Dénommées pitches en lien avec leur caractère normalement synthétique, résumant les agences et leurs services, les mises en compétition de budgets et appels d'offres de notre secteur ne se réduisent ni en nombre ni en complexité. Des dossiers qui contiennent souvent de lourds exercices pratiques et placent en même temps les aspects financiers à l'avant-plan. Révisions des bonheurs et tristesses, pour ces procédures dont la perspective évolue lentement mais sûrement.
Le simple fait que les pitches entre agences médias et de communication ne s'organisent quasi jamais dans le même calendrier en dit déjà long sur le cloisonnement des services respectifs. Ceci alors qu'il est assez tendance de parler d'écosystème aujourd'hui, et que l'on note quelques points médias - baptisés touchpoints pour la circonstance - dans les compétitions créatives, et qu'on parle plus volontiers encore de contenu ou de créativité (au sens d'innovation, que les concernés se rassurent) dans les pitches médias. Au global, chacun reste chez soi et l'annonceur au milieu. Précisons-le d'emblée, les critères auxquels répondent les deux exercices semblent aussi fondamentalement différents : des services à la rémunération, tout diffère dans ces structures, appartenant pourtant pour un grand nombre d'entre elles, aux mêmes groupes internationaux.
Martine Ballegeer, co-fondatrice de PitchPoint, résume une divergence-clé parmi d'autres : « Les agences créatives sont payées pour leurs heures de travail, et dans ce sens, au plus elles bossent, au plus elles gagnent. Les agences médias continuent encore, peut-être malgré elles, à être payées à la commission. On pourrait dire de ce fait, qu'au moins elles travaillent, au plus elles gagnent. » Cette contradiction de business model pourrait donc nuire à la collaboration. Surtout dans le digital, où les heures sont volumineuses : le stretch y est le plus important avec une commission souvent trop faible. Koen Pieraerts (KPI) en ajoute un peu sur la séparation des pouvoirs : « Les groupes de communication, ou en tous cas leurs patrons, n'ont pas vraiment intérêt à tout centraliser. Chaque entité détient son propre P&L, donc les écosystèmes restent virtuels.
Pour le média : des chiffres et des outils
Le point de vue n'est pas nécessairement identique entre les consultants qui gèrent ces exercices et les agences les subissant, pour le dire ainsi. Le sentiment reste assez fort pour ces dernières, quant à la dominance des critères financiers dans les choix posés. Nathalie Lhoir, Managing Director de UM, précise : « Et ce, dès le début du processus, pas uniquement dans le round final. Dès la shortlist. Le focus est mis sur les costs et les négociations. » Entendez par là, la rémunération de l'agence et ses indices de trading. Malgré le fait que les présentations des entreprises concernées portent sur les outils, les services et les équipes, l'optique resterait surtout orientée vers le "low costing" et la pression sur la rémunération. Mais tout le monde n'est pas de cet avis. Geert Debruyne, Managing Director de fma, pense au contraire que le secteur est arrivé à une forme de maturité : « Bien entendu que le financier est essentiel et que le procurement intervient dans les pitches. Mais ce n'est pas plus important qu'avant, c'est "autrement". On recherche plus de transparence. Les clients veulent bien payer le prix fort, mais veulent tout savoir. Et je trouve que les grands comptes paient mieux, avec un procurement relativement ouvert notamment aux nouveaux modèles de rémunération. »
Koen Pieraerts ne dit pas autre chose et constate que les "fixed fees" ont tendance à s'imposer à la sortie des pitches « et tant mieux ». Si les agences médias seraient encore actuellement sous-rémunérées, elles en auraient aussi une co-responsabilité : « Il faut être plus clair et plus détaillé sur le workload, sur les ressources nécessaires. Être plus solidaires aussi sur un mode de rémunération qui se calcule considérant les ressources nécessaires, le prix des outils et le coût des jeunes experts en digital. Être unifiés enfin sur un mode de rémunération qui ne se base plus sur les pourcentages ou la commission. C'est un sujet pour l'UMA. Et concernant les pitches, il devrait y avoir plus de concertation : les agences médias des petits pays comme la Belgique ne devraient pas répondre aux mêmes questions que les grands pays. Les ressources sont disproportionnées dans le mauvais sens, c'est une aberration. » Une autre douleur vécue en effet lors de ces compétitions à côté du "crunching" perçu sur les coûts, et qui peut durer des mois, au passage : les fameux templates à compléter. Un Excel comportant autant de colonnes que de lignes ou de feuilles, et dont certains se demandent franchement « à quoi tout cela peut bien servir ». La patronne d'UM estime que ces informations sont « beaucoup trop granulaires et n'ont aucune pertinence car sans usage possible ou nécessaire ». Et de plaindre les consultants et auditeurs - pourtant potentiellement à l'origine de ces tableurs usines à gaz - qui « vont pleurer quand ils recevront en retour ces infos de 10, 20 ou 100 pays ».
