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A la (re)conquête des usagers des transports publics

Lundi 5 Octobre 2020

A la (re)conquête des usagers des transports publics

Comment les entreprises de transport public peuvent-elles communiquer sur leur rôle social alors que les voyageurs sont surtout préoccupés par la ponctualité, le confort et la sécurité de leurs services ? Voilà une gageure qu’elles s’attellent depuis quelques années à relever, en n’hésitant pas à se serrer les coudes.

Avant, tout était très simple : la tâche des transports publics se limitait à conduire les gens d’un point A à un point B. Les différents prestataires mettaient tout en œuvre pour remplir cette mission aussi ponctuellement et confortablement que possible, et cela s’arrêtait là. Or, si on les interroge aujourd’hui sur leur rôle, on se rend compte que les priorités ont changé. Il ne s’agit plus seulement d’offrir un moyen de transport, mais aussi et surtout d’assumer une responsabilité sociale. « Nous voulons que le recours au train devienne un choix conscient », affirme Pascale Heesterbeek, Head of Corporate Brand & Communication de la SNCB. « Nous entendons offrir une solution de mobilité durable, fiable et sûre, constituant l’épine dorsale des transports publics. En même temps, notre solution de mobilité rencontre un certain nombre de problèmes sociaux : changement climatique, congestion routière… » 

Tous les transporteurs publics partagent la même préoccupation, et cette mission va de pair avec la volonté de mieux répondre aux attentes des usagers. De Lijn veut être un « compagnon de voyage intelligent pour les déplacements dans toute la Flandre », explique Kristof Wautelet, Directeur de la communication. « Nous voulons être proches de nos passagers, leur offrir un vaste éventail de solutions durables qui mettent l’accent sur la sécurité, la fiabilité et l’efficacité. » En donnant la priorité aux usagers, De Lijn remplit amplement sa mission sociale. En même temps, l’entreprise souhaite dialoguer avec les autorités flamandes en matière de politique de mobilité et offrir un cadre de travail stimulant en tant qu’employeur. « L’ambition majeure de De Lijn consiste à faciliter les déplacements en Flandre pour y améliorer la qualité de vie. » 

« Les objectifs de la STIB transcendent notre société de transport », souligne à son tour Lionel Lammens, Marketing Director. « Notre mission est d’améliorer la mobilité à Bruxelles. Nous voulons transformer la capitale en un endroit où il fait bon vivre. Pour réaliser cette ambition, nous misons sur le concept de "mobility as a service". Ces dernières années, nous avons étendu cette mission à tous nos pôles d’activité. »

La qualité de l’offre avant tout

La mission sociale assumée par les entreprises concernées a engendré un nouveau défi en matière de communication : elles doivent s’atteler à changer leur image de marque en mettant en exergue la place centrale qu’elles accordent aux usagers et les bienfaits pour la société d’une utilisation plus généralisée des transports en commun. Ce travail n’a rien d’évident : la plupart des gens continuent à associer bus, tram, métro et train avec des véhicules bondés, des horaires non respectés et des changements de dernière minute. 

Ces lacunes ne forment-elles pas un frein lorsqu’il s’agit de mettre en avant les avantages pour la société ? « Bonne question », répond Pascale Heesterbeek. « En tout cas, cette communication sociale n’aura d’effet que si la qualité des services est assurée. Les gens doivent prendre conscience que la SNCB accorde une place centrale à ses usagers. C’est là notre priorité : nous nous employons à faciliter la vie des gens. Si nous voulons que ceux-ci considèrent le train comme un choix évident, il nous faut veiller à la sécurité, à l’entretien et à la ponctualité de notre offre. » 

Tous s’accordent à dire que l’image des transports publics s’améliore. Lionel Lammens : « Nous réalisons chaque année une enquête de perception et nous constatons une amélioration constante, tant pour les aspects plus rationnels qu’en termes d’image de marque. La perception est en train de changer, nous sommes plus proches des gens et nous intégrons mieux à la ville et à sa dynamique. » Pour De Lijn, ces progrès n’ont rien d’évident. L’entreprise a procédé à une réorganisation majeure en 2018 ; elle a connu une année très difficile en 2019 et tente de renverser la vapeur en 2020. « De Lijn est en train de récolter les fruits de son pilotage centralisé assorti à une gestion décentralisée de la relation client », explique Kristof Wautelet. « Cette approche nous a permis de faire face à la crise du coronavirus de manière rapide et efficace. En outre, nous avons procédé à de nombreux recrutements pour assurer la continuité de nos services, leur fiabilité et ponctualité. » 

