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Mark Read (WPP) : "Les annonceurs attendent des liens transparents entre publicité et solutions technologiques"

Dimanche 10 Décembre 2023

Mark Read (WPP) :

Comme beaucoup de grandes villes dans le monde, Bruxelles dispose désormais de son Campus WPP. Au terme d’une migration de plusieurs mois, en plein cœur de la capitale, l’ancienne tour IBM brillamment rénovée abrite aujourd’hui neuf agences du groupe, dont celles de GroupM, FamousGrey et Ogilvy Social.Lab, et leurs 600 collaborateurs. Seules les agences anversoises Wunderman Thompson et LDV United, ainsi que certaines structures travaillant autour des institutions européennes, disposent encore de bureaux séparés. 
 
L’inauguration du campus a eu lieu le 22 novembre dernier, et Mark Read, le CEO de WPP, était présent chez nous pour l’occasion.
 
Nous l’avons rencontré, en compagnie de Gio Canini, WPP Country Manager Belgium, pour évoquer notamment l’importance que revêt notre marché aux yeux du groupe, les changements en cours au niveau du modèle opérationnel de GroupM, ainsi que l’importance croissante de l’IA et de la technologie, domaines dans lesquels tous les groupes publicitaires renforcent leurs capacités.
 
Beaucoup considèrent que la Belgique est peu à peu en train de disparaître des radars marketing au profit de centres de décision comme Amsterdam ou Paris… Quel est votre point de vue en la matière ? Que représente aujourd’hui la Belgique à vos yeux ? Et comment évolue votre business local ? 
 

Mark Read : La Belgique est très importante pour nous. En témoigne, entre autres, la création de ce Campus, qui rassemble 600 des 1.000 personnes que nous employons dans ce pays. C’est un investissement financier important qui montre notre engagement très fort sur ce marché. La Belgique est importante dans le contexte européen. Bien sûr en raison de la présence de l’UE, mais pas seulement. Elle abrite les quartiers généraux de nombreuses multinationales - Coca-Cola, par exemple, l’un de nos grands clients, y est très présent. Le pays est aussi un centre d’innovation, où les talents abondent.
 
Pour nous, il n’est absolument pas question que la Belgique évolue dans l’ombre des Pays-Bas. Les clients locaux doivent pouvoir traiter avec des partenaires qui ont leur ancrage ici. Sans cette identité locale marquée, il est impossible d’être efficace pour des clients locaux ou internationaux basés en Belgique. Il n’est donc pas question de créer un cluster Benelux. Il y a des agences brillantes ici : FamousGrey, Wunderman Thompson ou encore Ogilvy Social.Lab, qui est devenue une référence mondiale dans le domaine du social marketing. Notre activité média est aussi très importante, et le succès de GroupM le démontre. Par ailleurs, nous investissons beaucoup pour étendre nos activités belges, notamment en production. 
 
Gio Canini : J’ajouterai qu’un nombre croissant de nos clients internationaux s’appuient désormais sur Bruxelles et Anvers pour desservir le continent européen. Wunderman Thompson vient par exemple de se voir confier une mission globale par Amazon et Ogilvy Social.Lab a récemment développé la nouvelle stratégie et campagne de marque pour Leo (Milka)… Désinvestir dans un marché aussi attractif que la Belgique ne serait évidemment pas très sensé. La Belgique a énormément d’atouts, que ce soit en matière de talents et d’ouverture à toutes les cultures, mais ce sont des choses que nous avons malheureusement tendance à souvent sous-estimer.
 
Vous avez récemment annoncé une "simplification du modèle opérationnel" chez GroupM. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? S'agit-il d'une évolution vers une agence média unique ?
 
Mark Read : Nous voulons simplement que le service fourni par GroupM soit optimal au niveau finance, technologie, média... C’est une réorganisation qui va rendre les agences plus importantes, et non l’inverse. Les marques subsistent, les leaders de chaque agence restent en place, mais au sein d’une seule organisation. 
 
Il n’est pas nécessaire d’avoir trois départements financiers, trois plateformes technologiques, trois départements HR, etc. Nous voulons optimaliser le service au client, mettre en place des ressources communes pour nos trois agences Mindshare, EssenceMediacom et Wavemaker au niveau des investissements, du trading et des ressources humaines. C’est une manière de réaliser des économies d’échelle.
 
