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Pauline Héraly (Air) : "Nos créatifs sont devenus de vrais ingénieurs de la création et de la production durable"

Samedi 30 Mars 2024

    Pauline Héraly (Air) :

Récemment, nous évoquions le développement des calculateurs de carbone mis en place par la coalition CommToZero pour le déploiement média et la production des campagnes. 
 
Après un tour de table assez large des agences créatives, il nous est apparu que ce dernier restait très peu utilisé et qu’il ne suscitait jusqu’ici qu’un intérêt très relatif. A quelques exceptions près évidemment, dont Air, et pour cause… 
 
Pauline Héraly, Partner et CEO de l’agence, nous fait part de son expérience.  
 
Utilisez-vous le Production Carbon Calculator de la coalition CommToZero ? Si oui, dans quel cas précis ? 
 
Évidemment ! Sachant qu’Air a conçu mais aussi financé la première version développée avec CO2 Logic en 2021. 
 
Dès le départ, dans la réflexion et la conception de cet outil que nous avons partagé ensuite avec toutes les agences ACC, notre objectif était évident : penser réduction avant tout, et compenser ensuite ce que l’on n’arrive pas à réduire, et ce sur toutes nos campagnes. 
 
Entre temps, la plateforme CommToZero a vu le jour, et commence à se faire connaître dans le secteur. Ayant connu la version beta de l’outil - un fichier Excel pas très "user friendly" comme on dit -, il est certain que l’outil mis en ligne par la coalition facilite grandement notre travail au quotidien. Il rend aussi le partage des résultats plus lisible pour nos clients, ce qui est un gros avantage dans l’intégration de cette étape dans nos process. 
 
Pour autant, même si le chiffre est en augmentation, il est vrai que trop peu de campagnes sont complétées sur l’outil, et nous manquons donc encore de benchmark dans notre industrie. Mais nous travaillons à la sensibilisation et l’éducation des agences pour intégrer leurs datas dans la plateforme.
 
Globalement, êtes-vous satisfait de l’outil tel qu’il est aujourd’hui ou doit-il encore être amélioré ? 
 
L’outil se doit de continuer à évoluer et à s’améliorer pour s’aligner avec l’évolution des techniques de calcul d’émissions. Ce qui nous force nous aussi, utilisateurs de la plateforme, à rester aux faits de ces évolutions pour continuellement nous améliorer. Autant vous dire que nos créatifs et nos partenaires de production sont devenus de vrais ingénieurs de la création et de la production durable !
 
Néanmoins, et en dépit du prix de l’offset - pas du tout dissuasif à l’heure actuelle puisqu'on parle de quelque 10 euros/tonne -, certains de nos clients décident délibérément de ne pas compenser les campagnes. L’effort de réductions est fait, mais la dernière étape, la compensation de ce qui n’a pas pu être réduit, fait défaut. Heureusement ce n’est le cas que pour une minorité, et nous continuons l’exercice de pédagogie. C’est aussi la responsabilité d’une agence de convaincre ses clients.
 
Avez-vous pris des décisions importantes, voire radicales, suite à l’utilisation de l’outil ? 
 
Tout au long de notre parcours vers l’obtention de la certification B-Corp, nous avions déjà dû prendre bon nombre de décisions en ce sens. L’outil nous a permis d’objectiver tout ce qui concernait les émissions de carbone liés à la production, et d’identifier au moins trois grandes pistes de réductions. A commencer par le choix de nos partenaires de production. 
 
Au fil des projets, nous avons affiné nos choix de collaboration en fonction de leur capacité à s’adapter à nos demandes, et surtout en fonction de leur volonté et motivation pour ne pas simplement répondre aux besoins mais être proactifs dans la recherche de solutions durables - cela fait partie du fameux Scope 3, qui nous responsabilise au-delà de nos émissions directes.
 
Ensuite, sur la manière de produire : fini les grosses équipes bien lourdes. Nous sommes désormais capables de contrôler un shooting en remote, nous sommes plus agiles, nous produisons et réalisons le plus localement possible, en faisant appel le plus possible aux talents locaux. Et surtout, nous réfléchissons davantage en amont avec le client, pour prévoir et centraliser les besoins, et produire davantage en une seule session. 
 
Ne plus voyager à l’autre bout de la terre pour shooter une campagne été en plein hiver, c’est un choix radical. Sur le plan des concepts, nous sommes alignés sur un certain refus de l’exotisme et nous trouvons d’autres leviers créatifs pour faire adhérer les consommateurs à nos marques. 
 
Quels sont vos objectifs de réduction des émissions de carbone de vos campagnes à moyen et long terme ?
 

Nous émettons en moyenne entre 10 et 14 tonnes de CO2 par campagne produite. Nous faisons tout pour ne plus aller au-delà de ces émissions, et continuer à les réduire. Mais nous nous rendons compte que descendre en dessous de 10 tonnes est compliqué, même pour une production locale de petite ou moyenne importance. 
 
Cela étant, je me souviens aussi qu’il y a quatre ou cinq ans, nous émettions entre 100 et 150 tonnes par campagne ! Soit 10 fois plus que nos émissions actuelles. 
 
Nos objectifs à long terme sont de continuer à nous améliorer quant aux solutions créatives pour réduire encore et encore notre impact au quotidien : -10% de réduction sur notre benchmark pour 2024. Nous voulons aussi continuer à sensibiliser et embarquer dans cet engagement quotidien nos collaborateurs, clients et partenaires.
 
Quelque chose à ajouter ?
 

On réduit trop souvent le durable aux émissions de carbone, donc exclusivement au volet environnemental. Or, chez Air, nous essayons aussi d’être de vrais agents de changement de comportements en termes de genre, de diversité, d’inclusion, ou en faisant par exemple la promotion de modèles de masculinité moins toxiques. 
 
Je suis convaincue que là aussi, notre secteur peut être un véritable accélérateur de changements. 
 

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