Nl

TECH

Jeroen Lemaire (In The Pocket) : "Opter pour la recherche UX demande de faire preuve d'ouverture"

Jeudi 23 Novembre 2023

Jeroen Lemaire (In The Pocket) :

Depuis sa création il y a 13 ans, In The Pocket n'a cessé de se développer. C'est aujourd'hui un studio de produits digitaux pour le développement front-end et back-end, auquel les clients peuvent également s'adresser pour la stratégie et la recherche UX.

Rencontre avec Jeroen Lemaire, cofondateur et CEO de l’entreprise.

Aujourd'hui, In The Pocket est une entreprise indépendante réputée qui possède des bureaux à Gand, Louvain et Anvers. Son ambition s’étend aussi largement à l’international, puisqu'elle est active aux Pays-Bas, en Roumanie et au Portugal. Comment en êtes-vous arrivés là ?

Lorsque j'ai fondé In The Pocket en 2010 avec Louis Jonckheere et Pieterjan Bouten, le secteur du mobile était en plein essor et, dès le premier jour, nous avons décidé de nous y consacrer pleinement. Le moment était bien choisi : nous nous sommes spécialisés dans les ‘utility apps’ et nous avons développé notre propre produit, le ShowPad, que nous avons ensuite logé dans une société distincte qui emploie aujourd'hui plus de 500 personnes.

Avec In The Pocket, nous sommes passés du statut de développeur d'applis mobiles à celui de studio de produits digitaux : 40% de notre chiffre d'affaires provient du développement front-end, 40% du développement back-end et le solde, de la stratégie et l’IA.

Vos activités ont donc considérablement évolué et incluent désormais la recherche sur l'expérience des utilisateurs d'applications, que vous les ayez vous-mêmes développées ou non.

En effet. Nous ne nous contentons pas de créer des produits, nous menons également des recherches sur leur utilisation, leurs forces et leurs faiblesses, exprimées en chiffres, mais aussi en termes de perception et de sentiment.

C'est ce que nous avons fait, par exemple, pour l'app de VTM GO, conçue par DPG Media. C’est un produit mature et l’on pourrait donc penser que la recherche n’a plus d’utilité, mais c'est tout le contraire. Juste après un lancement réussi, le moment est idéal pour voir comment il est possible d’encore améliorer un produit pour surfer sur l’attraction et ainsi découvrir où se situe le potentiel de croissance. Car le développement de produits ne s'arrête jamais et les logiciels sont toujours en mouvement : les utilisateurs changent, le monde aussi, et il ne faut pas oublier que le développement coûte beaucoup d'argent.

Concrètement, comment avez-vous procédé dans le cas de VTM GO ?

L'objectif était d'amener les utilisateurs à s'exprimer sur les améliorations souhaitées et sur les comportements qu'ils adoptent ou non. Après le recrutement des répondants, l'enquête s'est étalée sur plusieurs mois, avec des entretiens approfondis, des groupes de discussion, la tenue de journaux et des enregistrements vidéo au sein des familles participantes.

Nous avons notamment appris que les 35+ utilisent certes déjà volontiers le streaming, mais il est frappant de constater à quel point ce groupe reste attaché au modèle mental de la télévision linéaire. D'autre part, un groupe important de jeunes utilisateurs de VTM GO effectuent des recherches orientées ‘streaming on-demand’. Un défi auquel les plateformes internationales comme Netflix et Disney+ ne sont pas confrontées. Pour rencontrer les besoins de ces deux groupes, il faut réunir le meilleur des deux mondes au sein de VTM GO.

Nous avons également découvert que la home page est le principal point d'entrée où l’on peut fortement stimuler l'intention de l'utilisateur. Si quelqu'un arrive avec un titre en tête, c’est la rapidité avec laquelle il pourra le regarder qui fera le succès de la page d'accueil. S’il est animé par un besoin de découverte, le succès de la home page sera qu’il découvre et regarde un nouveau contenu. 

Ces insights sont particulièrement utiles pour le développement futur de la plateforme de streaming. La recherche UX sert de boussole pour déterminer où investir son argent. C'est la raison d'être du développement agile de logiciels.

C’est-à-dire ?

Au lieu de tout définir à l'avance, de commencer le développement et de ne le tester sur le marché qu'à la toute fin, le développement agile vise à obtenir un premier produit le plus rapidement possible et à l'améliorer de manière itérative sur base du feedback des utilisateurs.

La recherche utilisateur joue ici un rôle fondamental. Pour nous, il s'agit d'une activité en croissance et récurrente pour des clients comme Argenta. Je pense qu'il s'agit d'une évolution intéressante : les clients ont l'habitude de faire des études de marché, mais au niveau du produit, c'est rare. C’est précisément ce que nous faisons, à partir de la pratique du développement de produits et en vue d’updates ultérieurs. Par ailleurs, la recherche UX fait partie de la roadmap des équipes produit. La boucle est ainsi bouclée, en transformant les insights en actions.

Quelle est la plus grande difficulté de la recherche UX ?

Sûrement la culture des entreprises où l'on craint ce que pourrait dire l'utilisateur, où le management craint que l'étude utilisateur ne donne raison à quelqu'un d'autre. Opter pour la recherche UX demande de faire preuve d’ouverture, d’accepter d’être vulnérable. D'un autre côté, si vous avez peur de recevoir du feedback, mieux vaut arrêter de développer votre produit.

Vous avez devancé le marché avec la révolution mobile. Que pensez-vous de l'IA ? Et quelle sera la prochaine évolution ?

Nous croyons fermement que la genAI modifiera radicalement l'ensemble du paysage technologique et nous pensons également qu'elle aura un impact énorme sur toutes les entreprises. Depuis le mobile, c’est la première fois que nous assistons à cela. La révolution se produit non seulement sous le capot, mais aussi au niveau de l'interface utilisateur, où ce dernier peut aujourd'hui interagir dans un langage naturel avec un ordinateur qui le comprend.

De plus, la genAI est très peu exigeante et largement applicable. Nous constatons que les grandes entreprises l'utilisent encore très peu, peut-être par prudence et en raison de l'incertitude économique, mais je pense que des cas très intéressants verront le jour en 2024.

Archive / TECH