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Quand une entreprise établie de VPC rencontre une start-up digital native

Vendredi 24 Mars 2023

Quand une entreprise établie de VPC rencontre une start-up digital native

Café Privilège, Seety. Deux entreprises, deux univers très différents mais un besoin commun : développer la relation clients. Café Privilège, commercialisé en vente à distance, a dû repenser son positionnement et accélérer sa transformation digitale. Seety, pure player dans le secteur du parking, doit augmenter sa notoriété et passer à la vitesse supérieure en termes de monétisation. 

A l'initiative de Thierry Debièvre consultant indépendant Business & MarCom (Impactd) qui a mis sa longue expertise au services des deux marques et les accompagne, nous avons réuni Hadrien Crespin, fondateur de Seety, et Olivier Medjek, Directeur Marketing et Digital chez Becquet et Café Privilège, pour évoquer l'importance que revêt cette notion de gestion de la relation client. 

Quels sont les enjeux pour vos marques respectives ?
Olivier Medjek : Café Privilège est issue du business de la vente à distance. Son fichier clients, assez important, avait une moyenne d’âge de plus de 75 ans. Chaque année, le business diminuait avec la mort des clients. Il n’y avait plus d’histoire. 

Il fallait redonner du sens à cette marque, en repenser le positionnement dans ce marché très concurrentiel, agir sur la relation client et réfléchir à la manière d’en acquérir de nouveaux.
Et il fallait être forts sur un certain nombre de points, comme la data, l’expertise de la communication à distance. Nous avions des atouts au départ. C’est un produit de qualité, la relation restait très forte. 

Nous avons d’abord travaillé sur le repositionnement. L’objectif n’était pas d’aller chercher des clients de 35 ans, ce n’est pas notre cible. Il fallait plutôt viser les 50 ans et plus. Pour cela, il faut une marque forte, surtout en digital, parce qu’avec les techniques de recrutement SEO/SEA, il est essentiel que la marque ait une notoriété. Nous avons ensuite travaillé sur la redéfinition du produit et la stratégie.

Pourquoi les 50+ et pas les tranches plus jeunes ?

Parce qu’il y a une problématique de fidélisation. Autour de la data, nous segmentons notre fichier clients sur des techniques qu’on appelle RFM : récence, fréquence et montant acheté. Dans n’importe quel domaine, la fidélisation se fait sur base d’une récence d’achat, d’une fréquence d’achat et, après la pression commerciale, du montant d’achat. Plus les gens vieillissent, plus ils sont fidèles à une marque. 

Il y a aussi les moyens financiers engagés. Si j’ai une espérance de gain assez forte, alors je peux mettre plus de pression commerciale. Sur les moins de 35 ans, la volatilité est très forte, le coefficient de répétition faible et ils sont plutôt zappeurs. 

Nous avons besoin d’un business récurrent et pas du one shot. Si on vend des voitures, cela ne pose pas de souci,  parce que la marge est importante. Sur du café les marges sont petites et le coefficient de répétition est nécessaire.

L’acquisition n’est-elle pas plus compliquée sur les 50+ ?

Elle est plus facile, parce qu’ils sont sensibles à un business omnicanal. Nous utilisons différents leviers pour les attirer : papier, sous forme de mailing adressé ou d’asile placé dans les colis, téléphone, digital… S’ils sont captés, il sont plus fidèles, et c’est là que nous dégageons l’argent qui nous permet entre autres de refaire de l’acquisition. Les 50+ ont un attachement à la marque. Une fois qu’on les a acquis, ils ne remettent pas en cause systématiquement. Et ce sont les plus de 70 ans qui vont financer l’acquisition des plus de 50. Si on va directement sur les plus de 35, on doit investir trop d’argent sans obtenir la répétition nécessaire.
Hadrien Crespin : Seety est un produit qui plaît à l’utilisateur, mais avec une valeur client assez faible. Une transaction sur une application mobile de stationnement, ne nous rapporte que quelques cents. 

L’enjeu est donc aussi d’avoir un utilisateur fidèle. 

