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CANNES LIONS 2019

J'y vais pour l'expérience (de marque), par Frederik Braem (Brightfish)

Jeudi 1 Août 2019

J'y vais pour l'expérience (de marque), par Frederik Braem (Brightfish)

Pour être au courant de ce qui se passe et se dit à Cannes, plus besoin de s’envoler vers le Midi. Le site Internet des Cannes Lions est très complet, les archives sont accessibles (pas gratuitement, certes) et même un certain nombre de séminaires peuvent être suivis en ligne grâce au Digital Pass proposé par le Festival (que personne n’ose encore affirmer que Cannes n’évolue pas !).

Alors, pourquoi encore réserver des billets d’avion ? Pour le fameux rosé ? Ou pour pouvoir humer en personne l’eau de Cologne de Jeff Goldblum ?

Bien sûr que non. Si l’on se rend à Cannes, c’est pour réaliser l’épreuve de vérité en matière de créativité : dans une salle obscure et climatisée, entouré de créatifs et marketers critiques.

Je passe le plus clair de mon temps cannois à suivre des séminaires. Des journées entières consacrées à écouter des exposés sur la stratégie, des études de cas et les technologies. Cela permet de développer un "bullshit meter" d’une grande précision : la présence d’autres personnes dans la salle fait que l’on peut évaluer en temps réel les propos qui sont tenus par l’intervenant. Quand celui-ci débite des inepties, cela se traduit par des réactions tièdes ou des soupirs collectifs, et c’est tant mieux. Dans le meilleur des cas, cela crée des liens ; sinon, cela fait au moins réfléchir aux raisons pour lesquelles on est d’accord avec l’orateur alors que le reste de l’auditoire est agacé. 

Assister en groupe à un séminaire décuple aussi les émotions, écrivais-je il y a quelques années dans ces colonnes à propos de la présentation de Tilt Brush, pendant laquelle l’animateur de "La Petite Sirène" avait dessiné sa création en 3D, accompagné de la musique du film. Toute la salle était subjuguée. De retour en Belgique, il m’a été impossible d’expliquer ce que j’avais ressenti. Il fallait être là, et c’est exactement le conseil que les annonceurs et les créatifs devraient accrocher dans un cadre au-dessus de leur lit : assurez-vous que votre public soit présent. Procurez-lui une expérience dans laquelle il pourra s’immerger. 

L’immersion, voilà un thème très discuté cette année au Palais. S’agit-il d’une promo pas très subtile pour Brightfish et le cinéma, le plus beau média du monde ? Pas tout à fait, car il me faudrait alors aborder nos (nombreux) points de contact, et cela nous mènerait trop loin. 

C’est un fait : l’immersion et l’expérience client occupent une place de plus en plus haute dans la liste des priorités des annonceurs. Ainsi, le duo plutôt insolite formé par Skoda et Mariott Hotels est venu expliquer pourquoi l’UX ne cesse de gagner en importance dans leurs domaines respectifs. Pour les hôtels, c’est évident, mais cela l’est également pour Skoda : du showroom à l’événement VIP (Skoda est presque marié au Tour de France), leurs clients attachent de plus en plus d’importance à l’expérience, car ils veulent se sentir eux-mêmes en union d’âme avec les marques.

Une marque que le Tout-Cannes semble épouser chaque année est le Saatchi & Saatchi New Directors Showcase (rebaptisé cette année New Creators Showcase parce qu’il faut bien, vous savez, de temps en temps…). Il a lieu juste au milieu du festival, et propose lui aussi une véritable brand experience, où l’agence publicitaire devient la marque. Comme chaque année, c’est à nouveau Kate Stanner, Global Creative Director, qui a officié comme responsable commerciale. Le produit : plus d’une heure des meilleurs contenus créatifs réalisés par de jeunes réalisateurs... pardon, créateurs.

Cette année, l’entretien de vente a été décevant - jamais vu une Stanner aussi peu enthousiasmante - et le produit présentait toutes sortes de vices : contenus sans intérêt, déprimants, trop longs… Résultat : une expérience de marque qui n’a séduit personne (j’aimerais utiliser le terme "shit show", mais je crains qu’il ne passe pas la censure).

La déconvenue a été générale et la salle s’est vidée plus rapidement qu’elle ne s’était remplie. Après quelques applaudissements polis. Maintenant que notre love brand semble en danger, nous attendons la prochaine édition des Cannes Lions avec une certaine appréhension. En tout cas, cela prouve que l’expérience est une source d’émotions, un constat qui devrait inciter à miser plus que jamais sur cet aspect.
 

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