellement, et par la suite, peuvent se voir physiquement. Il y a beaucoup d'échanges. »

Le gaming est devenu un phénomène économique et social, une industrie qui dépasse le chiffres d'affaires combiné du cinéma et de la musique : $159 milliards pressentis en 2020 selon le Global Games Market Report de Newzoo. Au fil des ans, le gaming a évolué du jeu d'arcade, à la console puis au jeu massivement multijoueur, dont WoW ou Fortnite sont parmi les chefs de file. Et sa mue se poursuit, avec l'explosion des jeux mobile (voir page 27), de l'esport (page 29). Sans oublier tous les médias dédiés.

Le gaming devient spectacle 

Vous vous êtes sans doute déjà demandé comment peut-on passer des heures à regarder quelqu'un jouer ou échanger sur un jeu, au lieu de jouer soi-même ? La popularité des chaînes YouTube dédiées au gaming a en effet de quoi surprendre : si l'on en croit une étude menée par Ipsos pour Google, presque la moitié des gamers présents sur YouTube disent passer plus de temps à visionner des vidéos qu'à jouer. Pour la majorité, il s'agit de sortir de l'isolement que constitue intrinsèquement le jeu vidéo pour se connecter à une communauté d'intérêts communs. Les réseaux sociaux deviennent dès lors l'occasion de célébrer des univers, des personnages et des valeurs dans lesquels les joueurs se reconnaissent. Ils sont ainsi 56% à identifier YouTube comme la plateforme principale où ils échangent sur l'actualité d'un jeu, selon Ipsos.

Amazon semble lui aussi vouer un culte aux jeux vidéo. Après Twitch, le géant de l'e-commerce a récemment lancé aux Etats-Unis une plateforme de streaming qui ne diffuse que des sessions de jeux sur mobile (Android uniquement à ce stade). Aucune indication n'a été donnée à ce jour quant au déploiement de GameOn dans le reste du monde... Mais revenons-en à Twitch, dont l'investissement consenti pour son rachat en 2014 ($1 milliard) devrait être bientôt rentabilisé. 

Parmi les chiffres complètement dingues qui circulent autour de Twitch (dopée au Covid, à l'instar de sa maison-mère), on retiendra ce récent rapport de Streamlabs & Stream Hatchet, qui indique que le temps de vision de ses utilisateurs a augmenté de plus de 62% au second trimestre 2020 (plus de 80% par rapport à 2019), pour atteindre le record de 5 milliards d'heures en un seul trimestre.

Considérée comme la plateforme numéro un de streaming de jeux avec 15 millions d'utilisateurs quotidiens (le double de YouTube Gaming, numéro deux), elle peut compter sur le volontarisme d'Amazon pour faire communiquer streamers, followers et annonceurs, en répondant notamment aux attentes de ces derniers en matière de ciblage et en développant son panel d'outils programmatiques. Surtout qu'elle offre une excellente source d'audience engagée. De par son ADN - le live streaming suivi et commenté dans le chat, Twitch permet à la fois de toucher les streamers et de capter l'attention de leurs followers. Les utilisateurs sont âgés entre 15 et 35 ans, majoritairement masculins (70%) et, pour la plupart, passionnés de jeux vidéo et d'esport. 

Le gaming devient écosystème

On peut en effet parler d'un écosystème lorsque l'on évoque le secteur du jeu vidéo d'un point de vue marketing : on y trouve des développeurs, des éditeurs, des régies, des agences spécialisées... Les leviers sont classiquement le sponsoring et la pub in-game sous toutes ses formes (placement produit, insertion de messages avant et après une partie, intégration au sein du décor...). On y trouve également tous les éléments du programmatique, du tracking, des analytics et des data. Quant aux modèles d'affaires, outre la pub et le sponsoring, ils s'appuient sur les abonnements et la vente d'objets qui permettent aux gamers d'avancer dans le jeu ou de personnaliser leur avatar.

