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Click Through vs. Overviews : l'obsolescence non programmée du SEO, par Fred Bouchar (MM)

Samedi 25 Mai 2024

Click Through vs. Overviews : l'obsolescence non programmée du SEO, par Fred Bouchar (MM)

On le pressentait depuis l'arrivée de ChatGPT, et c'est un sujet régulièrement évoqué par nos chroniqueurs dans MM Tech : les agents conversationnels vont très vite modifier les comportements de search des internautes et, par conséquent, tout l'écosystème des sites web. Cela inclut la manière d'interagir avec les utilisateurs mais aussi les fondements du SEO, qui, comme le suggérait récemment Philippe Laloux dans Le Soir, risque de devoir se réinventer en AEO pour "Answer Engine Optimization". 

Annoncé il y a 15 jours lors de la conférence des développeurs Google I/O et cette semaine au marché publicitaire à l'occasion du Google Marketing Live, le déploiement américain des AI Overviews nous renvoie aux craintes et questionnements qu'avait suscités la mise au frigo des cookies tiers sur Chrome à l'époque. 
 
Ces "résumés" générés par l'intelligence artificielle, connus auparavant sous le nom de Google SGE, sont conçus pour répondre directement aux requêtes des utilisateurs sur la première page du moteur de recherche. Avec pour conséquence que l'on ne verra plus comme premiers résultats les habituelles listes de sites de web. Selon Google, l’IA pourra aller plus loin et faire des sélections complètes d’items autour d’un thème, des images aux éléments Google Shopping en passant par Maps ou YouTube… L’idée étant de fournir aux utilisateurs tout ce qui pourrait répondre à une requête complexe. 
 
C'est peu dire que l'initiative suscite de vives inquiétudes parmi les éditeurs. « Cette nouvelle expérience de search qui donne la priorité à l'IA générative en fournissant des résumés d'informations basés sur le contenu existant, et en déplaçant les liens vers le contenu original en bas de la page, pourrait bouleverser l’écosystème en ligne en détournant une partie significative du trafic des sites web », résume Marc McCollum, Chief Innovation Officer de la société américaine Raptive, spécialisée dans la gestion des inventaires publicitaires des éditeurs. 
 
Dans le Washington Post, le CEO de Raptive va plus loin : il estime que ces changements apportés au système de recherche pourraient entraîner un manque à gagner d'environ 2 milliards de dollars pour les éditeurs et que certains sites web pourraient perdre jusqu'à deux tiers de leur trafic, mettant en péril leur modèle économique basé sur la pub et le référencement organique… « De quoi mettre en danger la survie à long terme de l'open Web tel que nous le connaissons », ajoute-t-il. 
 
Ce dont se défend Google, qui indique que « les liens inclus dans les AI Overviews obtiennent plus de clics que ceux repris sous la forme d’une liste web traditionnelle pour la même requête ». 
 
Si l'on accepte ce postulat, il est clair que le SEO va solidement devoir s'adapter. Comment ? Lorsque j’interroge le concurrent de Gemini sur le sujet, dans un esprit corporatiste, il me répond qu'en effet la GEN AI a le potentiel de transformer le SEO de manière significative, mais pas nécessairement négative : « L'IA offre des opportunités pour améliorer l'efficacité des stratégies SEO. En automatisant les tâches répétitives, en fournissant des insights profonds et en optimisant à la fois le contenu et la structure technique, l'IA peut aider les professionnels à obtenir de meilleurs résultats et à s'adapter plus rapidement aux changements dans les algorithmes des moteurs de recherche. »
 
Notre IA préférée fait aussi le pari que ces derniers évolueront également « pour maintenir un équilibre et s'assurer que le contenu de qualité reste prioritaire ».
 
ChatGPT a raison de parler de moteurs de recherche au pluriel : pour Gartner, d'ici 2026, le volume des moteurs de recherche traditionnels diminuera de 25% au profit des chatbots autres agents virtuels. « Les solutions d'IA générative deviennent des moteurs de réponse de substitution, remplaçant les requêtes des utilisateurs qui auraient pu être exécutées auparavant dans les moteurs de recherche traditionnels. Cela obligera les entreprises à repenser leur stratégie en matière de canaux de commercialisation à mesure que la GenAI s'intégrera dans tous les aspects de l'entreprise. » 
 
L'institut fait aussi le pari que les algorithmes des moteurs de recherche valoriseront davantage la qualité du contenu pour compenser la quantité généré par l'IA. « Autrement dit, la bataille du SEO continue, mais avec moins de gagnants », résume Numerama : « Les sites utilisés par Gemini pour répondre à une question seront ceux qui gagneront en audience, tandis que les articles qui apparaîtront trop bas dans la liste seront moins consultés. Google ne répond néanmoins pas à une question : comment l’IA génèrera une réponse si plusieurs sites ferment, faute de revenus ? On ne sait pas, à date, comment Google compte résoudre ce paradoxe. »
 
Même dilemme pour les éditeurs, entre ceux qui embrassent les faiseurs d'IA et ceux qui estiment que ces derniers profitent illégalement de leurs contenus pour détourner le trafic des sources originales. 
 
ps : dans la dernière livraison de son excellente newsletter IA Pulse Weekend, Olivier Martinez indique que les Overviews ont généré des informations erronées, voire dangereuses, allant de conseils culinaires absurdes à des recommandations médicales potentiellement nuisibles… « Bien que Google minimise ces erreurs, les qualifiant d'exceptionnelles et liées à la phase expérimentale de la fonctionnalité, l'incident soulève des questions importantes. La dépendance de l'IA à des sources d'information non vérifiées, combinée à l'absence de mécanismes transparents d'attribution et de vérification, risque de propager la désinformation et de compromettre la fiabilité des résultats de recherche. L'incident met également en lumière les défis liés à l'intégration rapide de l'IA dans des produits grand public », note-t-il. 

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