« Chez nous aussi, on constate que nos efforts portent leurs fruits », enchaîne Pascale Heesterbeek. « En 2019, 67% de nos clients ont attribué à la SNCB une note d’au moins 7 sur 10. Soit 11% de plus qu’en 2018. » Toutefois, les entreprises de transport soulignent qu’il ne s’agit pas seulement du respect des horaires. Tant De Lijn que la STIB affirment avoir accéléré l’introduction du paiement sans contact pour répondre aux nouvelles exigences en matière d’hygiène. Une décision déjà prise plus tôt par la SNCB.

Les défis posés par le Covid-19

Depuis la mi-mars, la pandémie a entièrement bouleversé la donne pour ces entreprises de transport. En plus des défis sanitaires, le Covid-19 a créé un contexte très particulier pour poursuivre les efforts en matière de satisfaction des usagers et de responsabilité sociale. Logiquement, au début de la crise, les sociétés de transport ont opté pour une communication fonctionnelle : la façon d’emprunter les transports publics en toute sécurité, les mesures prises et les attentes en matière de comportement des voyageurs. Mais ces circonstances n’ont-elles pas empêché ces acteurs de la mobilité de continuer sur leur lancée ? De Lijn a mené une campagne baptisée "Smooth and Safe" en vue de souligner l’importance de la sécurité, tandis que le NMBS regroupait sa communication autour de la pandémie sous la signature "MoveSafe", ce qu’elle continuera encore à faire cet automne. Dans le cadre de "Voices de Brussels", menée à partir de la mi-avril, la STIB a quant à elle fait circuler des bus équipés de haut-parleurs pour relayer des messages aux proches des usagers... 

Les trois entreprises reconnaissent qu’il n’est pas facile de mener une campagne créative qui accorde aussi une attention suffisante aux éléments fonctionnels. « Il faut rester crédible et pertinent, ne choquer personne tout en ajoutant cette touche typiquement bruxelloise », synthétise Tamara De Bruecker, Senior VP Sales, Marketing and Network à la STIB. « Notre marque se distingue par son ton décalé. Mais il nous fallait maintenant trouver le juste équilibre entre ce ton et le message parfois grave. » La STIB s’est notamment associée à un influenceur, qui a expliqué l’utilisation du masque de manière ludique dans des capsules diffusées sur la RTBF. La SNCB s’est également engagée dans cette voie en collaborant au programme "Tussen Eupen en Ostende" de la VRT, qui raconte l’histoire du confinement et de l’après-confinement sur la plus longue ligne de chemin de fer de Belgique. Six mois après le début de la pandémie, les trois entreprises de transport dressent un bilan positif des actions menées. Leur façon de gérer la crise, notamment en matière de communication, a sensiblement accru leur crédit. « Nous voulions apporter notre contribution et cela nous a valu le respect », analyse Pascale Heesterbeek, qui avait orchestré sa première campagne d’image importante pour la SNCB juste avant la crise, avec le slogan "Nous vous souhaitons un agréable voyage". « Nous voulons renouer avec ce message. Nous espérons pouvoir tirer profit du respect acquis au cours des derniers mois, mais surtout peaufiner le plus vite possible notre nouveau positionnement de marque. »

Outre la priorité accordée aux clients et à l’impact social, on constate encore d’autres parallélismes dans l’approche. En commençant par les choix médias en vue de séduire leur public. Kristof Wathelet : « Notre budget marcom dépend de l’allocation que nous recevons chaque année du gouvernement flamand. Comme vous le savez, De Lijn a dû faire des économies à plusieurs reprises ces dernières années, et les investissements marcom en ont souffert. Nous pensons que la crise sanitaire rend de nouveaux investissements nécessaires pour convaincre les gens de reprendre le bus ou le tram. » De son côté, la STIB fait état de budgets relativement stables, mais souligne également que pour les sociétés de transport, leur propre réseau de gares, d’abribus, etc. constitue un atout de taille. Il permet en effet de réserver des espaces dans des délais assez courts et de conclure des accords d’échange. 

