Ces dernières années, les compétitions d'esport ont connu une nette évolution dans notre pays. Les simples variantes électroniques de disciplines sportives classiques ont débouché sur un écosystème mature dont la popularité va croissant. Soucieux de passer à la vitesse supérieure, l'esport se tourne désormais vers les marques.
L'esport est également parti à la conquête de notre pays. Même si la Belgique accuse ici un certain retard, les chiffres sont assez impressionnants. Ainsi, lors des UBA Marketing & Esports Discovery Days, Steven Leunens, copropriétaire de META, une agence spécialisée dans les événements, le marketing et la communication liés aux jeux vidéo et à l'esport, a indiqué que la Belgique comptait actuellement un million de fans de l'esport (16+). « Si ce phénomène touche beaucoup de gens, cela reste tout un art de séduire les adeptes, car le public de l'e-sport se répartit entre différents jeux. »
Steven Leunes met d'emblée le doigt sur la plaie. Malgré la popularité croissante des compétitions de haut niveau, l'esport véhicule une image quelque peu insolite. Ses critiques ont vite fait d'y voir de simples jeux et non du sport, mais surtout, les marketers intéressés ont parfois du mal à se familiariser avec cet univers mi-sportif, mi-ludique. Si l'on peut se féliciter que les fédérations sportives aient fait leurs premiers pas dans le monde de l'esport en raison de la crise sanitaire, force est de constater que cet écosystème reste encore globalement méconnu. La définition en soi pose déjà problème. On peut décrire le sport électronique comme la version numérique du vrai sport de haut niveau. À la différence près que, dans l'esport, on a affaire à des jeux informatiques, joués par des équipes dans un environnement virtuel, mais comptant aussi ses tournois, cagnottes, sponsors, etc.
« En fait, on trouve 36 définitions différentes », observe Steven Leunens. « L'important est de souligner que l'esport a aussi ses vrais fans. Personnellement, je joue au foot depuis mon enfance, et c'est comme cela que je suis devenu un fan de la discipline. Je m'identifie aux équipes que je soutiens. D'ici 10 ans, les jeunes qui s'adonnent aujourd'hui aux sports électroniques seront eux aussi devenus des supporters. C'est pourquoi ce phénomène va perdurer. » En confrontant cette prévision aux chiffres, on se rend compte que le potentiel est énorme. En plus du million de fans belges actuels, notre pays compte 6,38 millions de gamers, soit près de 68% de la population. À l'échelle mondiale, on recense quelque 2,5 milliards de passionnés de jeux vidéos. « Ces six millions de joueurs belges appartiennent à toutes les couches de la population. Des jeunes équipés d'une console aux personnes d'âge mûr qui jouent à des jeux d'entraînement cérébral. Cet engouement explique la croissance à deux chiffres enregistrée chaque année par l'esport. »
Les éditeurs de jeux entrent en lice
Mais revenons aux contours de l'écosystème de l'esport. Pour comprendre le système, le mieux est de partir de sa composante la plus facilement identifiable : les équipes. À bien des égards, elles sont comparables aux grandes équipes sportives (traditionnelles). Leur approche est très professionnalisée : en plus des entraîneurs, elles font appel à des nutritionnistes, des psychologues ou encore des spécialistes des réseaux sociaux ; elles participent à des compétitions gérées par un organisateur, qui les conçoit et en fait souvent de véritables événements qui ont lieu dans un stade occupé par des milliers de spectateurs.
Là aussi, on est proche du sport traditionnel, mais Steven Leunens souligne une différence de taille : « Personne n'est propriétaire du foot, du basket ou du volley. En revanche, dans le cas des compétitions d'esport, il faut tenir compte d'un acteur supplémentaire : le développeur du jeu. Celui-ci joue parfois un rôle déterminant. » Ainsi, le développeur de la populaire League of Legends est très impliqué et tente de contrôler l'ensemble de l'écosystème. D'autres développeurs lâchent prise après la sortie de leur jeu et laissent une certaine marge de liberté aux organisateurs.
