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CREATIONS

La "Ghiblification" pour interroger notre rapport aux images : la fausse bonne idée d'Ogilvy pour Greenpeace

Mercredi 9 Avril 2025

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Si à 50 ans, on n'a pas créé son propre "Starter Pack", on a quand même un peu raté sa vie, non ? C'est en effet la tendance du moment sur LinkedIn : l'avalanche de "Me, Myself & I" sous blister montre que, décidément, les professionnels de notre secteur sont toujours les plus prompts à embrasser les tendances du moment. Fussent-elles idiotes. Il en va de même pour cette autre déferlante d'images générées par l'IA, qui imitent l'esthétique du tandem Miyazaki-Takahata,
 
Un peu à la manière de Kaonashi dans "Le Voyage de Chihiro" - cet esprit qui peut absorber les traits et personnalités des autres en les ingérant -, la pub se met aussi à plagier allègrement le travail des artisans du studio Ghibli. Sans trop se soucier d'éthique, de propriété intellectuelle ou de droits d'auteur. 
 
Denier exemple en date, cette campagne d'Ogilvy Grèce pour Greenpeace, très largement commentée : sous le slogan "Aucun filtre ne peut cacher la vérité", l'ONG nous propose une série de visuels inspirés des deux grandes maîtres de l'anime japonaise précités.
D'aucuns décrivent cette campagne comme « un coup de maître stratégique » pour reprendre l’expression de nos confrères de Creapils : « Greenpeace choisit de s’appuyer sur les outils numériques et les tendances qui captivent les jeunes générations, pour mieux leur parler. Le message utilise les codes de l’IA, des réseaux sociaux et de la pop culture, tout en les retournant à contre-courant. » 
 
Dans The Drum, un porte-parole de Greenpeace enfonce le clou, déclarant que son organisation cherchait à « exploiter la tendance IA pour toucher un large public et mettre en évidence le contraste saisissant entre l'esthétique idéalisée et réconfortante du Studio Ghibli et les dures réalités de la crise climatique ». 
 
Peu importe finalement si les développements de l’intelligence artificielle participent à ladite crise, les grands modèles de langage et de génération d’images faisant partie des technologies les plus gourmandes en eau et en énergie… Greenpeace elle-même le reconnait, mais elle semble considérer que la viralité "sans filtre" de sa campagne vaut bien quelques entorses à son purpose. 
 
On ne peut que donner raison à Andrew Tindall, SVP de System1, qui considère que cette campagne est tout simplement une énorme erreur : « Un exemple brillant de surenchère sur une tendance, en oubliant la stratégie de marque et en remplaçant la cohérence par une tentative de devenir viral », écrit-il.
 
« Définir l'IA comme bonne ou mauvaise n'est pas utile. Mais nous sommes tous d'accord pour dire que les publications virales du Studio Ghibli sont au mieux risibles. Les problèmes flagrants de propriété intellectuelle et le fait qu'elles aient toutes autant de succès montrent que les spécialistes du marketing adorent les nouveautés tape-à-l'œil. Greenpeace a vu la tendance, elle a décidé de ne pas tenir compte des problèmes d'énergie et d'eau de l'IA générative et a tenté une publication virale intelligente. Ironiquement, en contribuant à alimenter la crise. »

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