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INTELLIGENCE

Vers une nouvelle currency liée à l'attention ?

Vendredi 31 Mars 2023

Vers une nouvelle currency liée à l'attention ?

On se souvient que VIA, l’association belge des médias audiovisuels, avait présenté en fin d’année dernière les résultats d’une étude sur l'attention suscitée par les publicités mobiles sur les principales plateformes BVOD belges et sur YouTube. La spécialiste internationale Karen Nelson Field avait déjà identifié que les plateformes sur lesquelles une publicité était diffusée et lue était, selon son analyse, le facteur le plus important par rapport à l’engagement des audiences. 

VIA et sa partenaire de circonstance remettent le couvert, appuyé par l’Attention Council, en prenant en compte une gamme élargie de canaux, incluant désormais la TV linéaire : une première pour le marché belge !

Pour rappel, la méthode de base appliqué par la patronne d’Amplified Intelligence relève de l’eye tracking et distingue trois niveaux d’implication aux messages : l’attention active et la passive (être en présence de l’écran mais ne pas le regarder activement), et l’absence d’attention. 

La présentation de VIA et Karen Nelson Field est à (re)voir ici, et les premières analyses de Space sont 

Pour prendre un peu de recul et tout comprendre, nous avons eu un entretien avec Wout Dockx (Secrétaire Général de VIA) et Bernard Cools (CIO, Space).

Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt pour le sujet de l’attention publicitaire depuis peu ?

Wout Dockx : Cet objet de recherche captive en effet le secteur au niveau mondial, et au passage, je suis très heureux de constater que nous ayons eu 190 participants à notre présentation… La tendance est liée à la progression de la vidéo. Vu que les accès aux contenus AV et que les formats publicitaires se sont diversifiés, les spécialistes ont besoin de nouveaux éclairages.

Sur quel point critique, principalement ?

S’exposer au linéaire et à l’OLV reste fondamentalement différent. En digital, l’utilisateur a plus de contrôle sur le contenu, et donc un risque de "skipping", tandis que les écrans pub classiques en TV sont sujet à une certaine proportion d’attention passive. Pour optimiser le "viewable" et le "viewed", il faut des indicateurs.

Bernard Cools : Nous avions réalisé il y a trois ans une étude déclarative sur l’attention, mais il est clair que la méthode d’Amplified Intelligence permet d’aller plus loin. Cette étude permettra au marché de mieux argumenter les choix entre linéaire, BVOD et le reste de la vidéo.

Finalement, ce genre d’analyse peut concerner tous les médias ?

Wout Dockx : Absolument, et Hugues Rey qui préside l’UMA, a formulé des commentaires dans ce sens : nous devons passer au crossmédia et aller plus loin que la vidéo... 

Bernard Cools : A ce sujet, Field n’a étudié que l’aspect visuel. Le son n’est pas pris en compte et pour les futures mesures, ce serait utile d’essayer de l’intégrer. Le contenu de la bande-son, et le contenu en général d’ailleurs, est important.

La présentation indiquait que la création intervenait en cinquième et dernière position dans le funnel de l’attention, après la plateforme, le programme ou contenu du média, le contexte pub et la cible. Qu'en pensez-vous ?

Il faudrait plutôt parler de message, et cette observation me semble hasardeuse. Les résultats révèlent les rôles des canaux et des contextes, et ils sont intéressants pour la phase pre-buy et tactique en média. Pour la création, chaque situation est différente et on ne peut pas vraiment extrapoler.

Une telle étude commandée par VIA n’a-t-elle pas l’intention de soutenir ses membres, c’est-à-dire les publishers locaux versus le reste du monde ?

Wout Dockx : Cette étude s’inscrit dans le mouvement international et vise à publier des chiffres belges. Nous ne faisons pas de politique, et des données locales sont nécessaires. Mais nous constatons en effet les mêmes résultats qu’ailleurs : les contacts publicitaires par les médias nationaux  montrent plus de valeur. L’efficacité d’un message varie selon le canal, les paramètres changent, et nous estimons que les clients doivent le savoir. Le low cost est une forme d’illusion. La qualité des contacts évaluée par l’attention remet les choses au point.

Bernard Cools : Dans les résultats, nous constatons des petites et des grandes variances, ce qui est riche d’enseignements. Du coup, à prix équivalent, on peut réaliser des comparaisons nouvelles pour les contacts publicitaires et faire jouer la concurrence entre canaux. Il faut dire qu’aujourd’hui, les metrics des contacts digitaux sont assez "lestes", à savoir une seconde pour un display et deux secondes pour une vidéo. C’est améliorable et ne dit pas grand-chose sur la viewability complète du message. Ce qui intéresse le plus les annonceurs, c’est l’efficacité réelle, et à moindre coût. Et quand je parlais de comparaisons à prix constant, justement, ils ne sont pas constants !

Irait-on jusqu’à appliquer une nouvelle "currency" telle que la présentation de Field le suggérait ? Un index impactant les tarifs ?

Wout Dockx : Je ne pense pas que ce soit réaliste actuellement. L’étude a, entre autres, révélé la complexité des paramètres qui interviennent. Les campagnes varient beaucoup, et tant que nous ne serons pas capables de mesurer de façon intégrée les audiences de tous les devices, nous ne pourrons pas suivre le degré d’attention de façon suffisamment précise pour jouer directement sur l’achat média. A terme, peut-être, quand nous pourrons faire le bridge entre une telle étude et les audiences effectives, en conditions réelles.

Bernard Cools : Je n’y crois pas non plus. Même à trois ans comme suggéré, je ne vois comment connecter des indices d’attention à des données aussi granulaires que les audiences vidéos de tous bords, et en temps réel ou en tous cas, par plan, pendant la campagne, à l’instar du programmatique. Je rappelle que cette étude "trade off" n’est pas exécutée en conditions réelles. C’est un bel exercice scientifique, mais il reste délimité, et avec des critères de mise en place qui ne sont pas totalement neutres. Une belle brique dans le mur de nos connaissances.

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