Nous avons de très beaux taux de rétention, mais nous devons vraiment maîtriser les coûts d’acquisition.
Jusqu’à présent, pour l’acquisition nous nous sommes basés uniquement sur le digital et principalement le SEO. Nous avons créé énormément de contenus, ce qui nous a permis d’avoir un trafic énorme sur notre site web et de convertir une partie des utilisateurs. C’était génial dans notre première phase de croissance, mais cela nous limite au niveau une taille de marché. Sur 100 occasions de parking, seulement 5% vont peut-être passer par google.

Nous réfléchissons à la manière de recruter en digital sous d’autres formes que le SEO, et aussi de recruter en offline. Nous pensions que seul le digital comptait, mais ce n’est pas vrai, surtout avec le paiement du stationnement qui est quelque chose de physique. Avant une transaction de parking, on n’est pas nécessairement connecté à du digital, on est dans sa voiture.

Notre stratégie SEO est positive et nous devons continuer à l’exploiter, mais nous devons diversifier nos canaux d’acquisition. Chercher plus de visibilité passe par la diversification des canaux. Nous avons quelques centaines de milliers d’utilisateurs, l’idée c’est d’aller chercher 10 millions de transactions par mois.

C’est là toute la difficulté ?

Exactement. Parce que derrière chaque transaction, il y a un utilisateur qu’il faut aller chercher et avec un coût assez réduit, parce que la valeur utilisateur est faible, donc nous ne pouvons pas nous permettre de concurrencer d’autres produits sur les mêmes canaux. Ou il faut le faire de manière un peu plus smart, différente. Parce que nous avons la même cible, le conducteur, qu’un assureur, une marque de voiture, qui ont une marge beaucoup plus importante. Nous sommes une start-up up innovante, mais qui doit aussi rassurer des gens à qui on demande d’utiliser leur carte de crédit. Tout l’enjeu pour nous c’est de recruter massivement, mais aussi de créer une marque qui inspire confiance.

Quels leviers de communication utilisez-vous ?

2022 a été une année de test. Nous n’avons rien fait à grande échelle, mais multiplié les petites actions. Nous avons testé l’affichage sur des set de table, ce qui a très bien fonctionné dans les restaurants, parce que le message restait longtemps sous les yeux des gens, il y avait un contact, l’explication du produit. Nous avons aussi fait beaucoup de SEO et même de SEA, donc payé pour apparaître dans les résultats de recherche. C’est positif en termes de coût par acquisition, mais cela reste de l’impulse, cela ne crée pas une marque. 

Nous avons aussi testé pas mal de campagnes sur les réseaux sociaux, en communiquant sur la marque, l’aspect émotionnel et en nous détachant d’une communication qui était extrêmement basique axée sur les prix ou notre présence dans telle ville. Cette année, nous avons fait un partenariat avec Test Achat qui a bien marché. Nous avons donc misé sur plusieurs canaux. Nous procédons étape par étape. Il est important de sortir du bois, de passer du player inconnu à l’acteur respecté.

Olivier Medjek : Il est intéressant qu’un pure player digital comme Seety fasse un pas vers des canaux offline. Pour Café Privilège, nous sommes dans du all media, avec la presse magazine, Télé 7 Jours notamment, ou dans le mailing papier. Mais ce sont des moyens digitaux qui vont assurer la pérennité de la marque. 

Hadrien Crespin : Nous avons deux types de concurrents. Le premier c’est l’horodateur (rires) et le deuxième les applications qui proposent le stationnement de manière mobile. Ce marché était assez fermé, discret, utilisé surtout par des professionnels qui avaient besoin de justificatifs. Mais aujourd’hui payer de manière digitale devient de plus en plus une commodité et il est très rare de voir quelqu’un qui a utilisé le payement digital revenir à l’horodateur, parce que cela prend de plus en plus de temps. Avant il  suffisait de mettre de la monnaie, c’était simple.

Quel est l’argument produit ?

Nous ne voulons pas simplement remplacer l’horodateur. Notre vision est plus large. Nous avons un important volet communautaire et informatif. Nous aidons l’utilisateur à trouver les différentes zones de parking (payant, gratuit), nous l’informons sur les tarifs, la limitation dans la durée, les risques de contrôle, etc. Et nous lui évitons les frustrations de l’horodateur. Nous apportons une surcouche dans l’expérience utilisateur. Et puis il y a l’aspect tarification, nous essayons d’être au même prix que l’horodateur ou en tous cas d’être l’app la moins chère. Nous nous différencions par ces aspects.

