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Xavier Bouckaert (Roularta) : "La poursuite de la digitalisation, les offres groupées le multimédia sont nos priorités"

Dimanche 15 Septembre 2024

Xavier Bouckaert (Roularta) :

Un chiffre d’affaires stable au premier semestre, une nouvelle direction commerciale pour le media business et des plans concrets pour le lancement imminent d’abonnements digitaux et de bouquets de magazines aux Pays-Bas… L’automne s’annonce chargé pour Roularta Media Group. 

Son CEO Xavier Bouckaert a néanmoins accepté de discuter avec nous pendant une heure pour faire le point sur l’actualité du secteur et de son groupe. Avec un message au futur ministre des Médias.

A la mi-août, vous avez annoncé un chiffre d’affaires stable, à 159,5 millions d’euros pour le premier semestre, grâce notamment à une hausse sur le marché des lecteurs. De quoi vous satisfaire ?

Au vu des six premiers mois, nous sommes en effet satisfaits. Au cours des cinq dernières années, nous avons réalisé d’importants investissements, notamment dans l’app Mijn Magazines/Mes Magazines, nos sites internet ou le software de segmentation des données ; les résultats de ces efforts deviennent progressivement visibles. 

Cela se traduit par exemple par une croissance des abonnements digitaux, en particulier pour nos titres d’information et le Krant van West-Vlaanderen. Cette évolution ne se fait pas encore sentir pour les autres titres, entre autres parce que les équipes adéquates n’étaient pas encore opérationnelles.

Les offres groupées et les abonnements familiaux contribuent également à ces résultats. L’app joue ici un rôle essentiel et constitue un moyen de rajeunir notre audience. Nous devons toutefois encore l’ouvrir à la publicité. C’est prévu pour cet automne, mais nous devons bien réfléchir à notre approche. Ce doit être une expérience premium, car il s’agit d’une app haut de gamme et nous disposons de données first-party.

Le studio multimédia d’Evere était aussi l’un des grands postes d’investissement. Il a ouvert ses portes en 2023. Est-il à la hauteur de vos attentes ?

Le studio s’inscrit dans le cadre de notre attention accrue vis-à-vis de l’audio et de la vidéo, notamment par le biais de Canal Z/Kanaal Z. Nous avons donc intégré tous les services techniques nécessaires, ce qui profite à l’ensemble du groupe. En outre, nous disposons ainsi d’une structure à part entière pour les événements business, que nous mettons également à la disposition de clients extérieurs.

Votre vocation d’imprimeur mise à part, quel est l’avenir du print dans le modèle média toujours plus digital d’aujourd’hui ?

Le print est et reste une expérience distincte qui devient de plus en plus premium. Chaque titre est différent, avec son propre rythme, son propre tempo. Vos lecteurs comme vos annonceurs doivent être prêts pour un modèle digital avant de modifier vos éditions papier, mais on sent que le changement est en route. Je n’exclus pas que certaines marques deviennent purement digitales dans les années à venir. C’est un exercice délicat et on ne peut pas mettre toutes les marques dans le même sac. Le timing est primordial à cet égard.

Saskia Schatteman vient de rejoindre le groupe en tant que Managing Director ad interim de Roularta Business Media. Quel sera son rôle exact et pourquoi est-il temporaire ?

Saskia dirige l’entité qui regroupe les marques business (Trends/Trends-Tendances, Trends Business Information et Canal Z/Kanaal Z, ndlr.). Elle remplace Burt Riské, qui prendra sa retraite au 1er octobre, et elle travaillera en étroite collaboration avec Alex Coene, Net Manager de Canal Z/Kanaal Z, et Karen Hellemans, qui dirige les rédactions de Canal Z/Kanaal Z et Trends/Trends Tendances.

Son arrivée concerne clairement nos médias business qui, s’ils collaborent déjà étroitement sur le plan rédactionnel, continuent de penser en silo sur le plan commercial. Si nous voulons faire la différence sur le marché, nous avons besoin d’un modèle cross-média. Saskia sera responsable de l’intégration stratégique de nos médias business et élaborera un plan visant à créer des synergies entre les données et les différents médias. D’autre part, elle cherchera également des opportunités de croissance et d’innovation intéressantes, sous la forme de produits apportant une valeur ajoutée aux annonceurs ou aux lecteurs, par exemple en combinant du contenu portant sur des informations intelligentes et des données avec des teasers audiovisuels, ou via des podcasts. Il deviendra alors encore plus intéressant pour les marques de s’attacher à nos produits. Elle affinera aussi l’organisation et verra quels profils sont nécessaires pour atteindre les objectifs stratégiques. 

Son poste est temporaire parce qu’elle définira, entre autres, les grandes lignes de la stratégie et ne sera pas nécessairement responsable de sa mise en œuvre. Cela ne veut pas dire qu’elle ne prendra pas cette responsabilité, mais nous verrons ça plus tard.