Pour les marketers, investir dans le gaming permet de développer la visibilité et la notoriété de leur marque (en restant attentif à la brand safety), de toucher des cibles jeunes et engagées, d'étendre son territoire de marque dans des univers imaginaires (voir en page 36) et de récolter de la data. Les réseaux sociaux et l'aspect communautaire des jeux stars d'aujourd'hui sont aussi une opportunité énorme. Mais pour apprivoiser le gaming, comme l'explique Stef Sleurs, Marketing & Communication Manager d'Audi dans le case esport publié dans ce dossier (p. 33), il faut d'abord veiller à intégrer les codes du gaming, en tenant compte qu'il n'existe pas une cible mais des cibles "gamers" : par exemple, on ne parle pas le même langage dans Animal Crossing que dans WoW, et tous ceux qui ont passé un peu de temps sur Twitch savent l'importance de se familiariser en amont avec ces univers. Les marques doivent aussi comprendre qu'il faut donner aux joueurs du "gameplay", une UX (de fans), mais surtout pas de la pub intrusive. Sauf si vous tenez absolument à devenir le "boss" du jeu que vous investissez. 
Ces mondes virtuels qui le sont de moins en moins
Imaginez un monde dans lequel vous n'avez pas besoin de sortir de chez vous pour aller au cinéma, voir un concert, faire du shopping, étudier et apprendre... Ce fantasme anthropophobique se rapproche de celui du "métaverse". Depuis que le concept de confinement est venu se superposer à notre réalité, ces fameux mondes virtuels donnent l'impression qu'ils le sont de moins en moins. Nouveaux lieux de socialisation et de partage d'expériences, ils intéressent de plus en plus de marques.

Depuis l'apparition du virus, de notre nouvelle normalité confinée et überconnectée, le fantasme du métaverse s'est réincarné à la puissance 10 en se nourrissant de ce qui constitue le gros-porteur du divertissement : le gaming. 

Interagir avec le monde physique environnant de manière virtuelle n'est plus de la science-fiction. Les lecteurs les plus assidus de ce magazine auront remarqué que notre rubrique Foreign Affairs dans laquelle notre partenaire Focalys compile des cases marketing innovants des quatre coins de la planète, fait de plus en plus écho à des dispositifs qui s'articulent autour de jeux en ligne tels que Fortnite, Minecraft ou Animal Crossing pour ne citer qu'eux.

« Cette nouvelle ère du métaverse va libérer une incroyable créativité, ouvrir de nouvelles frontières et de nouveaux horizons pour les marques et les entreprises », dixit l'Américaine Cathy Hackl. Lors du dernier UBA Trends Day, cette experte en technologie immersive l'a martelé : selon elle, si un concept doit particulièrement attirer l'attention des responsables marketing, c'est celui des mondes virtuels grâce à leur capacité de mixer le monde physique et virtuel. 

Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les jeux précités, ces mondes virtuels - ou "métaverse" selon le concept popularisé par l'auteur de science-fiction Neal Stephenson au début des années 1990 dans son roman "Snow Crash" - hébergent une communauté d'utilisateurs présents sous forme d'avatars : ils s'y déplacent pour jouer, mais surtout ils interagissent, socialement et parfois même économiquement. Ces mondes virtuels ne datent pas d'hier. Il y a une vingtaine d'années, Second Life avait déjà connu une gloire éphémère et nombre d'annonceurs toujours à l'affût de la dernière hype s'y sont rué. 

Envisagé non pas comme un jeu mais comme un pays par son créateur Philip Rosedale, près de 13.000 entreprises y exerçaient une activité virtuelle fin 2006. « Si elles investissent de plus en plus ce nouvel espace, c'est parce qu'il constitue un formidable laboratoire pour leurs produits et une opportunité unique de créer une relation d'un type nouveau avec leurs clients. Second Life constitue un terrain de jeu encore vierge qui permet aux marques d'initier un marketing alternatif », écrivait à l'époque Le Journal du Net. Notre confrère décrivait Second Life comme un Web 3.0 qui mixe incarnation virtuelle et réseaux sociaux.  

Ce précurseur des jeux monde a quasiment disparu des radars, justement balayé par les réseaux sociaux. Mais depuis l'apparition du virus, de notre nouvelle normalité confinée et überconnectée, le fantasme du métaverse s'est réincarné à la puissance 10 en se nourrissant de ce qui constitue aujourd'hui le gros-porteur du divertissement : le gaming. 

