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New Talent : Billie Gielen (BAS & weareDaniel)

Mardi 30 Janvier 2024

New Talent : Billie Gielen (BAS & weareDaniel)

Parmi nos bonnes résolutions pour cette année figure celle réhabiliter notre format New Talent. Cette rubrique est dédiée aux jeunes talents de notre secteur que nous voulons à la fois soutenir et mettre en lumière. 
 
Ce mois-ci, notre attention s’est portée sur Billie Gielen, stratège en communication et facilitatrice chez weareDaniel et coach à la Belgian Advertising School, entre autres. Conversation sur l’interdiction de la publicité pour les entreprises de l’industrie fossile, le talent publicitaire et le Lady Day.

Qu’est-ce qui vous a amenée au secteur marcom ?

J’ai suivi un master en sciences de la communication à l’université d’Anvers. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’un bon mélange de nombreuses sciences sociales. J’y ai acquis une large base académique, axée sur la communication, et j’ai également suivi des cours en option intéressants, tels que les arts visuels. J’ai ensuite fait un post-graduat à la Belgian Advertising School (BAS), ce qui fut le tremplin idéal pour ma carrière. 
 
Cela fait maintenant cinq ans que je suis active dans notre secteur, principalement comme stratège et facilitatrice chez weareDaniel, une agence qui utilise la psychologie comportementale afin de réaliser des projets de communication pour différentes marques et organisations. Je fais également partie de l'équipe permanente de la BAS en tant que coach et facilitatrice, et je travaille en freelance comme facilitatrice créative, notamment pour la VRT. 

Qu’avez-vous appris à la BAS ?

J’y ai appris qu’il y a d’autres façons de gérer les parcours d’apprentissage des étudiants. On nous octroie beaucoup de responsabilités et de liberté, et le contact avec les coaches et les professionnels de la publicité est très personnel. La plus grande révélation a été de découvrir l’existence du métier de facilitateur créatif. Que l’on peut modeler des cadres au sein desquels les créatifs peuvent collaborer de la meilleure façon possible. Quand j’ai vu les coaches en action à la BAS, j’ai su que je voulais faire la même chose dans ma carrière professionnelle. J’ai immédiatement demandé à Koen Thewissen (à l’initiative de la BAS, ndlr.) de pouvoir suivre cette formation. Koen, qui est également le fondateur de weareDaniel, est la cheville ouvrière de ma carrière. Avoir un mentor qui vous pousse et vous inspire est inestimable. 

Comment la BAS a-t-elle évolué depuis ses débuts en 2013 ?

En termes de contenu, l’année académique est restée à peu près la même. Les premiers mois se concentrent beaucoup sur les compétences spécifiques des créatifs, suivis d’un stage de cinq mois, puis d’un projet de création de leur propre agence. Je constate toutefois une évolution vers des profils plus hybrides et donc moins cloisonnés parmi les étudiants. Nous enregistrons également de plus en plus d’inscriptions de créateurs de contenu. 
 
Par ailleurs, nous remarquons qu’il est de plus en plus difficile de recruter des étudiants pour la BAS. Les jeunes perçoivent le secteur de la publicité et du marketing comme très commercial et doutent de l’impact qu’ils peuvent avoir. Je pense que ces questions et ces doutes sont justifiés. C’est pourquoi, dans le programme de la BAS, nous organisons une Semaine de l’impact, avec entre autres un briefing pour une campagne plus sociétale sur des sujets comme "manger moins de viande", "faire un don de sang", etc. Je suis convaincue que les compétences que nous enseignons àpeuvent être utilisées de bien des manières.

L’ensemble du secteur a du mal à attirer de nouveaux talents dans le domaine de la publicité et de la communication.

Cela vient du changement de perception que je viens d’évoquer. La génération actuelle a moins confiance dans la publicité et dans le secteur. Elle a également l’impression qu’il s’agit d’un secteur difficile, où les heures de travail sont longues et les attentes nombreuses. En début de carrière, la rémunération n’est franchement pas énorme, surtout si on la compare à celle d’autres secteurs. On reçoit pas mal de remarques à ce propos. 