L'ensemble des agences consultées s'accordent à dire que des reviews à deux niveaux seraient plus juste : des focus approfondis pour les quelques marchés les plus importants pour le client, et du plus léger dans les autres pays.
Gino Baeck (GroupM) : « J’ai quantifié les derniers pitches sur deux ans, et je découvre que nous passons d’une enveloppe moyenne de budget média de 3,6 millions nets en 2019 à moins de 3 millions en 2020. »
Les variables et les constantes
Si trois dimensions devaient caractériser les appels d'offres médias, ce serait 1) la dimension du budget, 2) la capacité locale à prendre des décisions (pour les holdings) et 3) une combinaison du secteur et de la stratégie particulière de l'entreprise, selon Nathalie Lhoir, par ailleurs vice-présidente de l'UMA. « Il ne faut pas croire que les marketers locaux des grandes holdings n'ont rien à dire, c'est vraiment du cas par cas. Par contre, il est vrai que lorsque l'intervention du local est mineure dans les stratégies ou même les choix médias tactiques, cela ne sert à rien d'aller dans le détail : un simple tableau peut suffire. » On notera par ailleurs que les petits budgets ne sont pas sujets à des compétitions complexes et lourdes, pilotées par des auditeurs. Quoi que l'on voit une tendance à se montrer plus exigeant dans ces exercices même pour les petits comptes. Gino Baeck, CEO de GroupM et vice-Président de l'UMA : « J'ai quantifié les derniers pitches sur deux ans, et je découvre que nous passons d'une enveloppe moyenne de budget média de 3,6 millions nets en 2019 à moins de 3 millions en 2020. » Ce qui est donc peu, dans l'absolu, surtout pour un chiffre issu des compétitions, lesquelles supposent un niveau critique.
Gino Baeck en rajoute : « Dans les pitches internationaux, il arrive souvent que nous passions sous la barre du million ! La Belgique est régulièrement un peu laissée-pour-compte sur la carte du monde. Et on se limite à remplir un petit tableau financier. » Enfin, c'est ce que les agences médias belges devraient se limiter à faire, pense le patron du GroupM. La stratégie serait malgré tout un facteur-clé pour le client. Cependant, Koen Pieraerts émet des réserves et s'inquiète, comme d'autres, de la capacité des agences médias à rester de vraies "partenaires" et conseillers au spectre large pour les marques. « Elles me semblent avoir un peu raté le train il y a quelques années. Elles ont bien tenté d'ouvrir la porte à tous les métiers, un peu tardivement. Il existe désormais beaucoup d'alternatives internes ou externes côté client pour les gérer et de façon flexible. » François Chaudoir, CEO de Space et président de l'UMA n'est pas vraiment de cet avis et relève que tous les pitches médiae comportent des questions comparables aux briefings créa : « Vous avez toujours un exercice basé sur la compréhension de la marque et à travers une stratégie média. Bien entendu, vous aurez aussi une grande partie consacrée au trading, qui reste déterminante. »
Le prix du média
Quant à la rémunération, force est de constater que le modèle reste encore souvent basé sur l'ancien schéma, ce que regrette le président de l'UMA et il n'est pas le seul : « Pour les médias above, cela reste cohérent, mais pas pour les autres canaux ou modes d'actions. Pour le digital, nous devrions clairement être payés aux honoraires ». Nathalie Lhoir va plus loin, avec la subjectivité entendue de la source : « Si j'étais annonceur, je paierais cher ou en tous cas plus qu'à présent, pour une agence qui contribuerait à mon business. En fait, un vrai partenaire qui comprendrait ma marque, ses challenges. Puis qui me proposerait des gens de talents disponibles et motivés pour mon cas. Et enfin, bien sûr, des compétences en stratégie médias et le reste, dont impact positif sur mon business, mes chiffres. » Car tout serait question de ROI, plus que jamais : les effets moyen terme de la crise de 2008-2009 augmentés des dégâts économiques de la pandémie et de la globalisation, font que désormais chaque euro investi doit être justifié. Ce qui serait aussi une opportunité, pour les structures capables d'assumer la démonstration. Un point valable pour l'agence média comme publicitaire, mais avec un accent particulier sur la première vu le niveau des montants investis.