Même si vous ne faites pas partie de leur communauté, vous avez forcément entendu parler de ces jeux en ligne multijoueurs.
Travis Scott a frappé les esprits 

Le 24 avril dernier, Travis Scott et Fortnite lancent "une expérience venue d'ailleurs" : débarquée sans crier gare alors qu'une grande partie du monde est confinée et privée de concerts, "Astronomical", la performance immersive du rappeur américain fait l'effet d'une bombe médiatique qui va résonner bien au-delà du monde du jeu vidéo.
Reproduit à cinq reprises durant le week-end, le concert a rassemblé 27 millions de joueurs sur Fortnite et 45 millions de spectateurs sur les plateformes types Twitch et YouTube.

Travis Scott n'était pas certes pas le premier à tirer profit des 250 millions adeptes du jeu de survie d'Epic Games - la chaîne de fast food Wendy's y avait déjà ouvert un restaurant et Disney y a diffusé la bande-annonce du dernier Star Wars dans un cinéma virtuel -, mais l'engouement et la qualité du spectacle offert ont littéralement dopé l'image de Fortnite. A tel point que son créateur Tim Sweeney s'est senti pousser des ailes, prenant le lead du combat contre la taxe Apple Store : dans une campagne kamikaze, le patron d'Epic n'hésite pas écorner l'image de coolitude de la firme à la pomme croquée avec un pastiche du cultissime spot de Ridley Scott « pour que 2020 ne devienne pas 1984 ». Le genre de posture "rebelle" qui plaît aux marketers et aux publicitaires, de plus en plus séduits par la créativité que génèrent ces communautés de gamers qui sont autant de nouveaux bâtisseurs de monde, fussent-ils virtuels.

Un marketing expérientiel 3.0

Fortnite n'a d'ailleurs pas le monopole de la hype pour les mondes virtuels, loin s'en faut. Racheté il y a six ans par Microsoft ($2,5 milliards), Minecraft rassemble plus de 100 millions de joueurs qui se pressent dans cette sorte de boîte de Lego virtuelle ; récemment, l'université de Berkeley y a organisé sa remise de diplômes, Reporters Sans Frontières y a construit une librairie contre la censure, l'agence AQKA de WPP y pratique une mise en abyme et propose un jeu dans le jeu pour sensibiliser au coronavirus... Véritable phénomène du monde covid, le jeu "Animal Crossing : New Horizons" de Nintendo est devenu un aimant à marques : on y croise des avatars créés par Gillette Venus pour sensibiliser à la diversité des corps, on y mange dans un restaurant KFC, on se fait livrer par Just Eat et comme dans la vraie vie, Hellmann's y sensibilise au gaspillage alimentaire... Même Joe Biden y a battu campagne. L'engouement est tel que Nintendo a récemment publié une série de règles concernant l'exploitation de son jeu par les entreprises et les organisations, interdisant notamment d'utiliser Animal Crossing en tant que plateforme marketing qui dirige les gens vers des activités ou des campagnes en dehors du jeu.

Pour Cathy Hackl, ces mondes cliquables, consultables (searchable), où les machines peuvent décoder le monde environnant, doivent attirer l'attention des marketers parce qu'ils libèrent une incroyable décharge de créativité pour les marques et les entreprises. Une autre manière d'envisager le marketing expérientiel, en privilégiant les plateformes virtuelles interactives aux évènements physiques, au regard de leurs potentiels par essence infinis. Autre argument : ces jeux où les joueurs se connectent entre amis et utilisent l'espace virtuel pour interagir, pourraient bien devenir des concurrents directs des réseaux sociaux. Et Facebook semble l'anticiper : il est en train de développer son propre métaverse, Facebook Horizons, un univers qui permet de jouer et de se socialiser en réalité virtuelle.

