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Wavemaker et Jelle Demanet se penchent sur les sciences comportementales et la neuroscience

Mardi 4 Juin 2019

Wavemaker et Jelle Demanet se penchent sur les sciences comportementales et la neuroscience

Après plusieurs séances consacrées à l’intelligence artificielle et au marketing vocal, Wavemaker a lancé le mois dernier un troisième cycle de formation dédié cette fois aux sciences du comportement et à la neuroscience. La première séance a été donnée par Jelle Demanet, professeur en psychologie expérimentale et neurosciences cognitives à l’Ugent et cofondateur de la start-up Apollo8, spécialisée en data science.

Au cours de cette session introduite par Florian Linclau, Analytics & Insights Expert chez Wavemaker, Jelle Demanet a expliqué comment la recherche en neurosciences pouvait faciliter l’analyse et la prédiction des comportements des consommateurs, et contribuer à l’évaluation des campagnes et des stratégies de communication. Le tout illustré par de nombreux exemples et études de cas pour étayer ses propos. Après avoir offert un tour d’horizon des techniques passées et présentes, il a esquissé les perspectives ouvertes par les neurosciences : les principaux défis consistent, d’une part, à rendre les études évolutives et entièrement automatisées (et, partant, plus accessibles et meilleur marché) et d’autre part, à obtenir un environnement de test aussi naturel que possible. 

Dans la première partie de son exposé, Jelle Demanet a souligné la nécessité de la recherche en neurosciences pour améliorer le marketing et la communication. En résumé, deux processus cérébraux entrent en jeu lorsqu’il s’agit de faire des choix et de prendre des décisions (d’achat). Ceux-ci se déroulent dans deux zones distinctes que l’on appelle le cerveau émotionnel intuitif et le cerveau rationnel. 
 
Le premier est aussi qualifié de système rapide et le second de système lent, comme Daniel Kahneman le décrit dans son livre "Thinking Fast & Slow". Les marques s’efforcent bien entendu de stimuler le premier système. Il est possible de recourir à des méthodes développées par les sciences du comportement et les neurosciences pour analyser les processus émotionnels intuitifs dans le cerveau. 

Ensuite, Jelle Demanet a commenté les différentes méthodes de recherche utilisées par ces disciplines. Leur choix dépend de ce que l’on souhaite savoir, chacune éclairant une perspective particulière sur la façon dont les gens réagissent : de la mesure de l’implication de certaines zones du cerveau aux éléments qui parviennent à capter l’attention, en passant par la vitesse de réaction cérébrale. 
 
Une première série de méthodes peuvent être rassemblées sous la dénomination générale d’imagerie cérébrale. Elles permettent de mesurer l’activité cérébrale comme l’EEG (électroencéphalographie), la MEG (magnétoencéphalographie) et l’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle). 
 
Ces techniques sont utilisées dans des études qui tentent de déterminer la manière dont le cerveau réagit à la publicité, aux emballages et à la configuration des points de vente. Chaque technique présente un certain nombre d’applications spécifiques. L’IRMf permet de vérifier si les zones responsables de l’expérience émotionnelle sont activées. Le MEG de mesurer très rapidement, en 200 millisecondes, ce que le consommateur préfère. Enfin, l’EEG est utilisé pour déterminer les associations causées par certains textes publicitaires, mais aussi pour mesurer quand les consommateurs sont vraiment attentifs ou non. 
 
Il est fort probable que l’EEG deviendra la technique la plus utilisée à l’avenir. En effet, l’évolution technologique rend l’utilisation de cette méthode plus facile et moins coûteuse dans des environnements de test moins contrôlés, tels que les magasins, les aéroports et les festivals, étant donné que les gens sont libres d’y circuler à leur guise. 
 
Ce point continue à poser problème pour les autres outils de neuroimagerie où le comportement naturel des personnes est entravé par des équipements. Un exemple belge de l’utilisation d’une étude EEG dans le cadre de campagnes de marketing est l’expérience "Het Musieklaboratorium" menée par Profacts pour la radio Joe de DPG Media. L’institut a tenté d’expliquer les raisons pour lesquelles les mêmes titres se retrouvaient chaque année en tête du top 2000 de Joe. 
 
Une autre application marketing récente concerne la campagne "He(art) Scanner", orchestrée par Ikea à l’occasion d’une nouvelle édition de sa collection Art Event, qui mettait cette année l’art du tapis à l’honneur. Les pièces de la collection ne pouvaient être achetées que par des personnes réellement touchées par les œuvres d’art.
 
Les techniques physiologiques

Un deuxième groupe de méthodes peut être réuni sous la catégorie "techniques physiologiques". Il s’agit notamment des mesures des mouvements oculaires, de la taille de la pupille, de la fréquence cardiaque et de la conductance cutanée. Lors de l’évaluation des campagnes, ces deux dernières sont de bons marqueurs d’un impact publicitaire élevé lorsque se produit une "activation cérébrale" (arrousal), c’est-à-dire une augmentation de l’engagement émotionnel du consommateur. 
 