Nathalie Lhoir (UM) : « Je trouverais cela normal de proposer un fee à la performance, au sens large. Un KPI pur business mais qui suppose que l’on mesure tout correctement, que l’on partage tout avec le client et réciproquement. »
Finalement, le modèle idéal n'existerait pas, tout comme pour les agences créatives (cf infra) : il dépendrait de chaque cas client. Toutefois, Nathalie Lhoir estime que la préférence devrait être donnée à une rémunération basée sur la valeur ajoutée. « Ceci dit, c'est complexe. Comme la définir, la chiffrer, l'évaluer et puis la rémunérer, éventuellement au variable », précise-t-elle. En n'hésitant pas à évoquer la contribution aux ventes ou à la part de marché. « Je trouverais cela normal de proposer un fee à la performance, au sens large. Un KPI pur business mais qui suppose que l'on mesure tout correctement, y compris la contribution de l'above à cette performance, que l'on partage tout avec le client et réciproquement ». C'est presque un autre sujet, un sujet en soi. Koen Pieraerts regrette qu'un nouveau schéma de rémunération n'ait pas encore vu le jour : « A l'époque des 15% de commission, et c'est loin, tout était facile et les marges très confortables. Aujourd'hui, le niveau est passé sous la barre des 5% et le P&L a implosé notamment à cause du digital : ces experts sont chers et les tactiques sont lourdes à gérer. Malheureusement, lorsqu'on se base sur les équivalents temps plein, les clients font quand même le ratio sur l'investissement média, et dans les petits marchés en tous cas, le résultat du calcul est peu tenable. »
The storm is now the weather
L'introduction du speech d'Alessandro Papa, COO de Dentsu International Belgium, à l'UBA Trends Day était quelque peu prémonitoire pour son groupe, soulignant la tourmente que fut 2020 et le contexte VUCA qui nous pèse depuis avant la crise. Alors que Geert Debruyne pensait et souhaitait que cette année devait rester calme sur le plan des mouvements de budgets : « C'est dangereux de bouger dans une période tourmentée et les agences ont fourni beaucoup d'efforts pour les annulations et reports de campagnes ». Gino Baeck fait ses comptes et n'arrive pas à ce résultat : « On dénombre plus de compétitions qu'en 2019. J'espère que les annonceurs vont nous laisser un peu récupérer en 2021. Give us a break. », précise le CEO, estimant que tout le marché belge est vraiment fatigué. A noter que fma couvre surtout le Benelux, tandis que GroupM est exposé aux compétitions internationales plus larges, manifestement nombreuses. En cause aussi, certains clients qui en ont profité pour challenger leur agence justement au vu du contexte et dans l'optique probable de faire des économies. Mais le vice-président de l'UMA conseille de ne pas tomber dans ce schéma : « Nous ne sommes jamais obligé d'aller dans un pitch. S'il est uniquement price-driven, il faut savoir dire non. Lorsque cela se présente, nous refusons dès le départ. »
Contrairement à d'autres avis et conformément à celui de François Chaudoir, Gino Baeck estime que les pitches médias "qualitatifs" (par opposition aux simples comparaisons d'indices de négociation et de prix) sont de plus en plus centrés sur ce que l'on nomme la stratégie. Dans le cas des agences médias, cela parle surtout de résultats objectivables, pour les canaux dits classiques et le digital, toutes disciplines confondues. Des agences qui « doivent défendre avec force et clarté leurs valeurs, leurs ressources et leur vision ». Quitte à établir des partenariats avec des spécialistes externes et des deals plus ou moins solides, dans une approche dite "écosystémique"... Le mot est lâché. Comme pour le business model, la solution serait dans l'hybride et la mixité.
