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Guy Gelaude (OMG): "Ne sous-estimez pas l'importance de l'humain"

Jeudi 1 Février 2024

Guy Gelaude (OMG):

Guy Gelaude est depuis plus d'un an à la tête d'Omnicom Media Group pour la Belgique. Avec son équipe, il dirige les agences PHD Media, OMD, Semetis, la nouvelle-venue Hearts & Science ainsi que les ‘’shared services’’ d'OMG. Le groupe compte 160 employés et occupait en 2002 la troisième place du classement de l'UMA avec un billing de 191 millions d'euros.

Nous lui avons demandé de faire le bilan de l'année 2023 pour son groupe et avons profité de l'occasion pour aborder quelques-uns des sujets d'actualité dans le secteur du marketing digital. Un secteur qu'il connait forcément bien : avant de rejoindre OMG, il a notamment travaillé une dizaine d'année pour Google.

Quels ont été les points forts et les objectifs d'OMG en 2023 ?

Globalement, nous regardons l'année 2023 avec une certaine satisfaction. Malgré un début quelque peu incertain en raison de l'impact direct et indirect de la guerre en Ukraine, de la crise énergétique ou encore de l'inflation, nous avons pu nous concentrer sur nos ambitions stratégiques autour des talents et des services aux entreprises.

Pour ce qui concerne les talents, cela s'est traduit par le lancement d'initiatives en matière de culture d’entreprise, de développement personnel et de recrutement. Nous avons également emménagé avec OMD, OMG et Semetis dans les locaux de BBDO à Molenbeek, ce qui a permis la création d'un campus inspirant favorisant les synergies et la mobilité interne.

Nous avons par ailleurs continué à développer nos différentes agences médias et leur positionnement spécifique. Le couronnement de Semetis en tant que "Digital Agency of the Year" aux IAB Mixx Awards a été un moment fort. Une reconnaissance du travail que Dhan Claes, Managing Director, a accompli avec son équipe au cours des dernières années.

De plus, nos agences ont obtenu la confiance de marques fortes telles que Jaguar Land-Rover, Versuni, LunchGarden et Caudalie.

2023 a aussi été l'année où nous avons analysé nos services data et ad tech. Cette analyse a conduit d'une part au lancement d'Untangled, le département martech de Semetis, et d'autre part à celui de TRKKN sur le marché belge. Fondée à l'origine en Allemagne et acquise par OMG en 2015, cette structure a réussi à émerger comme l'un des meilleurs Google Marketing Platform Resellers en Europe et dans le monde. La demande des annonceurs et des partenaires de disposer de leur propre licence GMP/Google cloud, qui leur permet de gérer leurs first party data, est une étape logique dans leur objectif de maturité digitale. En associant cette licence propriétaire au savoir-faire et à l'expertise d'Untangled, vous obtenez une combinaison qui permet à une entreprise d'offrir une approche centrée sur les données.

L'importance de la maturité et de la propriété des données est un sujet qui préoccupe notre industrie depuis un certain temps. Il en sera de même en 2024.

Quel regard portez-vous sur la "maturité digitale" des entreprises belges ? Est-elle meilleure qu'il y a dix ans, par exemple ?

Je suis convaincu qu’elle a progressé. Je le remarque dans le type de questions que nous posent les clients : elles démontrent que le fait de placer le consommateur au centre et d'interagir de manière pertinente est devenu beaucoup plus important qu'il y a dix ans.

Je constate également que les départements Data et Business Intelligence des entreprises ont de plus en plus de poids dans les conseils d'administration.

Cependant, de nombreuses organisations ont encore un long chemin à parcourir. Je pense à celles qui fonctionnent encore en silos, aux informations qui ne sont pas toujours partagées entre les différents départements, aux départements qui utilisent des sources de données et des CRM différents, etc. Malheureusement, c'est encore la réalité dans beaucoup d'entreprises. Cela oblige les CEO et CMO à courir un marathon avec des chaussures de plomb pour s’adapter à un marché en évolution rapide et répondre aux attentes d’un consommateur exigeant. Pour briser ce cercle, il faut du courage, un engagement à long terme, des investissements et des conseils. 

Personnellement, je crois dans les organisations commerciales qui combinent une vision clairement exprimée et une organisation matricielle où les talents opèrent dans des équipes virtuelles qui transcendent les départements. Pour ce type d'entreprises, les données unifiées sont ce qui les lie. Combinez cela avec une forte culture d'entreprise qui encourage à se projeter dans l’avenir plutôt que de protéger ce qui a déjà été réalisé et vous avez les ingrédients pour une entreprise numérique mature et compétitive.