Chaque année, la BAS crée sa propre agence pop-up autour d’un thème d’actualité. Quel sera celui de cette année ?

Celui de la durabilité. Nous nous pencherons plus précisément sur l’interdiction de la communication pour les entreprises de l’industrie fossile. Je ne me prononce pas sur les choix que doivent faire les agences qui travaillent pour ce type d’entreprises, mais il est du devoir de notre secteur de participer au débat sur ce sujet. Ce sont des questions que les jeunes se posent actuellement. Il n’y a pas si longtemps, les agences travaillaient pour Marlboro et autre Lucky Strike, ce qui ne laisse pas de nous étonner aujourd’hui. Plus tard, je pense que nous aurons le même sentiment à l’égard des publicités sur les voyages en avion et même sur la viande. Il faudra cependant qu’il y ait une sorte de fenêtre d'Overton... 

Le premier volet de notre pop-up sera une enquête auprès des employés des agences pour savoir comment ils voient les choses et s’ils pensent différemment selon leur âge et leur expérience. Ensuite, nous organiserons un événement ou un sommet. Nous pourrions nous demander ce que cela donnera si le secteur cesse de faire de la communication pour ce type d'entreprises. Peut-être pourrait-il alors se concentrer sur d’autres genres d’entreprises, de produits ou de services. Nous pensons également à des awards ou à un baromètre pour les travaux ayant le plus d’impact. De nombreuses idées créatives sont déjà sur la table. Nous commencerons le projet en mai et il durera jusqu’à la fin du mois de juin. 

D'où vient l'inspiration ?

Nous déterminons toujours le thème à partir de trois questions : quel est le défi auquel fait face notre secteur ? Quelles compétences pouvons-nous apporter en tant que groupe ? Et de quoi parle-t-on dans les journaux, quels sont les sujets brûlants ? C'est ainsi que ce thème s’est rapidement imposé. Aux Pays-Bas, il existe un collectif appelé Creatives for Climate qui rassemble tous les esprits brillants du secteur pour organiser un hackathon ou un sommet pour la cause climatique. L’objectif est toujours d’aboutir à un changement d’attitude, de comportement et de perception. L’enquête GlobeScan d’Ikea indique que les consommateurs se tournent vers les gouvernements et les entreprises, mais nous pensons qu’ils ont eux aussi un rôle important à jouer. Dans notre secteur, nous disposons de nombreux outils et compétences pour aborder ce sujet. Il est grand temps de voir comment nous pouvons les mettre en œuvre. Les précédentes agences pop-up de la BAS se nommaient Aiai (à propos de l’IA) et Choo Choo (concernant l’utilisation des médias et des langues par la GenZ).

weareDaniel reçoit-elle également des briefings relatifs au développement durable ?

Cela fait trois ans que nous recevons des briefings sur ce thème, tant de la part de marques commerciales que d’organisations gouvernementales. Notre méthode de travail consiste à tirer le plus grand nombre possible d’insights de la psychologie comportementale pour développer des stratégies de communication et du storytelling. Raison pour laquelle nous discutons souvent avec des universitaires et des scientifiques. 
 
Notre travail pour le groupe Colruyt et sa marque distributeur Boni en est un exemple. Le briefing est ici d’informer les consommateurs, notamment par le biais de l’emballage, sur les projets concernant le commerce équitable du chocolat ainsi que les projets éducatifs du groupe. Ce cas est un excellent exemple de ce que nous faisons chez weareDaniel. Il s’agit de branding, d’architecture de marque, de stratégies de développement durable et de storytelling pour que les gens adhèrent au narratif du commerce équitable sans les effrayer. C’est en effet un peu du nudge. Nous préférons parler de contre-manipulation. La manipulation au service du bien ! (rires)

Vous travaillez également comme guide au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen (KMSKA). Dans quelle mesure un musée classique subventionné parvient-il à intégrer dans ses activités des mouvements sociaux tels que la diversité, l’inclusion et la durabilité ?