Pour la création : écosystèmes et gouvernance
Tout comme pour le média, les consultants locaux se comptent sur les doigts d'une main pour la coordination de pitches en communication. Martine Ballegeer est sans conteste le top of mind en place pour ce travail et les tendances sont, selon l'intéressée, assez claires. Mais elle nuance : « Nous ne gérons que 10% des compétitions, sans doute. La majorité ne passe pas par nous, déjà parce que de nombreux comptes ne sollicitent pas de support externe pour cela. À savoir d'un côté, les plus petits, et d'un autre, les pitches internationaux où la Belgique aurait peu à dire, comme les FMCG en général. » Restent des demandes spécifiques : HR, brand design, événementiel, et le très gros morceau de l'accompagnement aux évaluations. « Finalement cela représente plus de la moitié de notre business. Aider les annonceurs à mettre en place un système d'évaluation de leurs agences et les aider à les réaliser est une demande importante. Tant mieux car cela est un gage de bonne relation et sur le moyen terme, ce qui est notre objectif aussi de shortlister : lorsque l'on organise une compétition, le but est de mettre en place une bonne collaboration et qui dure. »
Quant aux tendances elles-mêmes, la première serait cette fameuse question de l'intégration des multiples services - ou non. En d'autres termes, les annonceurs peuvent-ils se débrouiller avec une seule agence lead, ou cette notion serait-elle en train de disparaître au profit d'écosystèmes, dont on ne pourrait plus dire qui pilote la barque ? Martine Ballegeer : « J'ai l'impression qu'ils ne savent pas toujours comment aborder le problème. Parfois : comme avant, par tradition. Parfois, par le média, mais cela a tendance à disparaître. Parfois par le digital, aussi. C'est une grosse question en tous cas depuis deux ou trois ans. » La tendance dans le "scope of work" des cahiers des charges - le SLA (pour Service Leverage Agreement) - resterait toutefois fidèle à l'histoire. Avec pas mal de cas d'exceptions et la possibilité pour le client de ne pas signer d'exclusivité pour un certain nombre de prestations avec l'agence de base, notamment en digital. Phénomène existant aussi pour les compétitions du média.
Les spécialistes, dont ceux cités plus haut (HR, corporate identity, events & employers' branding), faisaient et font toujours l'objet de partenariats séparés. En revanche, l'explosion des métiers du numérique font que cette offre très variée sur les marchés incite les annonceurs à rester prudents avant de s'engager. Mais le conseil stratégique et sur la marque restent centraux ici également, tout comme la stratégie créative et appliquée aux grands médias, sans aucun doute. « Je vois même une tendance à la réintégration du digital et de la réflexion média dans la créa », pointe Martine Ballegeer. Le concept de base venant de l'agence dite généraliste peut l'expliquer, mais aussi le fait que « finalement nous trouvons peu de stratèges ou de réflexion vraiment stratégique et marketing auprès des agences digitales et experts spécialisés ». Il ne faudrait pas confondre performance tactique, par campagne, avec performance globale de la publicité dont son prestataire sur le plan du branding et du business de l'entreprise.
