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Une marque sans voix personnalisée, c'est comme une marque sans logo

Mercredi 16 Octobre 2019

Une marque sans voix personnalisée, c'est comme une marque sans logo

Avec l'intérêt grandissant des smart speakers par la population belge s'en suit une multiplication d'annonceurs se lançant dans le développement d'applications vocales. Les marques doivent cependant réussir à faire transparaitre leurs valeurs et leur univers dans ce nouvel écosystème. Au-delà des mots et des sons, l'élément crucial permettant d'immerger le consommateur dans l'environnement de la marque, réside dans le type de voix utilisée. 

Aujourd'hui déjà 12% des Belges possèdent un smart speaker et d'ici 2020, 30% de la population en sera équipée (source : Wavemaker Voice Marketing Survey). Sachant que généralement nous suivons la tendance américaine avec quelques années de retard, il est également intéressant d'analyser leurs prévisions : en 2020, 75% des ménages seront équipés d'un smart speaker et en 2021, 94% des plus grandes sociétés compteront sur l'automatisation des services vocaux tant pour la vente que pour le service clientèle (source : SoundHoud Inc.). 
La multiplication des interfaces vocales et le nombre de marques présentent sur celles-ci s'accompagnent d'une question cruciale pour toute entreprise : comment se différencier de la concurrence, lorsque toutes parlent avec la voix d'Alexa ou de Google ?  La réponse : grâce à la personnalisation. Techniquement il est en effet totalement possible d'intégrer une voix personnalisée dans une application vocale. Sachant que 37% des Belges préfèreraient communiquer avec une marque possédant sa propre voix, pourquoi donc s'en priver ? Jusqu'à ce jour, l'annonceur a toujours pris grand soin de son identité visuelle (logo, charte graphique, code couleur...) et sonore (jingle, musique...). Demain, il devra penser à son identité vocale sans perdre de temps car une fois qu'une application vocale est lancée avec une voix spécifique, l'utilisateur associera cette voix à la marque et tout changement sera remarqué. 

Quelle est l'influence d'une voix ? 

Il convient ensuite de se demander comment choisir une voix et ses effets sur nous. Sommes-nous influencés par une voix ou par ce qu'elle représente ? Est-ce le contenu que la voix transmet qui prime ? Une étude a démontré que la voix, en tant que tel, était en mesure d'insuffler des émotions différentes tant par sa prosodie, le genre ou encore par le fait que la voix soit humaine ou synthétique. Il ressort ainsi que les voix de femmes tristes généraient une forte empathie tant sur les sujets masculins que féminins. Une information utile, par exemple, pour tout call center ou société de transport devant annoncer de mauvaises nouvelles. De même, malgré que 95% des personnes déclaraient préférer les voix humaines, les mesures physiologiques démontraient un engagement plus fort envers les voix digitales... 
Naturellement, l'humain imagine des voix lorsqu'elles n'existent pas. Par exemple lorsque vous lisez un roman, vous imaginez une voix pour chaque personnage, cette voix se base tant sur des facteurs émotionnels que physiques qui sont inévitablement associés à ce personnage. Ensuite, lorsque vous entendez la voix du personnage principal dans une adaptation de ce même roman en film, vous vous dites : « Ah, je l'imaginais autrement ». Voilà pourquoi la question d'identité vocale est et sera cruciale pour tout marketer décidant de se lancer dans ce qu'on appelle le conversational marketing.

Quel type de voix choisir ? 

Maintenant que vous êtes convaincus de la nécessité de disposer d'une voix personnalisée, l'étape supplémentaire est de trouver quelle voix donner à votre marque. Féminine ou masculine ? Calme ou dynamique ? Chaude ou froide ? Comment construire une identité vocale qui correspondra tant à l'ADN de la marque qu'aux attentes des consommateurs ? 
Les études internationales à ce sujet nous disent que les voix de femmes sont préférées en majorité et que les voix douces avec une prosodie lente devraient être privilégiées. Par ailleurs, d'autres études spécifient le type de voix préféré en fonction d'un secteur. Cela veut-il dire que toutes les marques doivent adopter une voix féminine lente ? La réponse est non bien sûr, c'est éminemment plus complexe et on ne peut pas généraliser. De plus, des questions linguistiques, culturelles et sociales se posent. Est-ce qu'une marque de pizza devrait opter pour une voix avec une touche italienne ? Une banque allemande, devrait-elle en garder l'accent pour démontrer du sérieux ? Il convient donc d'effectuer des tests avec un panel d'utilisateurs avant de valider une voix afin de ne pas se tromper.