Je pense que la voie empruntée par Proximus à cet égard est un bon exemple. Elle a pris la décision difficile en 2019 de licencier du personnel en raison de l'évolution numérique et a évolué vers une entreprise qui partage une vision claire avec beaucoup de leadership, où la réflexion interdépartementale est centrale et où les partenariats innovants sont la norme. Je songe au partenariat avec Belfius qui a donné naissance à Beats... Aujourd'hui, Proximus est devenue une entreprise de télécommunications au sens large du terme. Elle a réussi à créer autour d'elle un écosystème orienté client.

Quelles sont les ‘’priorités data’’ qui méritent une attention particulière ?

J’en identifie deux principales pour les marketers et les entreprises. A commencer par le ‘’measurement challenge’’.

La mise en place du DMA (Digital Markets Act), le 6 mars 2024, impliquera que le consentement des utilisateurs ne relèvera plus seulement de la responsabilité de l'annonceur mais aussi de celle des ‘’Gatekeepers’’ (Meta, Alphabet, Amazon, Microsoft, etc.). Ceci combiné à la décision de Google de poursuivre la suppression progressive des cookies tiers sur Chrome implique que les annonceurs doivent se préparer sur deux niveaux : mettre en place une stratégie ‘’first party data’’ - en soi, ce n'est pas nouveau, mais cela s'accompagne désormais d'une échéance claire - et tenir compte  de l'importance accrue du consentement. Sachant que l'absence de consentement du consommateur peut entraîner une réduction de l'enregistrement des conversions et de l'accès aux solutions de ciblage basées sur l'audience.

La seconde priorité relève du défi de la navigation entre des médias fragmentés. Le consommateur est aujourd’hui clairement ‘’au commande’’. Il veut être diverti et informé. Il veut se sentir connecté et participer à des moments en direct comme le championnat européen de foot ou l'Eurovision, à des moments de divertissement comme "The Voice", "The Greatest Dancer", "The Slimste Mens", ou à des "me-moments" via des contenus à la demande, SVOD, AVOD, podcasts, etc. Pour ce faire, il utilise plusieurs médias et plateformes qui répondent le mieux à ses besoins du moment. C'est la réalité à laquelle nos annonceurs sont confrontés chaque jour.

Notre rôle en tant qu'agences médias est de naviguer dans cette complexité avec nos partenaires, agences créatives, éditeurs, régies et tech. Les connaissances acquises grâce au Media Mix Modelling et au Brand Monitoring permettent aux annonceurs de mesurer l'impact.
 
Quel est l'impact de l'IA générative sur votre activité ?

L'IA ne pouvait pas être ignorée en 2023 et je suis convaincu qu'elle ne le sera pas non plus en 2024. De nombreuses discussions portent sur l’emploi et les secteurs qui ont encore un avenir et ceux qui n'en ont plus. Je reste résolument positif à ce sujet.

L'IA nous aide aujourd'hui à gérer des questions complexes. Elle le fait en rendant les données compréhensibles et en prenant en charge les tâches répétitives (l’IA assistée) ou en créant de manière autonome de nouveaux contenus et de nouvelles perspectives (l’IA générative). L'exploitation de l'IA nous permet de consacrer plus de temps à la stratégie et à la créativité, ce qui se traduit par une plus grande valorisation des talents dans notre secteur.

En bref, il s'agit d'une tendance positive pour le secteur et notre profession. Ceci tant que nous continuons à suivre certaines règles de base concernant la qualité et les sources des données.

Au sein d'Omnicom Media Group, nous faisons un usage concret de l'IA. Il s'agit notamment de partenariats avec Omni, notre propre outil de planification et de connaissance de l'audience, avec Microsoft pour ChatGPT et avec Google Cloud pour l'IA générative. L'adoption de cette technologie est essentielle, car elle permet à nos équipes de mieux guider nos clients à travers des réalités complexes. Un exemple est le cas d'Ardennes-étape où l'IA assistée a été utilisée pour prédire l'impact commercial des clients.

Vous avez cité un certain nombre de défis à venir. Comment percevez-vous 2024 ?

J'ai en tout cas confiance et je vois les choses de manière positive. Nos clients sont confrontés à une plus grande complexité et la technologie joue un rôle important pour faire face à cette complexité. Je suis fermement convaincu que la tech ne doit être qu'un moyen ou un outil et que ce sont les collaborateurs de votre entreprise qui feront la différence. En d'autres termes, que vous soyez une agence, un annonceur ou un éditeur, utilisez la technologie à votre disposition, mais ne sous-estimez jamais l'impact du talent au sein de votre entreprise. Ce sont eux qui remarqueront les tendances et auront la créativité nécessaire pour les anticiper.

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