Twitch et les streamers
La comparaison avec l'écosystème traditionnel vaut certainement en ce qui concerne la diffusion. L'esport attire de nombreux spectateurs sur YouTube ou Facebook, mais le rôle de Twitch est crucial. Ce service gratuit, détenu par Amazon depuis 2014, permet de suivre les compétitions en direct. Twitch est également très populaire en Belgique avec un million de comptes. Les fans d'esport ne se contentent pas de regarder les retransmissions des grands tournois, ils aiment tout autant suivre les streamers : « Ne les sous-estimez pas », prévient Steven Leunens. « Ils constituent un chaînon important de l'écosystème, car ils permettent de toucher un large public. » Avec les équipes, les compétitions, les organisateurs et les développeurs de jeux, les diffuseurs et les streamers forment un écosystème d'esport typique, même si cette configuration peut varier. « On trouve ces éléments, à l'exception de la diffusion, dans de nombreux jeux. Mais chaque esport présente un écosystème particulier. Quiconque s'intéresse à FIFA, par exemple, devra se pencher sur l'approche de son éditeur EA Sports s'il veut comprendre la plateforme, le public, les caractéristiques démographiques, etc. »
Interactions avec les médias traditionnels
Malgré l'écosystème typique du sport électronique, il est frappant de constater que ses interactions avec les médias traditionnels se sont accrues au fil des ans. En 2019, par exemple, le Championnat du monde Fortnite a largement été relayé par les médias, et les canaux Sporza et MNM de la VRT ont organisé pour la première fois leur esports cup pour FIFA et Rocket League. Cet intérêt n'a rien d'étrange quand on sait que l'année dernière, l'événement a attiré 1,3 million de téléspectateurs sur Twitch (2 millions si l'on compte ceux sur YouTube). Ce résultat a de quoi faire pâlir de jalousie les chaînes de télévision classiques.
On peut comprendre l'intérêt de Sporza pour FIFA et pour Rocket League en raison de son ADN sportif. C'est différent dans le cas de Proximus, qui a pourtant lancé l'année dernière une compétition belge d'esport, et est même encore allé plus loin. En plus de la Proximus ePro League pour FIFA, les amateurs belges peuvent également suivre l'ESL-Proximus Championship pour les jeux de Counterstrike Global Offensive (CS:GO) et League of Legends (LoL). Avec FIFA, ces deux derniers sont les esports les plus populaires en Belgique. Les finales des premières compétitions ont eu lieu l'année dernière au Dôme de Charleroi. Elles n'ont pas seulement été diffusées sur Twitch, mais ont pu aussi être suivies en direct sur le canal 12 par les abonnés de Proximus. Cette année, l'opérateur a renforcé son emprise sur le paysage des sports électroniques en Belgique grâce à une série de deals stratégiques. Il a signé un accord avec la chaîne internationale eSportsOne et a conclu un partenariat exclusif avec META pour la BK League of Legends. Les deux événements peuvent être suivis sur Proximus Pickx. En outre, les partenariats pour l'ESL Benelux Proximus Championship CS:Go et l'ePro League FIFA seront également maintenus. À partir de cette saison, la ligue sera diffusée sur les chaînes d'Eleven Pro League.
L'important n'est pas de gagner, mais de regarder
Cette interconnexion croissante présente toutefois un talon d'Achille. Pourquoi les fans devraient-ils troquer Twitch, avec sa fonction de chat et ses longs streams, contre des émissions TV plus courtes ? Proximus contribue bien sûr à ouvrir la porte à un public plus large, mais est-ce suffisant pour faire de l'esport un véritable succès médiatique ? Tout dépendra sans doute des contenus ou plus précisément des formats qui seront proposés à la télévision. S'il faut s'y atteler sérieusement à l'avenir, on assiste dès aujourd'hui à des expériences intéressantes. Dans l'émission "Be the next caster", un format web en quatre parties, Proximus recherche depuis fin novembre un commentateur néerlandophone pour les compétitions locales sur les chaînes de Pickx. Ce type de formule devrait convaincre un plus grand nombre de spectateurs intéressés de faire le pas.