Comment valider la bonne voix pour ma marque ? 

Il existe des sociétés actives dans la création de voix artificielles telles que Nuance ou la belge Acapela. Ces spécialistes sont à même de créer des voix artificielles sur base de voix existantes choisies lors d'un casting désignant celle qui correspond au mieux au positionnement de la marque et dont les qualités sonores obtiennent le plus haut score auprès d'un panel.  
De fait, il existe une méthodologie scientifique ayant pour but d'indiquer la position d'une marque sur une matrice à deux axes et d'ensuite positionner les voix enregistrées sur ce même axe afin que la voix corresponde au mieux aux attentes du consommateur et surtout aux émotions que la marque suscite chez lui.
Cette méthodologie a été utilisée lors d'une expérience réalisée en laboratoire sur 34 personnes ayant évalué six types de voix différentes pour deux marques distinctes. Une active en FMCG et une dans le marché cosmétique. 
Les personnes étaient équipées d'un casque EEG (électro-encéphalogramme) mesurant l'activité électrique du cerveau, d'un eye-tracker indiquant les mouvements du regard et d'un capteur GSR (Galvanic Skin Response) mesurant les pulsations du coeur et le taux de sudation. Il était d'abord demandé aux participants de répondre à une batterie de questions afin d'évaluer la marque en utilisant le modèle de personnalité de marque (basé sur le modèle du Professeur Laure Ambroise). Ensuite, les personnes écoutaient les six différentes voix ayant un texte commun propre à la marque et devaient les évaluer sur une échelle d'un à cinq par rapport à trois critères : j'aime la voix, elle correspond à la marque et elle me donne envie de parler avec elle. 

L'apprentissage principal de cette étude démontre qu'il n'y a pas qu'une seule émotion en lien avec une marque, et que donc ma voix devra un jour être en mesure de s'adapter aux émotions des consommateurs à un instant T. Deuxièmement, que les personnes déclarent préférer une voix qui correspond à l'image qu'ils se font d'une marque, mais que bien souvent cette image est biaisée par les normes sociales et les pressions de la société. Cependant, avec les smart speakers les marques se situeront dorénavant chez les consommateurs où ces pressions sociales auront beaucoup moins d'impact qu'en société. Par exemple, pour la marque de cosmétique, 90% des personnes, tant hommes que femmes, déclaraient clairement préférer la voix de femme attractive. Alors que les données physiologiques indiquaient que cette même voix générait énormément de stress et de concentration. 
Le choix d'une voix ne doit donc pas se faire à la légère sur base de notre perception mais plutôt sur base d'un processus permettant de valider objectivement la voix qui correspondra au mieux aux objectifs de la marque.

Pour résumer, vu le nombre de personnes qui interagissent déjà avec les assistants vocaux, les marques se doivent d'être présentes sur cette nouvelle interface utilisateur. Dès lors, la création d'une voix sera cruciale tant dans son aspect de différenciation que dans la proximité et l'émotion qu'elle pourra générer auprès du consommateur. Les humains sont souvent inconscients des différentes émotions qu'ils ressentent par rapport aux marques car leur perception est biaisée par les normes sociales. Dès lors la connaissance des effets que votre marque génère sur le consommateur sera primordiale afin de définir la voix qui la représentera dans la vie quotidienne de votre utilisateur. Cette sélection de voix doit être réalisée de manière aussi réfléchie qu'un logo, car tout comme pour un logo elle pourra subir de légères évolutions au fil des années sans pour autant complètement changer.

A plus long terme, nous verrons également les voix s'adapter en temps réel en fonction des émotions et humeurs de l'utilisateur. Cela grâce à l'intelligence artificielle et la reconnaissance des émotions. 

Florian Linclau (Analytics & Insight Expert @ Wavemaker) et Damien D'Ostuni (Innovation Expert @ Wavemaker)
 

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