Nous  avons deux types de partenariats. Pour le parking en rue, cela passe par les villes, via des appels d’offre ; nous collectons le stationnement pour eux et rétrocédons une partie. Et puis il y a les parkings souterrains, avec le même principe.

Olivier Medjek : C’est très intéressant, parce que ce sont des points-clés de la digitalisation. D’une part l’expérience utilisateur, qui est capitale, la fluidité du parcours d’achat, de l’acquisition et de l’utilisation du produit. Et d’autre part, le contenu, devenu essentiel pour attirer le client. Au lieu faire des remises proposons un bon contenu. Cela offre un ROI beaucoup plus intéressant.

De quel type de contenu parlez-vous ?

Pour le café, ce sera expliquer d’où il vient, comment il est fabriqué, la différence entre un arabica et un robusta, entre un café qui vient du Brésil et un autre qui vient d’Asie. Il est torréfié en France, donc il y a aussi le côté local. On raconte une histoire. Le claim que nous avons choisi, c’est « Privilégions chaque moment ». Nous racontons la customer journey, entre le petit déjeuner et le café du soir, nous entrons dans la vie des gens, nous créons un lien, une communauté. Les moments où on prend un café sont des moments de convivialité. Et ce contenu sera placé dans des pages pour favoriser le SEO. Le problème de la digitalisation c’est que nous sommes tous derrière des écrans. Cela rend la relation un peu moins humaine. Pour la rendre plus humaine, nous faisons appel aussi à des influenceurs. 

Hormis la presse et les influenceurs, quels autres canaux utilisez-vous ?

Un guide de bienvenue notamment dans lequel nous allons rappeler notre ancienneté, remettre le produit en avant. Par ailleurs, le SEA sur Google nous permet de faire du retargeting. Si quelqu’un a cliqué sur une bannière sur Google, il est déjà intéressé par la marque. Donc nous le relançons. Nous utilisons aussi le mailing papier pour lequel nous louons des bases de données sur des comportements, des âges, la géolocalisation. Et puis le téléphone, pour réactiver quelqu’un qui n’a pas commandé depuis un certain temps. La presse papier c’est en déperdition, parce que le coût d’acquisition est élevé et la fidélisation faible. Je reporte aujourd’hui une partie du budget presse sur le digital.
Thierry Debièvre : J’ajouterais que si on veut être plus performant via des canaux digitaux, on doit faire aussi évoluer son produit. Le faire correspondre davantage à ce que les consommateurs plus jeunes attendent. Avec, par exemple, des systèmes d’abonnement. A ce niveau la connaissance client est très importante, et il faut la matérialiser dans une offre produit qu’il faut adapter à la cible visée par cette proposition d’abonnement.
Olivier Medjek : Un système de Box est effectivement un excellent moyen pour toucher une cible plus jeune. Chaque mois ils reçoivent leur café à domicile, c’est pratique, ils ne tombent jamais à court. C’est un exemple d’expérience consommateur. Pour cette cible, il plus simple de proposer ces boxes et de développer l’abonnement derrière. C’est parfait, parce que dès le début du mois on sait combien on va gagner. On peut donc aussi adapter les moyens. Chez les plus de 50 ans, c’est différent, ils prennent le temps d’opérer un choix.

Aujourd’hui, les entreprises comme les nôtres ont digitalisé les business. Pour Café Privilège, j’étais à 6% et je suis passé à 12% en 6 mois et je vais passer à 25%. Et il y a une autre transformation qui s’opère, la transformation écologique. 

En matière de data, de CRM, quels sont les outils utilisés par Seety ?

Hadrien Crespin : C’est un point de développement. Nous avons énormément d’utilisateurs, mais avec une faible valeur commerciale par utilisateur. Parce que beaucoup sont gratuits. Les deux premières années, nous n’étions seulement un outil d’information sur le stationnement. Cette dimension communautaire nous a permis d’avoir pas mal de presse. Notre base de données a compté jusqu’à 500.000 personnes, malheureusement pas 500.000 utilisateurs payants.

Comme l’utilisation d’outils CRM coûte cher, nous avons préféré développer nos outils en interne et je pense que c’était un mauvais calcul. A présent nous sommes face à une complexité d’utilisation, parce que nous sommes toujours passés par l’équipe de développement pour fine tuner quelque chose. Cela aurait dû être totalement décorrélé et la segmentation assurée par le marketing.