Pas seulement pour les ados
Dans les années à venir, une plus grande audience peut également devenir un atout non négligeable pour l'esport s'il veut accroître l'intérêt et les budgets de sponsoring des marques. Cela dit, le secteur n'a pas attendu pour mettre en jeu des moyens conséquents. Ainsi, un événement de premier plan tel que The International (DOTA 2) présentait une cagnotte de plus de 30 millions d'euros en 2019. Il faut dire que de nombreux tournois ont, ces dernières années, augmenté leur budget grâce notamment au crowdfunding. Le marché publicitaire peut donc certainement offrir de nouvelles possibilités de financement. D'autant plus que les annonceurs y voient un levier intéressant pour toucher les Millennials. Car l'esport est loin de susciter l'enthousiasme des seuls ados qui s'adonnent à leur passion dans le grenier de la maison parentale. La plupart des études montrent au contraire que l'intérêt pour ce phénomène est réparti de façon équilibrée entre les 16-24, les 25-34 et les plus de 34 ans.
Marketing à tous les niveaux
Les marques qui veulent intégrer les sports électroniques à leur stratégie marketing s'aventurent souvent sur un terrain très peu familier. La première question à régler est le choix du jeu. Or, il n'est pas évident de déterminer quel jeu populaire cadre bien avec les valeurs de la marque. Tout d'abord, parce que l'interprétation du terme "populaire" peut varier considérablement. Lors des UBA Marketing & Esports Discovery Days, l'expert Stijn Jacobs (Okuden) a montré la différence entre les préférences de la population générale et des gamers, d'un côté, et celles des amateurs d'esport, de l'autre. Ces derniers privilégient des jeux déjà mentionnés tels que CS:GO et League of Legends, ainsi que Grand Theft Auto V. Mais chez les gamers (et la population en général), les classiques comme Mario Kart, The Sims et FIFA arrivent en tête. D'où l'importance pour les marketers de bien faire la distinction entre jeux vidéos et esport. Ils pourront ensuite prendre des initiatives à presque tous les niveaux de l'écosystème.
Par analogie avec le sport traditionnel, les marques sont souvent intéressées par le sponsoring d'une équipe. Il s'agit d'une politique ayant un impact à long terme et permettant de développer la notoriété de la marque auprès d'une foule de fans fidèles. Les équipes participent à des tournois qu'il est également possible de sponsoriser. Voilà une très bonne solution pour les entreprises qui souhaitent s'associer à l'esport au niveau local. Peuvent-elles également organiser et/ou diffuser elles-mêmes un tournoi ou une compétition ? « C'est tout à fait possible, à condition de très bien connaître l'écosystème et d'être familiarisé avec les parties prenantes et le franchising. Cela demande donc une solide préparation. Une entreprise qui n'en a pas les moyens ferait mieux de s'abstenir. Le streaming est alors une option plus accessible. En principe, tout le monde, qu'il s'agisse d'une marque ou d'un individu, peut le faire. Mais même dans ce cas, il faut un certain feeling pour comprendre les règles écrites et tacites. » En d'autres termes, son conseil aux marques qui souhaitent se lancer est le suivant : commencez au bon niveau. Vous pouvez faire vos premiers pas facilement et à peu de frais, par exemple en plaçant une bannière sur Twitch ou YouTube. Cependant, les fans d'esport ayant la réputation d'être critiques, assurez-vous d'investir suffisamment dans la qualité des annonces.
Si vous cherchez à faire vos premiers pas dans le domaine du streaming, il peut également être intéressant de collaborer avec un esportif de haut niveau. L'audience sera sans doute plus faible, mais elle consistera généralement en des fans très fidèles.