Un bel exemple d’application marketing en la matière concerne une analysedes publicités diffusées lors du Superbowl par Ipsos. L'institut a organisé une "watch party" en invitant des personnes à venir suivre le match avec leurs amis. Cette étude a ceci d’innovant que les schémas d’activation cérébrale des 37 participants ont été mesurés en parallèle pendant la diffusion en direct. Ces mesures ont permis à Ipsos d’établir le classement des 10 spots publicitaires les plus appréciés. 
 
D’autres techniques font appel à des eye-trackers mobiles dans les supermarchés en vue d’analyser les éléments qu’un consommateur regarde (prix, emballage, marques concurrentes, etc.). Par exemple, l’étude menée par Brightfish mesurait le niveau d’attention des consommateurs lorsqu’ils visionnaient des spots sur différents supports. Pour ce faire, on a eu recours à l’eye-tracking mobile au domicile des consommateurs, sans leur indiquer ce que l’on mesurait exactement. Conclusion : les spots projetés dans les salles de cinéma captent beaucoup plus l’attention que ceux diffusés à la télévision ou sur Internet. 
 
Enfin, Jelle Demanet a évoqué l’avenir des sciences comportementales et des neurosciences. Selon lui, il convient de combler deux lacunes importantes dans les techniques exposées ci-dessus : le consommateur ne peut pas toujours se comporter normalement dans les environnements de test et la modélisation prédictive est souvent rendue impossible par la quantité insuffisante de données. 

Il estime que ces obstacles pourraient être surmontés à l’aide de plateformes de tests utilisant une webcam comme Cool Tool et Affectiva, qui permettent non seulement de voir ce que le consommateur regarde au moyen de l’eye-tracking, mais aussi de lire les émotions sur son visage. Les avantages sont le faible coût et l’environnement de test naturel ; les inconvénients sont qu’aucun effet d’activation cérébrale ne peut être mesuré et que l’on se limite à une seule plateforme média, l’ordinateur. 
 
Ensuite, on peut citer les techniques de biométrie à domicile, telles que Mindprober, pour tester les contenus des médias. On connecte pour ce faire une application à un appareil. L’avantage ici est qu’on analyse les schémas d’activation cérébrale qui sont synthétisés dans un tableau de bord et que le contenu peut être testé sur toutes sortes de plateformes. On peut également utiliser la biométrie pour étudier les réactions à l’affichage et les comportements dans les points de vente, en intégrant des caméras dans un panneau pour analyser le ratio homme-femme, les catégories d’âge, les émotions et mouvements, le nombre de passants regardant ou non la publicité, etc. 
 
Leur usage peut faciliter les tests A/B des campagnes et fournir plus d’informations au client. Selon Jelle Demanet, cette méthode offre le plus grand potentiel parce qu’elle pallie toutes les lacunes actuelles des neurosciences du consommateur, à savoir l’évolutivité permettant d’enregistrer plus de données et l’observation des individus en situation naturelle. 
 
Si l’on souhaite analyser également l’activation cérébrale, il suffira par exemple d’ajouter la nouvelle technologie développée par IMEC pour mesurer la fréquence cardiaque à distance.Concernant le respect de la vie privée, cela ne devrait pas poser de problème, étant donné que ces procédés répondent aux exigences du RGPD en mesurant et stockant uniquement des données anonymisées concernant le visage.

Pour Demanet, il ne fait aucun doute que l’impact des sciences du comportement va aller croissant puisque les équipements numériques permettent d’analyser les comportements des gens de façon aisée, rapide et évolutive. Pourquoi encore recourir à des questionnaires si l’on peut réaliser des mesures directes ? C’est d’ailleurs la meilleure façon de prédire les comportements futurs. Par exemple, plus les gens prennent une décision rapide lors d’un achat en ligne, plus ils sont convaincus d’avoir fait le bon choix et mieux on peut prédire leurs comportements futurs. 
 
La différence avec les méthodes de recherche actuelles, plus traditionnelles, est que ces nouvelles méthodes peuvent être testées en temps réel et qu’il n’est plus nécessaire de mettre en place des environnements de recherche. Un bel exemple est l’application développée par Sentiance. Cette entreprise offre aux annonceurs la possibilité de connecter leur appli à l’appli SDK, qui collecte des données sur le comportement de l’utilisateur et les traduit en informations précieuses sur la personnalité et les préférences de celui-ci. Après un certain temps, elles prennent un caractère prédictif, de sorte que l’annonceur est en mesure d’envoyer des images et textes adaptés au bon moment. 

Selon le CEO de Wavemaker, Thierry Brynaert, cette première séance illustre les ambitions de l’agence, qui entend devenir la référence en matière de sciences comportementales. Son intention est d'ailleurs de développer à court terme des offres de consulting en la matière. 

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