La fusion annoncée entre Wunderman Thompson et VMLY&R pour former VML, signe la disparation de marques et de noms emblématiques comme JWT, Wunderman ou Young&Rubicam... Les marques d'agence n’ont plus d’importance à vos yeux ?
 

Oui, les marques d’agences sont importantes, mais le sont-elles aux yeux des clients ? Les chiffres de JWT - enseigne mythique - avaient régressé durant cinq ans avant que nous fusionnions le groupe avec Wunderman en 2018. Cela montre que la marque JWT n’était pas importante aux yeux des clients, alors qu’aujourd’hui, Wunderman Thompson est en forte croissance. 
 
Auparavant, nous avions d’une part des agences spécialisées en publicités TV, presse, outdoor, etc., et de l’autre des agences uniquement dédiées au digital. Nous avons intégré ces modèles afin de créer des marques créatives tournées vers le futur. A l’heure où l'intelligence artificielle et la tech transforment le marketing et où les clients mondiaux cherchent à simplifier leurs relations, ce qui importe, avant le nom de l’agence, c’est ce qu’elle offre. Et c’est ce qui fera grandir son nom. VML combinera une créativité de niveau mondial avec une expertise approfondie en matière de data, de martech et de plateformes. 
 
Les marketers attendent aujourd'hui des liens transparents entre publicité et solutions technologiques. 
 
L’IA devient un pilier incontournable dans la stratégie de développement des agences. Quelle est votre vision sur ces nouveaux outils et les opportunités qu’ils apportent ?
 
Je pense que l’intelligence artificielle sera absolument fondamentale dans nos activités. A mes yeux, son apparition est aussi importante pour notre industrie, et pour la planète, que celle du digital l’a été voici 25 ans. J’ai entendu Elon Musk dire au Premier ministre britannique Rishi Sunak que grâce à l’IA, le travail allait devenir optionnel… Je ne sais pas si cela se vérifiera (rires), mais quand on voit à quel point la technologie se développe, on peut en effet nourrir ce genre de pensée.
 
Nous utilisons déjà l’IA depuis quelques années en médias et en production, et aujourd’hui elle peut être utilisée dans le processus créatif. Grâce à l’IA, les ordinateurs peuvent faire des choses qui nécessitaient une très importante intervention humaine, comme produire des images, prendre des photos, créer des vidéos, rédiger des textes, en synthétiser, comprendre des tendances… Je ne pense pas que cela va diminuer l’importance des créatifs, au contraire ! Ils pourront plus aisément donner vie à leurs idées, et beaucoup plus rapidement. 
 
Nous utilisons l’IA et nous investissons énormément dans l’IA. Nous avons un partenariat avec Nvidia afin d'utiliser l'intelligence artificielle générative dans la production de publicités à grande échelle. Et en 2021, nous avons acquis Satalia, une entreprise technologique spécialisée, dont le fondateur, Daniel Hulme, est devenu le responsable mondial de l'IA pour WPP.
 
Certains ont parfois perçu l’intelligence artificielle comme une mode avant de s’apercevoir de son incroyable importance. Notre business est plus que jamais basé sur l’innovation. Nos équipes disposent de tous les outils qui leur permettent d’utiliser efficacement ces technologies. On peut faire appel l’IA de mille manières aujourd’hui. 
 
Ce qui est aussi intéressant, c'est de voir à quel point on assiste à une démocratisation massive de la technologie. 
 
Quels sont les principaux défis pour le groupe dans le paysage changeant du marketing et de la publicité ?
 

Nous devons être totalement tournés vers le futur dans ce monde qui se transforme en permanence. Nous devons continuer à faire évoluer notre offre et à simplifier nos activités. 
 
Je me réjouis de la création de VML, qui sera la plus grande agence créative du monde, et de la poursuite de l'évolution de GroupM : ces deux développements renforceront notre offre aux clients, simplifieront l'intégration de nos services et maximiseront le rendement de nos investissements continus dans l'intelligence artificielle et la technologie. 
 
Nous voulons que nos équipes soient pourvues des moyens technologiques qui leur permettent d’exprimer au mieux leur créativité. Les groupes qui domineront sont ceux qui auront intégrés ces éléments dans les cinq ans à venir.

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