Explorez les connexions
Pour finir, soulignons l'importance de ne pas considérer le marketing esport de façon isolée, quel que soit le degré de ramification de l'écosystème. Stijn Jacobs souligne que les esportifs sont très actifs sur Facebook et YouTube, et ce, dans une bien plus large mesure que les gamers en général. « Comparée aux Pays-Bas ou à la France, la Belgique est un pays traditionnel sur ce point. Les adeptes d'esport fréquentent les réseaux classiques : Facebook, YouTube, Instagram, Twitter, WhatsApp, Snapchat, Reddit et aussi LinkedIn. Ils sont clairement multiconnectés, et c'est un sérieux avantage pour les marques. »
Concluons par un dernier point positif : les esportifs sont tout à fait conscients que les marques seront de plus en plus nombreuses à investir le terrain dans les prochaines années. « Mais, là aussi, on constate qu'ils ont des attentes très spécifiques. Si tout le monde pense spontanément à Red Bull, les amateurs de sports électroniques attendent toutefois aussi des initiatives de la part d'acteurs moins connus comme SteelSeries, Nvidia et Logitech. Tout comme les grands acteurs FMCG, les banques, les clubs de foot, l'automobile et l'électronique déjà associés au phénomène, on constate que les nouveaux venus vont surtout se laisser séduire par l'esport en raison de la cible des Millennials et du potentiel d'engagement et de storytelling inhérent au sport, et donc aussi à sa version électronique. »
Comment Audi mise sur l’esport pour rajeunir son public
En 2018, la moyenne d'âge des propriétaires d'Audi était de 51 ans en Belgique. Voilà qui n'était pas pour rassurer la marque quant à son avenir. D'où sa résolution de partir à la conquête d'un public plus jeune. Dans cette nouvelle stratégie, un rôle clé est dévolu à l'esport.
Avant d'entrer de plain-pied dans le monde de l'esport, Audi a pris le temps de se préparer soigneusement en tâtant le terrain. Stef Sleurs, Marketing & Communication Manager, a longuement insisté sur l'importance de cette exploration préliminaire lors des UBA Marketing & Esports Discovery Days. « C'est le principal message que je souhaite transmettre aux marketers qui envisagent la piste de l'esport : familiarisez-vous à fond avec cet univers, et de préférence avant d'y mettre les pieds. On ne peut pas exagérer sur ce point. Il s'agit d'un monde complexe que l'on aura bien du mal à intégrer sans en comprendre tous les rouages. » Il admet qu'il n'est pas facile de se familiariser rapidement avec un monde que l'on ne connaît que de manière floue. Selon lui, il faut passer beaucoup de temps à regarder, mais aussi à lire. « Un bon début est de s'inscrire sur Twitch pour observer ce qui s'y passe. Consultez également des sources fiables pour suivre les évolutions de l'industrie et de la communauté de l'esport. Je pense notamment à The Esports Observer sur LinkedIn, à la plateforme dédiée de Proximus ou à un site comme Esportinsinder.com, où vous pourrez aussi apprendre beaucoup en tant que non-initié. »
Soucieux de s'entourer de spécialistes, Audi a engagé un partenariat avec META. « L'esport est une spécialité à part entière en marketing. Si, comme dans notre cas, votre équipe ne dispose pas de ces connaissances, le mieux est de faire appel à un partenaire flexible, qui comprend votre démarche. Cela nous a permis de déterminer la manière d'intégrer notre marque aux différents niveaux de l'esport. » Audi Belgium a également pu s'appuyer sur l'expérience internationale du groupe en la matière. En effet, depuis 2016, Audi Global sponsorise des équipes au Danemark et en Australie. Bien que de haut niveau, elles n'ont pas nécessité de budget mirobolant. « Ce n'est vraiment pas comparable aux budgets qu'Audi AG injecte dans d'autres activités de sponsoring, pour le Bayern Munich par exemple. » Au bout de deux ans, Audi Global s'est rendu compte qu'il avait réussi à tisser des liens étroits avec l'esport. Une étude menée en 2018 dans 11 pays a révélé un engagement de 19%. Autrement dit, la marque était déjà plus souvent associée à l'esport qu'au golf ou au rugby, des disciplines où elle est pourtant active depuis beaucoup plus longtemps. « En un rien de temps, l'esport est devenu un moyen efficace de toucher nos clients et prospects », se félicite Stef Sleurs.
Susciter l'enthousiasme en interne
L'expérience acquise par Audi Global a constitué un excellent tremplin pour les initiatives qu'Audi Belgium a ensuite développées à partir de 2018. Stef Sleurs souligne l'importance d'obtenir l'adhésion des collaborateurs et de convertir certains d'entre eux en "sponsors" internes pour susciter l'enthousiasme à tous les échelons de l'entreprise. « Nous avons veillé à ce que l'esport devienne un sujet de discussion régulier. Pas seulement au sein du service marketing ou entre les collaborateurs dédiés, mais vraiment à tous les niveaux. Au lieu de jouer au bowling pour renforcer l'esprit d'équipe, nous sommes allés essayer des simulateurs de course à Waterloo, une activité de team building qui a eu un énorme succès.
