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CANNES LIONS 2019

Un état des lieux, par Frederik Braem (Brightfish)

Lundi 29 Juillet 2019

Un état des lieux, par Frederik Braem (Brightfish)

Après la décision de Publicis en 2017 de se retirer des prix créatifs pendant un an, qui avait fait l’effet d’une bombe, l’organisation des Cannes Lions a dû faire face à une mission quasi impossible : comment convertir cet événement qui semblait taillé dans le granit (rappelons que le festival existe depuis 1954 et que le premier ajout d’une nouvelle catégorie, print, n’a eu lieu qu’en 1992) en un rendez-vous publicitaire à la page, pertinent et surtout crédible ?

Diverses mesures ont été prises entre-temps : réforme du management, baisse des coûts d’inscription (qui restent toutefois élevés), réduction du nombre de catégories… Mais les premiers résultats tangibles se font attendre.

Le nombre de participants n’a pas augmenté, bien au contraire, et le nombre de campagnes en lice n’a pas non plus explosé. Et pourtant, des changements subtils, mais fondamentaux, sont déjà à l’œuvre : depuis quelques années, le festival joue à fond la carte de la pertinence sociale, une approche qui pourrait bien lui garantir la pérennité.

La créativité pour la bonne cause est devenue un thème récurrent qui permet en outre d’engranger un bon nombre de Lions. Mais c’était jusque-là toujours en rapport à des campagnes créatives concrètes. Cela fait des années que les ONG et autres associations caritatives récoltent des trophées et des louanges à Cannes.

Depuis l’année dernière, les problèmes de société font l’objet de débats plus larges, sans qu’ils soient liés directement à un annonceur concret. Cannes se transforme de plus en plus en un concentré de questions planétaires : thèmes politiques, LGBT, environnement… Le festival se convertit en forum pour penseurs critiques et, vu le jeune âge et l’enthousiasme des participants, ce n’est certainement pas une mauvaise idée. Les organisateurs ont même cessé la distribution massive de bouteilles d’eau en plastique : tout le monde a reçu une jolie gourde et ceux qui préféraient se servir dans le réfrigérateur y trouvaient de l’eau en brique. Les progrès sont lents, mais ils sont réels.

Outre les frais d’inscription excessifs et le caractère élitiste du festival, une autre critique majeure formulée à l’encontre des Cannes Lions était le sens unilatéral des conversations (certains parlaient carrément de "nombrilisme"), mais là aussi des améliorations ont été apportées. L’interactivité et les Q&A ont fait leur apparition, l’année dernière au compte-gouttes et cette année à flots. Grâce à un partenariat avec Slido, chaque séminaire s’est achevé par un certain nombre de questions du public, souvent assez critiques. Bravo ! Le seul moment où les critiques n’ont pas été traitées sérieusement a été l’interview de Sheryl Sandberg, COO de Facebook. On pouvait s’attendre à mieux de la part d’un modérateur travaillant pour Bloomberg…

Cannes œuvre à son renouveau, cela ne fait aucun doute, même si personne ne sait ce que cela va donner. Espérons que le nombre de délégués se mettra de nouveau à augmenter et que Cannes retrouvera son élan d’antan, l’arrogance en moins. En tout cas, l’orateur qui a ouvert le festival cette année n’était pas du tout un inconnu, puisqu’il s’agissait de Nick Law, CCO du Publicis Groupe (il a depuis annoncé son départ pour Apple), confirmant le retour du groupe français par la grande porte. Son CEO, Arthur Sadoun en personne, est même venu modérer une interview de Jean-Michel Jarre. Oui, le Festival essaie de trouver un nouvel élan, pas à pas, mais certaines choses ne changeront jamais.
 

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