Pour autant de nombreux obstacles empêchent encore le développement d'un véritable métaverse. Ils sont d'ordre technique, économique et éthique : quel matériel pour s'y connecter ? Quelles infrastructures pour l'héberger ? Comment s'assurer que des entreprises acceptent d'interconnecter leurs produits et les expériences qu'elles proposent à leurs clients ? Comment définir la propriété intellectuelle dans un tel univers ? Un métaverse peut-il briser la domination des Gafam ou, au contraire, la renforcer ? A l'aune de ce questionnement, le journal Libération écrivait récemment que finalement, « le métaverse pourrait aussi être condamné à être une énième lubie de technophiles jamais concrétisée, un concept marketing répété en boucle dans des conférences ou des présentations d'investisseurs ». 

D'autres voient dans l'engouement pour ces mondes virtuels, le signe d'une accélération de la dégradation des rapports humains : « Depuis pas mal d'années, l'ensemble des évolutions technologiques, qu'elles soient mineures (la vidéo à la demande, le paiement sans contact) ou majeures (le télétravail, les achats par Internet, les réseaux sociaux) ont eu pour principale conséquence (pour principal objectif ?) de diminuer les contacts matériels, et surtout humains. L'épidémie de coronavirus offre une magnifique raison d'être à cette tendance lourde : une certaine obsolescence qui semble frapper les relations humaines. » C'est Houellebecq qui le dit ("Interventions 2020"). 
Quelques semaines avant les élections US, l'équipe de Joe Biden a dévoilé l'île officielle du candidat dans Animal Crossing New Horizons.

Outre visiter cette île et le bureau du candidat démocrate, les utilisateurs du jeu pouvaient accéder aux pancartes "Biden-Harris" ou "Team Joe", en scannant les codes QR de design via l'appli Nintendo Switch Online.
En collaboration avec les agences DDB Germany et MediaMonks, l'association Reporters Sans Frontières a eu l'idée de rassembler des articles de presse censurés dans une bibliothèque libre d'accès partout dans le monde.

Cette bibliothèque existe : elle a été bâtie dans Minecraft, où la censure étatique n'a évidemment pas prise. 
Vincent Delmotte (Azerion) : « En Belgique, les jeux mobiles pèsent pour un tiers des revenus du gaming »
Basé à Schipol et opérant dans 14 marchés, dont la Belgique depuis un an et demi, le groupe Azerion emploie un millier de collaborateurs et réalise aujourd'hui entre 250 et 300 millions d'euros de chiffre d'affaires. Une croissance qui suit la courbe du gaming mobile dont Atilla Aytekin et Umut Akpinar, les fondateurs d'Azerion en 2014, ont très vite compris le potentiel. Vincent Delmotte, Managing Director d'Azerion Belgium, est donc bien placé pour nous éclairer sur la croissance actuelle du gaming.

Egalement spécialisé dans la pub digitale et l'adtech avec des produits dédiés aux publishers ou aux annonceurs, Azerion investit tout le périmètre du gaming :  création de contenus, agrégation et édition, avec l'ambition d'offrir un écosystème qui garantit aux consommateurs, annonceurs et éditeurs locaux un environnement sûr et premium pour connecter à travers les médias, la technologie et le divertissement.

Parmi les différentes activités d'Azerion, les produits de gaming occupent une place de choix : le groupe en propose près de 14.000 différents. Avec des blockbusters comme Governor of Poker, les jeux de social gaming de type Habbo Hotel et surtout, le casual gaming - parlant de ces jeux grand public destinés aux joueurs occassionnels. 

Récemment, Azerion a d'ailleurs lancé une plateforme de streaming dédiée, Playtime, elle-même issue d'un accord de partenariat avec Talpa qui a accouché de la joint-venture Talpa Gaming (powered by Azerion). Lancée aux Pays-Bas où elle propose plus de 300 jeux, Playtime devrait être bientôt disponible en Belgique.
Selon les sources, on estime que le marché du gaming génère actuellement entre 100 et 150 milliards de recettes et rassemble plus de 2,5 milliards de joueurs dans le monde. Disposez-vous de données pour la Belgique ?