Y aura-t-il également des synergies avec les titres de Mediafin ?

Non. Lors de notre prise participation de 50%, nous avons décidé avec notre coactionnaire Rossel d’opter pour la libre concurrence afin de favoriser la croissance. Ce qui s’avère payant, puisque Mediafin a connu une forte croissance depuis cette reprise. 

Autre chose : juste avant l’été, les grands acteurs de WeMedia, dont Roularta, ont annoncé qu’ils quittaient la fédération que vous présidez, d’ailleurs. Pourquoi ?

Cette décision est due à une dissonance entre magazines commerciaux et magazines de membres. Leurs priorités sont différentes. Les magazines non commerciaux sont souvent publiés par des organisations dont l’objectif premier est de défendre les intérêts de leurs membres. Ils ont donc des priorités ainsi que des attentes différentes vis-à-vis d’une association professionnelle, par exemple en ce qui concerne la digitalisation ou l’IA. Ils comptent sur la fédération pour les aider dans ces domaines. Les grands membres, quant à eux, nourrissent surtout des attentes à l’égard de la politique. L’organisation ne correspond plus à la réalité du marché.

De plus, de nombreux membres étaient affiliés à plusieurs associations professionnelles - dans le cas présent, Vlaamse Nieuwsmedia, WeMedia et LaPresse.be -, alors que 95% des dossiers sont identiques. Je pense ici à la législation européenne, à la protection de la vie privée, au DSA, au DMA, etc. D’où un sentiment de gâchis. Aujourd’hui, je suis donc président démissionnaire et les membres restants se penchent sur la question de savoir ce qu’il faut faire de WeMedia.

Nous avons déjà posé la question à vos collègues de la télévision. Mais vous, en tant qu’éditeur, quel message aimeriez-vous adresser au nouveau ministre des Médias ?

J’aurais beaucoup de choses à lui dire. Un premier dossier concerne l’IA. Il y a bien une directive au niveau européen, mais nous voulons beaucoup plus de transparence sur les algorithmes et les sources qu’ils utilisent pour développer leur IA. Un tiers de ce matériel provient des entreprises médias, mais personne ne sait exactement lesquelles. Nous voulons une législation qui réglemente cet aspect. Nous espérons que les institutions européennes prendront l’initiative à cet égard, car tous les éditeurs sont demandeurs. En outre, un scénario de rémunération doit être mis sur la table, comme ce fut le cas pour les plateformes en ligne. Quand on voit le temps que ça a pris, cela m’inquiète.

La deuxième priorité, c’est la collaboration entre les médias publics et privés. Nous demandons une distinction plus claire entre le contenu digital des chaînes publiques et privées. La mission de la VRT, c’est l’audiovisuel : l'écrit doit rester accessoire. Le nouvel accord de gestion devrait contenir des directives claires à ce propos.

Enfin, je voudrais demander au gouvernement d’investir dans la communication de sa politique. Nous souhaitons qu’il utilise les médias locaux pour expliquer ses priorités. Et que les politiciens en campagne électorale réfléchissent aux médias dans lesquels ils investissent leurs budgets de campagne. Aujourd’hui, ils en investissent la quasi-totalité dans les médias sociaux, mais nous aimerions un mix média plus sain pour les publicités politiques. Pour des raisons non seulement commerciales, mais aussi éthiques.

Quel est l’avenir proche de Roularta ?

La poursuite de la digitalisation est notre priorité. Nous misons franchement sur le multimédia avec, comme je l’ai dit, une plus grande attention portée à l’audio et à la vidéo. "Z sur7" et "Z 7op7" - la nouvelle série de podcasts d’informations et d’analyses économiques proposés par les équipes de Trends Canal Z et Trends Kanaal Z tous les jours de la semaine - en sont de bons exemples. 

Nous continuons aussi à nous investir dans la croissance des offres groupées : depuis le début du mois de juin, nous avons lancé l’offre groupée Libelle, qui comprend tous les titres mindfulness du groupe. Jusqu’à présent, ce projet a été bien accueilli et cet automne, nous lancerons la même stratégie aux Pays-Bas, via le même kiosque et la même app, mais sur base de notre offre néerlandaise. Et peut-être que de nouvelles opportunités d’acquisition se présenteront. 

Notre foi reste également pleine et entière envers les médias locaux, qui seront désormais gérés par une direction unique, sous la conduite de Thijs Naeyaert. Entretemps, nous avons mis en place de belles solutions au niveau local, comme notre réseau de 850 écrans suspendus dans les magasins flamands et que nous commercialisons. Et d’autres suivront sans aucun doute. Là aussi, l’avenir est au digital et au multimédia.

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