Overlaps et flous artistiques
Une autre tendance principale des pitches en communication serait la volonté d'aller vers une meilleure gouvernance de la finance et du budget. Signifiant : des bases de rémunération plus claires, plus détaillées, et transparentes dans les deux sens. Il ne s'agit pas que d'intégrité sur les marges des sous-traitants ou la fiabilité des time sheets - sujets pourtant sur la table. Plus en amont, pour PitchPoint : « Un contrat n'est pas neutre sur la qualité de la collaboration. S'il n'est pas satisfaisant pour les deux parties, la relation foire après six mois. Ou alors nous sommes sur une mission ponctuelle. Le modèle idéal n'existant pas, nous conseillons de donner des conditions spécifiques comme le processus de validation des services fournis, les délais de retour sur briefing, les attentes sur le plan stratégique, etc. Et si l'on établit bien le workload et les résultats attendus, il ne devra pas y avoir de frustrations. » Comprenez : l'idée de travailler trop pour une rémunération ingrate selon l'agence, ou l'idée d'une "agence trop chère pour ce qu'elle délivre". Lequel sentiment tourne vite au vinaigre jusqu'à l'irréparable, c'est-à-dire le pitch.
Enfin, dernière tendance observable depuis quelques années, celle de l'internalisation sérieuse de quelques services pointus au sein de l'organisation du client. Que ce soit du côté des agences médias ou de communication. Ici, les agences dites "mainstream" ne perdent pas de responsabilités contre les nouveaux concurrents digitaux « léger, flexibles et pas chers », mais contre un concurrent inattendu : le client. Martine Ballegeer : « Tout dépend ici du niveau d'expertise de la structure. Si la marque est équipée et détient ses propres teams, ils collaboreront avec l'agence comme des partenaires externes. Dans l'écosystème, les ressources internes peuvent s'envisager comme une forme de fournisseurs. » Geert Debruyne note également la volonté des annonceurs de développer des services de programmatique ou de social media, et d'autres disciplines digitales. Ou encore l'attribution de ces budgets à des petits bureaux spécialisés, voire des consultants : mauvaise période pour les agences médias, qui semblent revenir aux sources, malgré eux. « Nous retournons un peu aux années 90, l'agence créa reprend le lead par le haut et l'agence média perd du poids face aux petits ou grands spécialistes du digital. Sans oublier les régies médias qui couvrent assez efficacement un terrain grandissant. »
Martine Ballegeer (PitchPoint) : « Sans paradoxe, notre métier ne consiste pas à générer des compétitions ou à en gérer au maximum. Nous passons plus de temps à optimiser les collaborations. »
Koen Pieraerts pointe la même tendance avec plusieurs explications : « Certaines agences médias n'ont pas assez investi ou trop tard dans les métiers digitaux. Et le modèle de rémunération leur a fait exploser les coûts : avec un pourcentage, sur un petit marché comme la Belgique, ce n'est pas tenable. Ou alors il faut manquer de transparence pour vivre. Sans grand volume c'est compliqué. Enfin, chaque agence peut techniquement livrer plus ou moins le même service. Le challenge pour la différence est un enjeu critique. » La situation n'est pas identique pour les agences créatives, la "personnalité" des sociétés concernées bénéficiant de positionnements variés, en lien avec leur histoire, leur structure, et bien entendu, leur département créatif et le profil des dirigeants. PitchPoint recense quelques raisons principales pour vouloir changer, et donc pitcher : « Une usure créative, des cas de crise typiques, et l'échéance du contrat, local ou international ».
Néanmoins, Martine Ballegeer considère ces situations comme regrettables : « Sans paradoxe, notre métier ne consiste pas à générer des compétitions ou à en gérer au maximum. Je l'ai dit, nous passons plus de temps à optimiser les collaborations. Nous avons développé un outil dans ce sens, Collab, qui vise à optimiser la relation de façon pragmatique. » Soit une forme d'audit constructif basé sur des questions-réponses et qui permet de faire des bilans intermédiaires ayant parfois comme conséquence d'éviter la mise en cause du budget. « Mettre en place des collaborations durables et équilibrées serait plutôt notre objectif », précise la "shortlisteuse" qui préférera ne pas s'étendre sur la pertinence avec laquelle les sociétés de consulting internationales gèrent les RFP et autres RFI. Ni sur le conflit d'intérêt entre leurs branches médias et marketing digital vis-à-vis des audits qu'ils réalisent sur leurs concurrents, in fine. Clairement, la connaissance des métiers de la pub et du local est préférable pour ce type d'exercice, de même que la neutralité. Poser la question, c'était déjà y répondre.