Si l’on examine le mix média des récentes campagnes, on constate de fortes disparités, aussi en fonction de la cible choisie. De Lijn, par exemple, utilise de plus en plus de canaux numériques en complément à ses propres supports, tout en tablant sur des spots radio pour accroître la notoriété de sa marque. « En plus de la TV, la combinaison de la radio, de l’affichage et de la vidéo en ligne semble générer la plus vaste audience et le plus fort impact », précise Wautelet. La stratégie média de la SNCB s’inscrit également dans cette optique.

Comodalité

Le rôle accru de la communication digitale n’a bien sûr rien de surprenant en soi. En plus des réseaux sociaux et/ou des vidéos en ligne, les applications utilisateur, en particulier, forment un point d’ancrage dans la communication avec la clientèle. Les informations sur le réseau, les temps d’attente, les déviations, les pannes, et bientôt aussi sur les taux d’occupation, sont envoyées sur les smartphones des voyageurs. En septembre, la SNCB lancera une appli qui permettra de consulter le taux d’occupation des trains en temps réel. Toutes les entreprises de transport disposent d’une équipe chargée d’améliorer en permanence la communication avec les usagers. 

« Auparavant, les temps d’attente étaient le motif principal pour utiliser l’application », indique Lionel Lammens. « Nous y associons désormais de nouvelles possibilités et comptons absolument y intégrer d’autres solutions de mobilité. » Il pointe ainsi un autre élément commun aux divers prestataires : l’opposition entre voitures, d’un côté, et transports en commun, de l’autre, est dépassée. Avec l’avènement de nouvelles solutions de mobilité comme les voitures, trottinettes et vélos en libre-service, un nouveau terrain de jeu a vu le jour. Il a pour nom "comodalité" et cadre avec l’ambition d’accorder une place centrale au client. La communication suit cette tendance en encourageant les voyageurs à combiner les modes de transport en les aidant à trouver la meilleure association. En témoigne une campagne telle que "Mobiele Maandag" de De Lijn, qui appelait à utiliser des moyens de transport alternatifs une fois par semaine. 

Cette logique combinatoire a également inspiré la métaphore de l’épine dorsale pour décrire le transport public, citée à plusieurs reprises par mes interlocuteurs. Pascale Heesterbeek : « Une gare peut être considérée comme une plaque tournante de la mobilité. Cette intégration des modes de transport est visible dans les app' ou le calculateur d’itinéraires, mais aussi, par exemple, dans le projet pilote des panneaux multimodaux à Bruxelles-Midi. » 

Conjuguer les forces

Si nos entretiens avec les sociétés de transport font ressortir une chose, c’est bien l’existence de nombreux défis et solutions communs. Le prestataire wallon TEC, qui n’a pas pu participer à nos discussions, s’inscrit dans une évolution similaire. Les quatre entreprises affinent leur communication en tablant notamment sur leur mission sociale, leur orientation client et la digitalisation. Le temps n’est-il dès lors pas venu de communiquer ensemble sur l’importance des transports publics ? Poser la question, c’est déjà y répondre. 

La toute première campagne menée de concert par les quatre prestataires de transport public se déroulera à partir de la mi-septembre. Son point de départ est, ici encore, la pandémie. L’idée est née après une conférence de presse du Conseil National de Sécurité, où l’on avait incité les gens à "prendre la voiture". Les quatre sociétés de transport ont ressenti le besoin d’envoyer un signal positif et les quatre agences impliquées (LDV pour De Lijn, mortierbrigade pour la STIB, TBWA pour la SNCB et Hungry Minds pour le TEC) ont également uni leurs forces. Le résultat est une campagne visant à motiver les voyageurs à réemprunter les transports publics. Pendant la Semaine de la Mobilité, elle plaidera pour l’ajout des transports publics à la palette des habitudes acquises ces derniers temps. La campagne se déclinera en OOH, radio et en ligne. « Nous sommes d’ores et déjà très satisfaits du résultat créatif et nous envisageons même de réitérer cette expérience », indique Kristof Wautelet. « C’est un bel exemple de ce que l’on peut obtenir en tissant des collaborations entre les différentes régions. »

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