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From lovebrand to wellbrand, par Stéphane Buisseret et Eric Hollander (Air)

Lundi 5 Décembre 2022

From lovebrand to wellbrand, par Stéphane Buisseret et Eric Hollander (Air)

En 2004, il y a presque 20 ans, Kevin Roberts, alors CEO de Saatchi & Saatchi, signait un bouquin de marketing très remarqué : "Lovemarks : the Future Beyond Brands". Pour résumer brièvement, Roberts y expliquait que pour faire face à la banalisation et à l’uniformisation d’offres et de produits souvent interchangeables, les marques devaient susciter un attachement et une fidélité "au-delà de la raison". Elles devaient devenir des "lovebrands". Pour Roberts, cette relation quasi-amoureuse avec la marque se construisait sur trois piliers : le mystère, la sensualité et l’intimité. 

On ose à peine poursuivre l’explication, tant elle semble désormais inadaptée aux nouvelles réalités.

Pour faire mieux que survivre aux changements de paradigmes qui caractérisent l’époque, nous croyons davantage aux "wellbrands" qu’aux "lovebrands" (les deux concepts ont d’ailleurs un point commun : ils  gagnent à ne pas être traduits).  

Une wellbrand, c’est une marque consciente des enjeux actuels, mais de tous les enjeux. Elle conjugue les impératifs de la sustainability et ceux du wellness. En clair et en français, elle œuvre à la fois pour le bien commun, l’avenir de la planète et de ses habitants, mais aussi pour le bien-être de chaque individu ici et maintenant, postulant que ces notions ne sont pas incompatibles. 

Mieux : comme l’expliquait Rodney Collins (EVP Global Head of Human Sciences, McCann Worldgroup) le 10 novembre dernier lors de sa conférence "The Truth about Well World" (ou comment humaniser la sustainability pour accélérer le changement de comportement), elles doivent absolument être réconciliées, sans quoi les changements de comportements exigés par l’urgence climatique, les pandémies et la crise énergétique seront tout simplement inatteignables. 

Il n’y a pas la planète d’un côté et les gens de l’autre. Il faut cesser de séparer la durabilité de la vie. 

Aujourd’hui, tout le monde ou presque a compris que l’urgence climatique est la première à adresser. Pas la seule, mais la première. Mais on sait aussi qu’il ne suffit pas de comprendre pour agir. C’est vrai pour les gens, c’est vrai pour les entreprises. Les uns comme les autres ne savent pas très bien par où commencer. C’est peut-être parce que nous en parlons mal. 

Rodney Collins a procédé à un audit linguistique des engagements et des annonces en matière de durabilité des 100 plus grandes entreprises du monde. Le résultat ci-dessous est édifiant. Il faut une loupe pour y trouver les mots "people", "humans" ou "citizens".  Ce n’est pas un hasard. La durabilité, c’est de la science et des datas, indispensables pour relever les défis de l’époque et du futur. Elles en ont forgé la sémantique, éclipsant les humains qui sont pourtant au centre du problème.
Résultat : quand les gens pensent durabilité, ils pensent avant tout à "sauver la planète". Collins l’explique : « L’environnement est souvent considéré comme distinct de nous et nous permet de nous dissocier de la question de la durabilité. » Ils ne réalisent pas que la durabilité, c’est eux, c’est nous, c’est l’humanité. Comme le dit Thibaut Georgin de manière provocante : « Il faut arrêter de vouloir sauver la planète, elle se débrouillera toujours bien sans nous. Ce sont les humains qu’il faut sauver, et principalement d’eux-mêmes ».

Il ne faut pas seulement rendre la transition supportable. Il faut aussi la rendre désirable.

La lovebrand voulait un consommateur amoureux. 
La wellbrand n’a pas cette prétention. Elle veut contribuer à ce que ses clients soient épanouis et aussi satisfaits que possible dans leur existence, sans jamais nuire à celle des générations futures. 

Cela requiert de l’imagination et de la créativité en termes de produits et de services pour augmenter leur bien-être, et une rigueur nouvelle en termes de production pour préserver leur avenir. 

Mais la wellbrand a une conscience de ses responsabilités plus larges que la lovebrand. 

Il lui revient donc d’innover aussi dans le récit, de faire rimer désirabilité et durabilité, d’oser affirmer - sans naïveté - que moins d’avoir, c’est aussi plus d’être et de bien-être. Sa communication peut inspirer de nouveaux comportements, de nouvelles représentation plus conformes aux réalités de la société en termes de genres, d’inclusion ou de diversité. 

Enfin, à l’interne, la wellbrand doit réinventer ses KPI. C’est d’ailleurs une des clés pour aligner les collaborateurs des marques purpose driven.  Comme nous le faisons dans la communauté des entreprises certifiées B-Corp, la wellbrand doit s’efforcer de redéfinir la notion de succès et ses indicateurs les plus essentiels. 

Et croyez-nous : c’est un vrai changement de logiciel de passer de « Nous voulons être les meilleurs du monde » à « Nous voulons être les meilleurs pour le monde ». Mais nous en témoignons, c’est un changement terriblement excitant !

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