Mais nous voulons développer notre approche data, car ces utilisateurs ont une vraie valeur, nous disposons d’énormément d’informations sur eux - localisations, fréquences d’achat, même leurs marques de voitures. Nous n’exploitons pas encore assez tout cela. Nous pourrions collecter et stocker beaucoup plus, segmenter de manière claire, analyser des comportements, retracer tout le funnel de l’utilisateur. Mais pour cela il nous faut des outils un peu plus performants et du temps. 

Pour en revenir à notre activité proprement dite, tout le travail jusqu’ici a été fait dans la conversion plutôt que dans la rétention. Nous avons un très fort taux de rétention. Il y a en moyenne un  taux de rétention de 90% dans les utilisateurs qui ont payé leur parking avec une app et qui le font le mois d’après. Actuellement tous nos efforts portent sur la manière de pousser les utilisateurs à faire leur première transaction. Sur 10 downloads il y a deux ou trois personnes qui vont passer à l’action. Il y a encore beaucoup d’autres choses à faire.

Comment se fait-il que vous vous soyez développés sur plusieurs pays dès le départ ?

Parce que nous avions ce volet informatif. Nous avons commencé sur Bruxelles, qui est particulier, du fait que c’est 19 communes avec 19 réglementations de parking. Notre produit informatif avait une valeur ajoutée très importante et nous voulions voir si c’était le cas à Paris, à Bordeaux, Amsterdam. C’était important de pouvoir montrer à nos investisseurs une validation sur plusieurs terrains de jeux.

Et l’autre raison était commerciale. Ce volet prend parfois du temps avec certaines villes, parce qu’il y a une dimension un peu politique, surtout pour le parking en rue. Et cela va parfois plus vite ailleurs. Nous couvrons l’ensemble des Pays-Bas, alors que ce n’est pas le cas en Belgique, alors que nous sommes Belges. Et puis notre produit a un vrai potentiel européen, voire mondial. C’est tout l’intérêt d’un business model scalable. La Belgique n’était pas suffisante comme terrain de jeu. 

Maintenant nous devons investir pour recruter plus massivement. Mais investir sur toute la Hollande nécessite un budget beaucoup plus important que pour investir sur Bruxelles. Donc parfois nous rétropédalons en décidant de nous concentrer sur nos villes clés. Surtout que la croissance est là. Cela fait deux ans que nous croissons entre 10% et 11% en moyenne par mois. Cela commence à devenir vraiment intéressant.

Thierry Debièvre : Ce que je vois à travers ces deux marques qui se repositionnent et se développent, c’est que nous assistons à la fin du push absolu. J’évolue dans le marketing depuis 30 ans et tout a toujours été axé le business, le développement commercial des marques. La data permet d’avoir énormément d’informations, mais ces informations ne servent à rien si c’est simplement pour faire du push. Je pense que la réflexion sur le produit, l’essence de la marque, son positionnement, sur ce qu’elle va apporter comme bénéfice, fonctionnel, émotionnel, personnel et sociétal, etc., sont essentiels. aujourd’hui, le consommateur plus que jamais décide. Le client est au cœur du dispositif, alors que bien souvent, c’est oublié et les logiques financières et commerciales des sociétés sont telles que l’on fait du push. C’est une vision à court terme. 

Hadrien Crespin : Pour moi, c’est un peu la problématique opposée, nous avions une vision extrêmement online, tout tracker, ne rien faire en push, ne se baser que sur du contenu. Je me rends compte que cet extrême-là ne marche pas non plus. Il faut pouvoir investir dans de la notoriété, avoir un share of voice, pour pouvoir aussi faire un peu de push, sinon, on ne vend pas son produit. 

La clé, c’est le mix. Et pas que du digital. Jusqu’ici je ne jurais que par le digital. Aujourd’hui, je pense que c’est bien pour certains points, mais que ce n’est pas suffisant. Je crois que beaucoup de start-up sont dans cette optique également. Quand elles commencent à avoir plus de moyens, elles veulent faire de la télé, de l’affichage, alors qu’elles viennent toutes au départ à 100% du digital.

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