Le point de vue de l’ACC
En marge de ce dossier sur les pitches, nous avons questionné Johan Vandepoel, CEO de l'Association des agences de communication.
Les pitches ont-ils tendance à augmenter en nombre, ou à diminuer, en lien ou non avec la crise Covid ?
Notre ACC Profitability Survey, qui interrogera aussi nos 150 membres sur le nombre de pitches auxquels ils ont participé en 2020, n'aura lieu qu'au mois de mai. Toutefois, à en juger par les nombreuses réactions de nos membres, nous pouvons déjà dire que 2020 a été une année particulièrement riche en pitches. Seule exception : les agences événementielles et d'activation qui, mis à part un nombre limité d'événements virtuels, ont dû cesser leurs activités. De nombreux clients, qui cherchaient d'autres formes de communication, en ont profité pour consulter le marché.
Quel serait l'intérêt pour un annonceur de travailler avec un consultant local et indépendant versus les sociétés de consulting internationales ?
A notre connaissance, très peu de pitches sont organisés par des consultants internationaux en Belgique, à moins qu'on ne mette en compétition plusieurs réseaux. Dans ce cas, l'affinité entre le client et l'agence est d'une importance mineure par rapport à des critères plus mesurables. Et c'est précisément là que réside la valeur ajoutée des consultants locaux : ils sont mieux au fait de la situation.
Les annonceurs sont-ils de plus en plus disciplinés et respectueux de la Charte UBA-ACC-UMA ?
La diminution du nombre de plaintes reçues de nos membres permet de conclure que les clients se conforment de plus en plus à la charte, notamment parce que les agences hésitent de moins en moins à en signaler l'existence à leurs prospects dès le premier contact.
En revanche, c'est l'inverse qui se produit dans le cas des appels d'offres (semi-) publics : ils deviennent de plus en plus complexes dans la phase de présélection, de sorte que bon nombre d'agences dépensent de l'énergie et des talents pour rien.
Quelles sont les grandes tendances concrètes ?
Nous constatons une forte demande d'agences capables de fixer des priorités, d'anticiper les résultats, d'intégrer différents canaux et de garder une vue d'ensemble. On attend des agences spécialisées qu'elles sachent s'intégrer à un cadre plus vaste et intégré pour pouvoir notamment faire bénéficier de leur apport stratégique et conceptuel à un stade précoce.
Sur les rémunérations spécifiquement, des modèles s'imposent-ils ?
Nous constatons que les accords de rémunération sont encore trop souvent conclus sur la base des heures prestées et tiennent trop peu compte de la valeur ajoutée de l'agence. L'an dernier, la World Federation of Advertisers a publié un document important - Project Spring - dans lequel elle recommande d'attacher plus d'importance dans les appels d'offres à la valeur qu'aux économies. En Belgique, en collaboration avec l'IPA britannique, nous avons mis sur pied une task-force dédiée au Value Based Pricing. Nos recommandations seront publiées dans le courant de l'année.
Comment juger ce que mettent en avant les agences et ce que les annonceurs demandent ?
Ce qui nous frappe, c'est que de nombreuses agences veulent passer du statut d'usine à idées à celui de consultant en création. Concrètement, elles se spécialisent par exemple dans le développement de produits et l'analyse de données, afin de devenir des partenaires plus stratégiques. D'autre part, nous constatons que de nombreux clients ne parviennent plus à intégrer tous les touchpoints possibles et cherchent un partenaire stratégique pour les guider dans cette démarche.
Est-ce encore possible aujourd'hui de concentrer tous les services dans une agence ou doit-on considérer plusieurs prestataires pour un écosystème ?
Il n'existe pas de panacée. Dans la pratique, on voit que les grands groupes intégrés, qui ont su s'adapter à temps, s'en sortent très bien, et que les agences plus spécialisées ont amélioré leur niveau stratégique et conceptuel, ce qui leur permet de mettre leur savoir-faire au service de toutes sortes de collaborations.