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Décarbonation des médias : un premier pas nécessaire... mais pas suffisant, par Sabrina Bulteau (Sench)

Vendredi 27 Septembre 2024

Décarbonation des médias : un premier pas nécessaire... mais pas suffisant, par Sabrina Bulteau (Sench)

La consommation de médias a explosé ces dernières années, s’intégrant profondément dans notre quotidien. Que ce soit en lisant le journal, en regardant la télévision ou du streaming, en naviguant sur Internet ou en explorant les réseaux sociaux, notre interaction avec les médias a un impact environnemental souvent sous-estimé.
 
Lorsqu'on évoque l'empreinte environnementale des médias, la consommation carbone est généralement le premier facteur qui vient à l'esprit. Cependant, les enjeux environnementaux liés aux médias vont bien au-delà des seules émissions de CO2 : consommation d'eau, utilisation d'énergie, production de déchets, et exploitation des ressources en matières premières rares sont autant de défis qui doivent être pris en compte.
 
Prenons l'exemple du streaming vidéo, un secteur en pleine expansion qui contribue à hauteur de 1% des émissions mondiales de CO2. La consommation énergétique des data centers et la transmission de données via les réseaux Internet sont deux éléments important de cette empreinte carbone. La consommation d'énergie des data centers en Belgique est estimée à 3,7 TWh par an, représentant environ 1,2% de la consommation totale d'électricité du pays. Ces infrastructures massives, essentielles pour garantir une diffusion fluide du contenu numérique, nécessitent également des quantités considérables d'eau pour le refroidissement, afin de maintenir les équipements à des températures optimales. Un data center présente une consommation en eau similaire à celle d'une ville de 35.000 habitants. 
 
Par ailleurs, chaque étape, de la préproduction à la post-production de contenus, consomme d'importantes ressources naturelles et génère divers types de pollution : électricité pour les éclairages, déplacements des équipes, matériaux pour les décors (souvent non recyclables) et équipements technologiques gourmands en énergie. Par exemple, la production d'un film à grand budget peut émettre jusqu'à 2.840 tonnes de CO2, équivalant à la consommation annuelle de 300 foyers américains, et une seule journée de tournage publicitaire peut consommer entre 20.000 et 30.000 kWh d'électricité
 
Un autre exemple est celui de la publicité numérique. Une campagne digitale moyenne (y compris les bannières, vidéos et annonces sur les réseaux sociaux) génère environ 5,4 tonnes de CO2 par million d'impressions selon une étude de Fifty-Five et l'ADEME . Cela équivaut à l'empreinte carbone d'un vol aller-retour entre Bruxelles et New York pour une personne. De plus, les publicités numériques sont souvent hébergées sur des serveurs encore alimentés en grande partie par des énergies non renouvelables. 
 
Le secteur publicitaire imprimé n'est pas non plus exempt de cette problématique. En Belgique, la consommation de papier pour la publicité imprimée (affiches, flyers, magazines) représente environ 45.000 tonnes de papier par an selon les chiffres de l'industrie papetière belge. La production de papier est un processus intensif en eau, nécessitant environ 10 litres pour produire une seule feuille A4 . Pire encore, environ 60% des flyers publicitaires distribués en boîte aux lettres finissent directement à la poubelle sans être lus, d'après une étude réalisée par l'ADEME. Ce papier inutilisé contribue significativement aux déchets, exacerbant le problème environnemental. En Belgique, cela représente environ 27.000 tonnes de papier jetées chaque année !
 
Enfin l’impact environnemental des smartphones est également préoccupant. La fabrication d'un smartphone moyen génère environ 85 à 95 kg de CO2 selon une analyse du Shift Project. En Belgique, où environ 2,5 millions de smartphones sont vendus chaque année, cela représente une empreinte carbone annuelle de près de 250.000 tonnes de CO2. Chaque smartphone produit génère également des déchets électroniques, et on estime qu'en Belgique, environ 125.000 tonnes de déchets électroniques sont générées chaque année, dont une part importante provient des appareils mobiles. Sans oublier l'extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication qui a également un impact environnemental significatif.
 
Ces réalités montrent clairement que l'enjeu des médias dépasse largement la question du carbone. Une approche holistique est impérative, une approche qui englobe non seulement la réduction des émissions de carbone, mais qui s’attaque aussi à l’optimisation de l’ensemble des ressources nécessaires à leur exploitation. Par exemple, il existe plusieurs leviers d'action pour réduire l'empreinte environnementale du streaming vidéo, tels que l'optimisation des codecs vidéo, l'utilisation d'énergies renouvelables pour alimenter les data centers, ou encore la promotion de pratiques de consommation plus responsables. 
 
Cependant, il ne s'agit pas simplement de minimiser les impacts, mais de réinventer le modèle d’affaires en le transformant en une démarche régénérative. En d'autres termes, les pratiques doivent aller au-delà du simple respect des limites planétaires pour restaurer et améliorer activement les écosystèmes.
 
Cela signifie que les médias doivent repenser chaque étape de leur chaîne de valeur, depuis la production jusqu’à la diffusion et la consommation des contenus. Une telle transformation implique non seulement une innovation technologique pour réduire l'empreinte environnementale, mais aussi une sensibilisation accrue des consommateurs et un engagement ferme en faveur de pratiques durables.

Sources
 
Fifty-Five & ADEME, "La publicité numérique, un impact encore sous-estimé, 2020.
International Energy Agency (IEA), "Data Centres and Data Transmission Networks", 2021.
Industrie Papetière Belge, "Rapport Annuel 2022".
ADEME, "Impact environnemental des prospectus publicitaires", 2018.
The Shift Project, "Lean ICT: Pour une sobriété numérique", 2019.
U.S. Department of Energy, "Data Center Water Usage", 2022.
European Commission, "Energy Consumption of Data Centers", 2021.
World Wildlife Fund (WWF), "Papermaking and Water Consumption", 2020.
United Nations University, "Global E-waste Monitor 2020", 2020.
VMM (Flanders Environment Agency), "Belgium Water Consumption Report", 2022.
Elia, "Electricity Consumption in Belgium", 2022.
Cette transition vers un modèle régénératif sera au cœur de la prochaine édition du Conscious Talk Sench, prévue le 16 octobre 2024 et organisé en partenariat avec Media Marketing.
Cet événement rassemblera des experts du secteur pour discuter des défis et des solutions permettant aux médias de jouer un rôle plus actif dans la préservation de notre planète. Parmi eux :
 
- Bruno Liesse, Directeur Général de Polaris, qui nous partagera quelques enseignements clés des principales études menées sur l’impact environnemental des médias.
- Catherine Bals, responsable de la durabilité chez Proximus, qui représentera la perspective des annonceurs et des fournisseurs d'accès aux contenus.
-  Jean-François Zirger, Consultant RSE et ex-Directeur associé chez Biggie Group, qui abordera l'aspect des publicités.
- Valérie Janssen, Directrice Media, Data & Tech de RMB, qui a remporté un Gold dans la catégorie Développement Durable des Médias aux AMMA.
 
Nous vous invitons à participer à cette conversation essentielle pour façonner l'avenir de notre industrie, en veillant à ce qu'elle devienne non seulement moins polluante, mais aussi plus respectueuse et restauratrice des écosystèmes.
 
Infos et inscriptions ici.

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