Même les personnes a priori peu intéressées par le phénomène ont succombé aux charmes de l'esport. Nous voulons poursuivre dans cette voie en installant des consoles pour jouer à Gran Turismo et Mario Kart ; nous envisageons même d'organiser une compétition entre les marques de Dieteren. » Pour l'activation interne, Audi a également repris l'initiative d'Audi Global de construire en vrai une voiture virtuelle du jeu Gran Turismo et de l'envoyer en tournée. « La voiture n'a pas encore circulé sur les routes belges, mais nous l'avons utilisée pour activer le sport électronique sur nos sites. Il est très important que l'on en parle au sein de l'entreprise, car les salariés sont les premiers ambassadeurs de la stratégie marketing. »
Ne pas céder à une mode
Une fois l'enthousiasme suscité en interne, Audi a élaboré en détail sa stratégie. Pas question pour la marque de céder à une mode ou de simplement "faire comme les autres". L'esport s'inscrit dans un objectif marketing plus vaste : rajeunir le public d'Audi. Lorsque l'entreprise a présenté sa stratégie marketing mondiale en 2018, l'âge moyen des propriétaires d'une Audi en Belgique était de 51 ans. Un constat qui ne présageait rien de bon pour l'avenir, et c'est pourquoi les nouveaux modèles avaient déjà commencé à adopter un design plus jeune et plus dynamique. « Nous nous sommes vite rendu compte que l'esport pouvait convaincre les jeunes de s'intéresser à notre marque.
L'utilisation des médias est en pleine mutation, les canaux classiques deviennent moins pertinents ; les jeunes sont particulièrement intéressés par l'esport et les jeux vidéo. Nous y avons vu une opportunité de déployer nos activités dans un environnement en croissance, qui ne nécessite pas encore les mêmes budgets de sponsoring que pour les événements sportifs non virtuels, mais cela pourrait évoluer dans ce sens. » Audi voulait toucher un public féru de technologies, disposant de moyens importants et hyperconnecté.
Sleurs souligne toutefois que ce n'est pas la seule raison qui a incité son entreprise à investir dans l'esport. Ce dernier cadrait en effet aussi parfaitement avec son ADN. « L'esport est synonyme de dynamisme et de performance. Il nécessite de la concentration et un grand souci du détail. Tout cela correspond parfaitement à l'image que nous avons de nos voitures. »
Focus sur les plateformes et les événements
Comme il s'est avéré bien vite que l'esport pouvait être abordé de différentes façons en raison de son écosystème très varié, l'entreprise a pris le temps de déterminer le bon angle d'approche. « Il y a plusieurs façons de s'y prendre. Cela demande une analyse patiente, et l'on ne doit pas non plus avoir peur de commettre certaines erreurs. Dans notre cas, cela s'est plutôt bien passé, même si quelques déceptions sont inévitables. » Audi a décidé de se concentrer non pas sur les joueurs et les équipes, mais sur les plateformes et les événements : ceux-ci ne peuvent pas perdre, ne font pas de bêtises et ne génèrent pas de publicité négative. Ainsi, Audi a sponsorisé ou soutenu la MNM Sporza Esports Cup, les Gameforce Masters, la Belgian League et la College League. « Jusqu'ici, nous n'avons pas misé sur des équipes ou des joueurs, mais il n'est pas exclu que nous le fassions un jour. Il s'agit de trouver le bon équilibre, et il faut pour cela dénicher la bonne équipe et les bons joueurs. »
L'un des exemples les plus flagrants de l'engagement d'Audi a été le GameForce Masters 2019, un tournoi qui réunit le gratin de l'esport au Benelux. Il a transposé l'esport dans un cadre physique en organisant une compétition de Rocket League dans une Audi Arena avec des voitures télécommandées. « Cette initiative et d'autres ont renforcé la notoriété de notre marque. Une étude menée par Profacts a montré que, lors du GameForce, nous avons obtenu une notoriété totale de 77%, surpassant toutes les autres marques. Et ce, pas seulement à cause de l'Audi Arena, mais aussi grâce à quelques extras très simples : une Audi A1 habillée aux couleurs du jeu ou un parking Audi à l'extérieur du Nekkerhal de Malines où le tournoi avait lieu. Comme quoi, ce n'est pas toujours nécessaire d'avoir une équipe ou d'être dans le jeu. »
