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Kristien Smeyers (Lucky Links): "Les managers doivent investir massivement dans la sécurité psychologique, la confiance et la communication qui crée du lien"

Samedi 14 Décembre 2024

Kristien Smeyers (Lucky Links):

Dans un épisode de "Mad Men", Duck Phillips tente de recruter Pete Campbell en jouant sur son ambition et son insatisfaction quant à son job actuel. L’échec du chasseur de têtes s’explique en grande partie par son erreur de jugement à l’égard de l’AE qui manque cruellement de confiance en lui-même… De nos jours, il ferait long feu dans le business des recruteurs. Le succès ou l’échec dépendent en effet d’un authentique talent pour la création de lien et d’une véritable écoute. Dotée de ces deux qualités, Kristien Smeyers met en relation candidats et emplois dans notre secteur via Lucky Links.

"Nous mettons en contact des parties qui s’élèvent mutuellement au niveau supérieur, dans le monde du marketing, de la communication et de la pub", peut-on lire sur votre site internet. Comment êtes-vous arrivée dans le secteur marcom ?

C’est une longue histoire. J’ai grandi à Genève, où j’ai acquis un penchant pour les environnements multiculturels et les réseaux. Forte de ce bagage, j’ai fait mes premiers pas dans le monde du travail au payroll chez Procter & Gamble, où j’ai découvert que j’avais manifestement des qualités pour créer des liens. 

Le payroll n’étant pas ma tasse de thé, j’ai repris des études, notamment en communication, et me suis donc retrouvée dans le secteur de la publicité, chez Happiness plus précisément. 

J’ai ensuite travaillé pour Senses, qui se consacre au recrutement dans le secteur marcom et publicitaire. C’est là que j’ai réalisé que je voulais être moi-même entrepreneure, donc j’ai lancé Lucky Links.

Comment décririez-vous les services que vous proposez ? Quelle est votre méthode de travail ?

J’aide les entreprises à trouver les talents dont elles ont besoin, et les gens l’emploi qu’ils recherchent. Je travaille à plusieurs niveaux. Lorsque j’ai des candidats en face de moi, je cherche d’abord à saisir l’essence de leur personne : leur parcours, leurs valeurs, leurs talents, mais aussi leur rôle idéal et leur motivation. Car c’est la motivation qui permet le développement. Je jauge tous ces éléments au cours d’un unique entretien personnalisé, en toute confiance. C’est une condition sine qua non : cela ne marche que parce que la conversation est authentique et ouverte. En réalité, je suis un grand coffre-fort qui renferme les secrets des gens.

Je procède de la même manière avec les entrepreneurs qui viennent me voir : qui sont-ils ? Qu’est-ce qui les motive ? Je m’intéresse également au type de leadership et à la culture d’entreprise, deux aspects fondamentaux qui jouent un rôle très important dans la réussite d’un match. 

Vient ensuite le momentum : je me demande à chaque fois quelle personne peut apporter une valeur ajoutée à l’entreprise à ce moment précis (et vice versa). Ainsi par exemple, il est très important que le futur rôle à remplir soit clairement défini par l’entreprise et que l’on cherche la bonne personne pour l’incarner. L’inverse ne fonctionne pas toujours. 

Que voulez-vous dire ?

À plusieurs reprises, j’ai vu des rôles créés pour convenir à une personne en particulier, mais qui, aussi convoitée soit-elle, finit au bout d’un temps par ne pas trouver vraiment sa place... L’entreprise doit donc chercher le candidat le plus approprié pour répondre à un besoin bien défini. 

En revanche, celui ou celle qui cherche un emploi peut partir des valeurs et des compétences qu’il ou elle représente, et différentes fonctions peuvent y correspondre. On peut ainsi prendre des virages parfois surprenants et se réinventer en assumant un nouveau rôle. Et je peux aussi apporter mon aide à cet égard.

Il semblerait que notre secteur ait du mal à attirer de nouvelles et surtout jeunes recrues. Faites-vous le même constat ? Quelles sont les qualités que devraient posséder les candidats au métier de marketer ou de publicitaire ?

Pour répondre à votre première question, je pense que l’on déploie beaucoup d’énergie pour combler cette lacune. Au sein du secteur même, mais aussi par le biais de nouvelles formations.

Quant aux qualités requises, j’ai expérimenté ces dernières années l’IA pour analyser les nombreux CV à traiter. J’en ai tiré la conclusion que toute personne travaillant dans la pub - qu’elle soit account, créatif ou stratège - appartient plutôt à la catégorie "Blue Ocean" et est donc plus encline à penser out-of-the-box. Cela donne des caractéristiques telles qu’une mentalité hands-on, une attitude positive et une façon de penser différente. Elles résolvent les problèmes de manière créative, en ayant l’esprit critique et en regardant les choses sous un autre angle, ce qui leur permet de trouver rapidement une solution. C’est un énorme atout.

D’un autre côté, on constate également que la plupart des talents de notre secteur - qu'il s'agisse de marketers ou de copywriters - sont moins férus de processus. Ils s’intéressent moins à l’automatisation et aux tâches routinières qui sont pourtant parfois importantes pour l’entreprise.

Quelle autre évolution mérite notre attention ?

Le monde s’est complexifié et la gestion d’une entreprise est une tâche très différente de ce qu’elle était il y a une, deux ou trois décennies. Aujourd’hui, un dirigeant doit être un peu psychologue-amateur et on me pose beaucoup de questions à ce sujet. 

Les dirigeants ne sont pas des surhommes, mais ils doivent tout de même être capables de jongler avec plusieurs éléments : ils doivent pouvoir offrir à leurs employés des perspectives de carrière durable, d’emploi intéressant et de développement.

S’ils y parviennent, c’est le meilleur moyen de conserver les talents. Aujourd’hui, les managers doivent investir massivement dans la sécurité psychologique, la confiance et la communication qui crée du lien. C’est d’autant plus vrai pour les PME, qui jouent un rôle important dans l’économie. Et comme elles ne disposent généralement pas d’un responsable RH, les besoins sont importants.

C’est peut-être aussi lié au proverbial fossé entre les générations et au fait que trois, voire quatre générations doivent maintenant travailler ensemble…

Vous ne pouvez pas gérer votre entreprise comme dans les années 1980, lorsque la GenX a fait ses débuts professionnels sous la houlette des fameux baby-boomers. Les Millennials et la GenZ ont des besoins et des attentes complètement différents. Mais le fossé entre les générations a toujours existé. Et il évolue, des deux côtés : les gens dépassent les clichés qui caractérisent leur génération et, s’ils sont ouverts, ils peuvent apprendre les uns des autres. Ceux qui le comprennent transcendent les différences.

Un dernier mot ?

Oui, deux même. L’employer et le personal branding n’existaient pas auparavant, mais ils deviennent indispensables. Sans présence en ligne, vous n’existez pas. C’est certainement vrai pour les jeunes générations, mais aussi pour les entreprises. Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir, mais cela apporte une certaine ouverture, qui élimine le côté disons caché de mon travail. La confiance existe et son maintien, comme la mise à niveau permanente, est un travail de tous les instants. Mais grâce à cette approche qualitative, les talents apportent des talents.

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