La première chose importante est peut-être de rappeler ce qu'intègre ce marché du gaming. On parle en effet plus spécifiquement des jeux téléchargeables pour PC ou consoles, des jeux en réseaux sur ces mêmes consoles, des jeux mobiles pour smartphones ou tablettes, ainsi des jeux en ligne gratuit ou payant. Ne sont donc pas inclus les ventes de jeux physiques. Sur cette base, pour la Belgique, les revenus 2020 du secteur du gaming sont estimés à 282 millions d'euros, dont un tiers est issu des jeux mobiles. 

D'un point de vue socio-démo, le gaming touche toutes les tranches de la population. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, le gaming n'est pas uniquement réservé aux jeunes : les 25-44 ans représentent 60% des joueurs. Par contre, cela reste encore un peu trop masculin, à 70%.

Il est de bon ton de dire que le gaming a quitté sa niche et s'est ouvert au grand public. Partagez-vous cette analyse ?

Tout à fait. Je dirais même que le "casual gaming" touche aujourd'hui tout le monde, des jeunes enfants aux grands-parents. Nous le voyons avec Playtime, la plateforme de streaming que nous avons lancée avec Talpa aux Pays-Bas : les jeux proposés touchent toute la famille. Nous avons une douzaine de thématiques et des partenaires comme Disney, Nickeoldeon, Cartoon Network ou encore Atari pour ne citer qu'eux, avec des jeux qui s'adressent à toutes les tranches d'âges et tous les styles.

On remarque d'ailleurs que les jeux vidéo suscitent le même type d'engouement que les plateformes de streaming de films et de séries et que la TV : le nombre de joueurs explose un peu partout. Est-ce également le cas chez Azerion ? 

Clairement. Sur l'ensemble de nos jeux en Europe lors de la première vague, le nombre de joueurs quotidiens a augmenté de 30%. On joue plus et plus longtemps : le temps passé est en croissance de 20%. La progression est certes moins marquée sur la deuxième vague - ce qui est logique dans la mesure où le confinement est aussi moins sévère qu'au printemps dernier. Pour autant, la Belgique affiche toujours une croissance de l'ordre de 9% en termes de joueurs quotidiens.

Quand on évoque les leviers du gaming au niveau du marketing, on cite évidemment le sponsoring et les in-games ads. Y-en-a-t-il d'autres ?

Le sponsoring et in-game ads concernent davantage les jeux en réseaux ou téléchargeables, de même que certains jeux sociaux qui regroupent diverses communautés ou univers, comme Habbo Hotel par exemple. En ce qui nous concerne, le revenu d'Azerion en Belgique est majoritairement lié à la publicité vidéo, et parfois display, qui est généralement placée avant le démarrage d'un jeu gratuit. 

Parlant plus précisément d'Azerion, le groupe s'est construit à l'international en combinant gaming et adtech. Comment se structure votre offre belge en matière de gaming et quel est votre modèle d'affaires ? 

En Belgique, la partie visible de l'Iceberg, c'est aujourd'hui notre offre publicitaire. Notre réseau regroupe plusieurs éditeurs tels que Yoki, SpilGames, Jeuxvideos, etc., avec pas mal d'annonceurs réguliers. Des marques de jouets, mais également des chaînes de fast-food, des boissons, des distributeurs de films... La partie moins visible concerne la distribution de jeux et le licensing.

En matière de distribution, je pourrais citer l'exemple de La DH : nous fournissons des jeux à un éditeur de site avec qui nous partageons les revenus publicitaires issus de cette offre. L'autre option est de lancer une plateforme comme Playtime au niveau local. Le projet est en discussion avec plusieurs partenaires et n'est pas encore finalisé pour la Belgique. 

Enfin, il y a le licensing et la création de jeux pour des marques comme Garfield, Monopoly Poker... Sachant que notre pays est réputé pour sa bande dessinée, j'espère pouvoir annoncer très prochainement le développement de jeux liés à l'une de nos plus grandes fiertés nationales en matière de BD.

Quels sont les moteurs de la croissance dans ce secteur et entrevoyez-vous de nouvelles tendances ?

Incontestablement le modèle d'abonnement tel que celui mis en place sur Playtime, ainsi que les revenus in-app et ceux liés au sponsoring de jeux d'autre part. Même si la Belgique est un peu à la traîne à ce niveau. 

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