Content is king
La présence sur les plateformes et aux événements a constitué un premier niveau de participation. Le deuxième niveau est celui du contenu. « En plus du contenu sur nos voitures, l'esport s'est avéré être un thème à même de captiver aussi bien la communauté que nos clients et prospects. D'autant plus que ce dernier groupe est difficile à toucher au travers des médias classiques. Le contenu montre votre engagement et augmente votre crédibilité. S'aventurer dans l'esport en créant du contenu est très naturel et tout simplement indispensable. »
Les initiatives d'Audi dans le domaine de l'esport se concentrent bien entendu sur cette nouvelle cible plus jeune. Cependant, les chiffres que nous citons ailleurs dans ce dossier montrent que les jeunes ne sont certainement pas les seuls à être friands d'esport. La marque tente-t-elle aussi de mettre ses fans actuels en contact avec cette réalité ? « Ce type d'activation est pour moi un troisième niveau de participation. Je pense notamment à une arène durant l'Anderlecht Fan Day. C'est un bon moyen d'impliquer les fans. On comble ainsi le fossé entre ce qu'ils savent déjà et ce qu'ils ignorent encore à propos de notre entreprise. »
Audi a également fait des efforts pour intégrer son sponsoring de l'esport aux autres activités marketing. Stef Sleurs l'illustre à l'aide d'une autre initiative d'Audi Global. En tant que sponsor de compétitions automobiles, le groupe a mis en place une activation lors du championnat DTM 2019 à Zolder, par exemple, avec un stand de jeux de course pour les visiteurs. Et il n'a pas hésité à sortir de sa zone de confort. Dans le modèle commercial de chaque marque de voiture, le réseau de concessionnaires constitue un maillon essentiel. Pourquoi ne pas installer une arène de jeu dans un showroom ? C'est ainsi qu'Audi a développé l'Audi Dealer Tour, qui a malheureusement dû être annulé à cause du Covid-19. « C'est vraiment dommage. L'idée était d'associer étroitement les concessionnaires à cette aventure. Ils se montraient peu convaincus de l'intérêt de l'esport en tant que nouveau moyen d'attirer les gens dans leurs showrooms. C'est pourquoi nous avions opté pour la simplicité, avec des jeux accessibles comme Mario Kart et Gran Turismo. »
Patience avec les chiffres
Deux ans après s'être lancé dans l'esport, Audi Belgium se dit plutôt satisfait des résultats. Le soutien apporté à la Belgian League, en particulier, a permis de toucher un vaste public. Le printemps et l'été derniers, la compétition a enregistré 415.000 visiteurs uniques qui ont vu les pubs Audi pendant 23 jours de streaming. « Ce n'est pas mal comparé aux autres investissements médias. Pour la College League, nous avons également intégré de la publicité sur nos voitures et imprimé des logos sur les T-shirts. L'audience est plus faible, avec près de 40.000 visiteurs en une journée de streaming, mais elle est significative car ce groupe cible n'est pas touché par nos autres investissements médias. »
Stef Sleurs évoque également les chiffres de la plateforme Esporza, propulsée par Audi. Elle compte plus de 10.000 utilisateurs enregistrés, dont l'âge moyen est de 27 ans. Or, c'est précisément ce groupe d'âge (les 18-35 ans) qu'Audi voulait toucher en priorité. « Cela prouve que nous avons fait le bon choix. Par ailleurs, on sait qu'il faut être patient pour voir les résultats. Nous sommes heureux de ce que cette aventure nous a apportés jusqu'à présent. Nous avons surtout appris qu'il faut constamment se tenir au courant et rester en mode découverte. Nous voulons encore aller plus loin, par exemple dans le domaine du contenu, et continuer patiemment à construire notre stratégie. Le retour sur investissement de l'esport ne s'obtient pas en un jour. Il faut lui permettre de se développer. »