L’inclusion est une notion très large. Elle peut concerner l’âge, le genre, l’appartenance ethnique, etc. C’est un défi pour les musées classiques qui sont encore souvent connotés très intellos. Je pense que la manière dont le KMSKA tente de faire la différence avec les activités qu’il propose au public va tout à fait dans le bon sens. Il y a de nombreux open workshops, des nocturnes, des concerts et des événements spécifiques ciblant des communautés particulières. À cela s’ajoutent les artistes en résidence qui s’inspirent de la collection, ce qui permet de mettre en valeur de nouveaux angles à chaque fois. 
 
L’une des initiatives les plus astucieuses, selon moi, est celle de "Radio Bart". Il s’agit d’une cabine installée dans une des salles du musée dans laquelle Bart prend place. Bart est aveugle. Nous invitons les visiteurs à s’asseoir à côté de lui et Bart pose alors des questions sur la façon dont le visiteur voit l’une des œuvres d’art présentes dans la salle. C’est une expérience particulière, car tout à coup, vous parlez d’art avec une personne malvoyante. 

En ce qui concerne les collections, les possibilités sont parfois moins nombreuses. Il y avait malheureusement peu de femmes peintres aux XVIe et XVIIe siècles. Les femmes n’avaient pas le droit de faire des études artistiques et devaient se cantonner aux natures mortes. Elles n’étaient pas autorisées à peindre des portraits ou des scènes de genre, et encore moins des nus. Le musée possède néanmoins quelques chefs-d'œuvre de femmes peintres dans sa collection. Les guides, dont je suis, ont proposé ‘Vrouwen in Beeld’, une visite qui permet aux visiteurs de découvrir les pièces maîtresses de la collection où les femmes ont joué un rôle. Pendant la Pride, nous avons également organisé une visite Queer. 

Voyez-vous déjà les résultats de ce focus sur l’inclusion chez les visiteurs ?

Oui, mais cela dépend de l’événement organisé. Il y a certainement encore des étapes à franchir. Chaque musée cherche à relever ce défi. Peut-être qu’à l’instar du musée van Gogh d’Amsterdam, nous devrions éditer des cartes Pokémon. Parce qu’alors, ce sera la ruée !

Autre sujet : j’ai cru comprendre que vous vous habillez toujours en blanc et/ou en noir. 

C'est vrai. J’aime effectivement la tranquillité intemporelle du blanc et du noir. Cette année, c’est même allé si loin que lors d'un de mes workshops, des étudiants de la BAS s’étaient déguisés en Billie Gielen. Je ne m’en étais pas rendue compte tout de suite, mais je trouvais que tout le monde avait tellement belle allure ce jour-là ! (rires)

Pour terminer, puis-je vous demander si vos parents étaient fans de Billie Holiday ?

(hochement de tête) Ils ont hésité entre Ella et Billie. Mes parents sont de grands amateurs de jazz, tout comme moi. Ils sont photographes et réalisent des photos pour de nombreuses marques dans leur studio. Ils collaborent aussi souvent avec des agences et des maisons de production. La photographie et les visites de musées ont donc été une constante dans ma vie depuis mon plus jeune âge. 

Mes parents ont une approche très technique de la photographie et possèdent une grande expertise de la photo de studio et des réglages de l’éclairage. Ils sont aujourd’hui à un tournant de leur carrière. Ils ont en effet affaire à une jeune génération de photographes qui prennent des photos de manière plus libre. Les connaissances techniques de mes parents sont encore considérées comme un véritable artisanat dans certains domaines. Ils essaient toutefois de combiner le meilleur des deux mondes avec ces nouvelles recrues. Ils ouvrent leur studio aux jeunes talents et cherchent ensemble le meilleur éclairage. C’est chouette de les voir dans cette phase de leur carrière. 

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